Opinions - 12.04.2016

Oui pour le principe de changement du régime politique mais pas comme l’entend le président de la république

Oui pour le principe de changement du régime politique mais pas comme l’entend le président de la république

Depuis que M. Béji CAïd Essebsi a évoqué la nécessité de changer le régime politique en élargissant les prérogatives du Président de la république, il ne passe pas un jour sans qu'il n'y ait un débat sur l’opportunité de ce changement. Les acteurs politiques, de tout bord, ne sont pas unanimes sur la question. Il est vrai devant les inconvénients et les avantages de chaque régime, qu’il soit classique ou hybride, il est difficile de trancher de façon sans équivoque sur la question. Voyons de plus près la problématique et la question de la recherche du meilleur choix.

Problématique

Parmi les règles élémentaires de la démocratie, on peut citer l’équilibre entre les quatre pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire et des médias). Il est facile d’observer que l’étendu du pouvoir exécutif dépasse l’étendu de chacun des trois autres pouvoirs, notamment dans les régimes présidentiel et parlementaire. En effet, ces deux régimes donnent lieu respectivement à un pouvoir excessif au président de la république (cas du régime présidentiel) ou au chef du Gouvernement (cas du régime parlementaire).

Le régime parlementaire modéré (ou régime hybride) prône le partage du pouvoir exécutif entre deux pôles ou têtes : le Président de la république qui est élu par le peuple et le chef du Gouvernement qui est désigné par le parti vainqueur dans les élections législatives.  Faut-il préciser que le champ du pouvoir et des prérogatives du chef du gouvernement dépasse celui du Président de la république. Malgré ce dépassement,  théoriquement, le régime parlementaire modéré est le mieux placé à assurer un meilleur équilibre entre les pouvoirs (vu le partage du pouvoir exécutif en deux pôles). Cependant, il n’est pas exempt de défaillances majeures, notamment au niveau du principe d’indépendance des pouvoirs. Plus encore, ce régime, conduit dans les faits et la pratique à altérer même sa qualité distinctive à savoir un meilleur équilibre entre les pouvoirs. Quel régime politique devait-on alors adopter devant les inconvénients des régimes classiques purs et du régime hybride ? Pour répondre à cette question il y a lieu d’expliquer d’abord les défaillances majeures du régime actuel.

Défaillances du régime hybride

Dans ce régime, c’est le parti vainqueur dans les élections législatives qui choisit le chef du Gouvernement (et par suite les membres du gouvernement), contrôle le travail et les décisions du Gouvernement. Comme conséquence, le parti vainqueur, en coalition avec d’autres partis, à part son pouvoir législatif, aurait la mainmise sur un grand part du pouvoir exécutif. Ainsi, le régime politique actuel conduit inéluctablement à la mainmise du parti vainqueur dans les élections législatives de deux grands pouvoirs à savoir le pouvoir législatif et une grande partie du pouvoir exécutif. Or, une des règles élémentaires de la démocratie consiste dans la séparation et l’indépendance de chacun des pouvoirs par rapport aux trois autres. Il suffit qu’un des quatre pouvoirs s’empare à un autre pouvoir pour que l’édifice de la démocratie s’écroule. Cela explique pourquoi les régimes dictatoriaux, tels que celui de Ben Ali, cherchent par tous les moyens, après avoir accédé au pouvoir exécutif de s’approprier des trois autres pouvoirs. Cela explique pourquoi Nahda après avoir accédé légalement (grâce au régime parlementaire adopté durant la période de la conception de la constitution) à deux grands pouvoirs, a tout fait pour faire la mainmise sur le pouvoir judiciaire et sur le pouvoir des médias. S’il n’a pas totalement réussi dans cette entreprise, c’est notamment grâce à la vigilance des forces vives de la nation.

Ajoutons à cela, l’expérience montre que lorsqu’un parti désigne et choisit un haut responsable, même si ce dernier est indépendant, celui-ci n’agit pas en tant que représentant de tout le peuple tunisien mais en tant que représentant du parti qui lui a offert ce privilège de choix. L’exemple de Mr Mahdi Jomâa prouve nos dires avancés. Malgré sa bonne volonté et sa compétence, il n’a pas pu (et peut être aussi n’a pas  osé) appliquer la feuille de route et prendre les décisions des grands choix qui sont de nature à sortir la Tunisie de l’impasse afin de ne pas provoquer la colère de Nahda. L’exemple de Mr Habib Essid est plus grave. Il est choisi par les deux chefs des deux partis vainqueurs aux élections législatives qui ont une vision opposée du modèle de la société à adopter. Dans cette position inconfortable de concilier deux directives opposées, le chef du gouvernement actuel se trouve paralysé pour pouvoir prendre les grandes décisions stratégiques à adopter telles que la feuille de route et les grandes réformes. Cela ne peut qu’arranger le projet diabolique de Nahda (au détriment de la Tunisie). Miser sur la révision de son (Nahda) projet en coopérant et en partageant le pouvoir avec elle au lieu d’appliquer la feuille de route (signée par Mr Gannouchi) s’avère une erreur stratégique. Les faits montrent nos dires avancés. Avec l’effritement de Nida, Nahda se trouve majoritaire dans l’assemblée et par suite détient au moins deux types de pouvoir. Pour préserver son poste de chef du gouvernement, Mr Essid est plutôt enclin à suivre les directives de chef du parti Nahda que celui du Président de la république. Nous pouvons comprendre alors, pourquoi Mr BCE veut changer alors le régime politique en élargissant le spectre du pouvoir présidentiel. Les mobiles et les motifs de la volonté du changement sont circonstanciels et non de fondement durable. Nous ne sommes pas contre le principe du changement mais contre le mode et la manière du changement du régime.

Faut-il encore préciser un aspect du régime actuel relatif au contrôle. Théoriquement, ce sont les élus qui contrôlent le travail et les décisions du gouvernement. Mais dans les faits, notamment dans les pays qui n’étaient pas initiés à la démocratie, ce rôle de contrôle ne peut être exercé par le parlement pour des raisons psychosociologiques : ce sont les dirigeants du parti vainqueur des élections parlementaires, promus et désignés comme membres du gouvernement, qui auront réellement ce pouvoir. En effet un élu, membre du parti vainqueur (qui ne figure pas dans la classe dirigeante) ne peut pas adresser un blâme (carton rouge), voire une simple remarque ou critique (carton jaune) à son dirigeant.  Ainsi, dans les faits c’est le gouvernement qui va contrôler, voire diriger même, le travail du parlement, et par suite le régime parlementaire conduit à l’emprise du parti vainqueur sur les pouvoirs exécutif et législatif.

La solution

Elargir les prérogatives du Président de la république peut conduire au régime présidentiel, voire même au régime présidentialiste. Nous avons déjà évoqué les inconvénients de ce régime ainsi que celui du parlementaire. La seule issue qui permet à un régime politique de maximiser les chances d’assurer le principe d’équilibre entre les quatre pouvoirs (c’est pour cela qu’il est judicieux de diviser le pouvoir exécutif en deux têtes) et le principe d’indépendance des quatre pouvoirs est d’opter pour un nouveau régime politique novateur qui conduit à ce que le chef du Gouvernement, comme c’est le cas du Président de la république, soit directement élu par le peuple. Un chef élu, notamment lorsqu’il est savamment élu par le peuple et possède le sens de l’Etat, ne peut agir qu’en tant que représentant de tous les citoyens tunisiens et non pas en tant que représentant de son parti ou du parti vainqueur dans les élections législatives.

Il en est de même pour la loi électorale des législatives qui adopte le scrutin de liste. Ce mode ne permet à l’électeur de choisir directement ses représentants indépendamment de leur appartenance. Le mode devait permettre à l’électeur de choisir ses représentants (de façon nominative) indépendamment de la liste auxquels ils sont inscrits (même s’ils appartiennent à divers partis). Dans ce cadre, le parti ne peut pas avoir une grande emprise sur l’élu, et par suite ce dernier peut représenter réellement son peuple et non pas son parti. Et c’est dans ce cadre que le citoyen ne serait plus infantilisé. Par ailleurs, nous pouvons nous demander au nom de quoi, les élus ou plus précisément les hauts dirigeants du parti vainqueur aux élections législatives choisissent à la place du citoyen un chef du gouvernement qui possède la grande partie du pouvoir exécutif ?!

Pour bénéficier, autant que faire se peut, des avantages que peut offrir un tel régime novateur, faut-il veiller dans son application au respect à deux règles d’or en Organisation à savoir l’équilibre entre pouvoir et responsabilité et l’homme qu’il faut dans la place qu’il faut.

Equilibre entre pouvoir et responsabilité

Il n’est point inutile de rappeler la proposition de Montesquieu : « C’est une expérience éternelle, tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites ». Nous considérons que l’un des moyens efficaces qui constituent une limite et une barrière contre l’abus du pouvoir est le fait d’appliquer le principe d’adéquation ou d’équilibre entre pouvoir et responsabilité. Un déséquilibre en faveur de l’un des membres de l’équation (Pouvoir = Responsabilité) n’est pas un facteur d’efficacité. Il suffit que le pouvoir d’un détendeur d’un poste dépasse sa responsabilité (Une partie du pouvoir sans responsabilité) pour qu’il passe, parfois même involontairement, à l’abus de pouvoir. Par contre, lorsqu’un manager est tenu responsable des décisions d’autrui (responsabilité dépasse pouvoir), cela constitue un facteur de démotivation et de sentiment d’injustice. Il s’agit là d’une des règles d’or du management d’entreprise, plus précisément d’Organisation. Cependant l’application effective de cette règle n’est pas aussi évidente et simple qu’on pourrait y penser en premier abord. L’application stricte de l’équation correspondante au principe est un idéal auquel on a droit d’y aspirer mais aucunement une réalité. Appliquer, autant que faire se peut, ce principe nécessite notamment la distinction entre pouvoir et responsabilité et l’adoption de certaines précautions.

Distinction entre pouvoir et responsabilité

On a souvent tendance à confondre entre responsabilité et pouvoir. En effet, lorsqu’on évoque le terme responsable ou l’expression « un grand responsable », on entend par là une personne qui a un large pouvoir décisionnel ou tout simplement une personne puissante qui est distincte d’une personne responsable (qui assume bien ses responsabilités). La responsabilité est marquée par trois caractères ou notions distincts:

  • la sanction qui est la marque essentielle de la responsabilité. Elle doit exister par tout, même au sommet de la hiérarchie ;
  • l’engagement moral à remplir convenablement une mission, considérée comme un devoir, une obligation de résultats traduisant les objectifs de la mission ;
  • l’aptitude du détendeur du pouvoir d’assumer ses responsabilités, les conséquences de ses actes et de ses décisions ainsi que ceux de ses subordonnés. «Etre homme, c’est précisément être responsable» (Saint-Exupéry).

Ainsi, une personne véritablement responsable c’est quelqu’un qui possède nécessairement ces trois traits de caractères marquant la responsabilité. Quant au pouvoir, il comprend plutôt trois notions distinctes:

  • liberté d’agir, de prendre des décisions avec une réelle marge de manœuvre et d’autonomie (pouvoir formel délégué) ;
  • compétence, capacité et potentiel reconnus dans un domaine délimité, plus particulièrement celui qui fait l’objet de la délégation ;
  • autorité : qualité, ascendant par lesquels quelqu’un se fait obéir, indépendamment de son pouvoir formel, à travers notamment sa supériorité de mérite ou de séduction imposant l’obéissance, le respect et la confiance. Il s’agit d’une puissance, d’une autorité de fait et non de droit détenue sur quelqu’un, sur quelque chose.

Précautions d’application

L’adéquation entre la responsabilité et le pouvoir dans une délégation consiste notamment à rendre responsables les individus dans la mesure du pouvoir qui leur est conféré. Cela nécessite de prendre les précautions suivantes:

  1. Un manager ne peut être tenu responsable que de ce qu’il doit et peut décider.
  2. Un manager doit être tenu pour responsable de tout ce qu’il doit et peut décider.
  3. Toutes les responsabilités doivent être endossées de façon non équivoque.
  4. Un manager, en prenant ses responsabilités et rien que ces responsabilités, doit agir dans l’intérêt supérieur de son organisation.

Il est facile d’observer, dans les pays qui n’ont ni une expérience managériale ni une culture démocratique, que le principe d’adéquation entre pouvoir et responsabilité est rarement appliqué aussi bien au niveau de l’entreprise qu’au niveau de la sphère politique. Il n’est pas étonnant alors d’y observer un abus de pouvoir très grotesque au niveau des sommets de la hiérarchie et une démobilisation totale au niveau de la hiérarchie inférieure. Il est difficile alors, dans ces circonstances, de s’attendre à des performances significatives (notamment l’efficacité et l’efficience) tant au niveau microéconomique qu’au niveau macroéconomique. Pour réduire, autant que faire se peut, l’abus de pouvoir des hauts cadres du sommet de la hiérarchie et pour mobiliser le cadre intermédiaire, le personnel d’exécution et le citoyen vers la route de l’excellence de l’entreprise et du pays, il est nécessaire que les chefs d’entreprise et les politiciens prennent conscience de l’importance cruciale de la règle d’or en Organisation et suivent une formation continue en matière du management, plus particulièrement dans le domaine de l’Organisation. Contrairement aux idées reçues, la base du management n’est ni la comptabilité et la finance, ni les méthodes quantitatives mais plus plutôt tout ce qui a attrait aux flux physiques (logistique et qualité), à l’Homme (valorisation du travail et impulsion), à l’Organisation et au choix pertinent de la stratégie.

Peter Drucker affirme sans équivoque que « le premier test de la compétence en gestion est la productivité ».

Faut-il soulever un problème de taille au niveau de l’enseignement supérieur : les cursus d’études des écoles d’ingénieurs et de gestion ne comportent pas des matières relevant des techniques qui sont de nature à améliorer la productivité, voire même à mesurer cet indicateur de performance !

L’homme qu’il faut dans la place qu’il faut

La règle classique stipulant « l’homme qu’il faut dans la place qu’il faut » reste encore, voire pour toujours, valide. Cette recommandation constitue également une règle d’or en Organisation où le poste de travail constitue le noyau et l’unité de base de toute structure. Elle comporte deux volets : les postes nécessaires à la structure et l’adéquation entre le profil exigé du poste et le profil réel du tenant du poste.

Pour construire une structure efficace, il ne s’agit de multiplier les postes de travail. Il faut plutôt penser à des structures légères ne comportant que les postes véritablement nécessaires dont leur service dépasse leur coût d’usage et de fonctionnement. Une structure légère repose également sur sa forme structurelle qui, doit être légère, plate et large où le nombre de niveaux hiérarchiques est faible. Le degré de décentralisation dépend des facteurs contingents (internes et externes). Faut-il signaler que la décentralisation du pouvoir accompagnée d’un contrôle insuffisamment rigoureux sur les activités et les individus, peut conduire au désordre. Pour que le contrôle ne soit pas contradictoire à la notion d’autonomie, et soit plutôt un facteur de coordination, de mobilisation et d’intégration, il y a lieu de prendre les mesures suivantes :

  • une promotion proportionnelle aux succès obtenus ;
  • le droit à l’erreur où les sanctions en cas d’échec ne sont pas systématiques (l’apprentissage par essai et erreur) ;
  • la mise en œuvre de moyens susceptibles de développer les initiatives couronnées du succès ;
  • la distinction des fins en finalité et buts d’une part et en objectifs d’autre part : les objectifs concernent exclusivement les centres opérationnels et autonomes, la finalité et les buts concernent l’entreprise de façon générale et déterminent les différentes cellules de base, ainsi que leur carte.

Une structure efficace est par essence une structure managériale et non une structure administrative. Les mots d’ordre de la structure managériale sont l’innovation, l’initiative, la compétence, l’engagement, l’action, la productivité et l’efficacité, bref tout ce qui est moteur aux réalisations et aux performances. Le respect aux procédures juridiques, l’importance donnée à la comptabilité et au contrôle (au sens restreint de surveillance ou police) est relégué au second plan car il constitue un frein aux réalisations. Ce frein est ce qui caractérise la structure administrative. Il est clair, d’après ce qui a été avancé, que tout Gouvernement d’un pays a plutôt intérêt d’adopter une structure à la fois légère et managériale.

Nous arrivons maintenant au deuxième volet de la règle d’or. Toute structure est constituée par un ensemble de postes de travail agencés selon notamment les besoins de différenciation et d’intégration. Une fois résolu le problème de détermination des postes véritablement nécessaires et le problème de la forme structurelle à adopter, il s’agit de définir le profil exigé de chaque poste et rechercher l’homme ayant un profil qui se rapproche le mieux au profil exigé.

Les exigences d’un poste peuvent être définies par les cinq critères suivants : savoir de base, savoir-faire, aptitudes physiques, aptitudes mentales et psychiques, et aptitudes sociales (notamment relationnelles) et culturelles. Faut-il préciser que l’accès au savoir-faire ne se limite pas à l’expérience active et au bon sens. Il est nécessaire que le savoir-faire soit enseigné. Notons que l’expression «savoir-faire» comporte le terme savoir. Le savoir-faire est le fait d’être capable d’appliquer le savoir ou la théorie sur le terrain et traduire fidèlement la théorie en actions et réalisations concrètes. Par exemple, il ne suffit de connaître les deux règles d’or en Organisation pour affirmer qu’on peut acquérir le savoir-faire correspondant à travers le bon sens et la pratique. Il faut, d’abord et avant tout, acquérir le savoir et le savoir-faire en matière des techniques qui relèvent de fonction Méthodes (organisation du travail) pour arriver à définir convenablement les critères du profil exigé d’un poste donné. En effet, la fonction Méthodes permet d’analyser, de définir le contenu du poste de travail dans ses trois dimensions (technologique, économique et humaine), de déterminer le mode opératoire le plus productif et le plus ergonomique, et de créer les meilleures conditions de valorisation du travail. Ainsi, le mieux placé à déterminer le profil exigé est le spécialiste en Méthodes qui a reçu une formation pratique et théorique en la matière où il y a un équilibre entre savoir et savoir-faire. Or, le système d’enseignement supérieur est marqué par un déséquilibre flagrant en faveur du savoir ou plus précisément d’un pseudo savoir car dans les domaines de l’action et l’efficacité, tels que la gestion et l’ingéniorat, le savoir et le savoir-faire sont deux écueils complémentaires où l’un enrichit et complète l’autre.

Personnellement, sans la formation complémentaire que j’ai reçue (après les études supérieures de la maîtrise) de la part d’un expert du Bureau International du Travail (Monsieur Roger Lansley) je n’aurais jamais saisi, compris et maîtrisé de façon convenable l’organisation du travail. Cette formation a duré toute une année de six heures /jour (sans les vacances du système d’enseignement) comportant à part le volet théorique, des exercices, des simulations, d’applications sur le terrain pour chaque technique (suivis et contrôlés par l’expert) et un projet de fin de formation qui abouti à l’amélioration de la productivité de l’atelier étudié. Ce n’est qu’à partir de cette formation que j’ai commencé à comprendre la gestion de la production et à saisir le grand fossé séparant croire comprendre avec évidence la théorie et comprendre véritablement la théorie (après avoir accédé au savoir-faire).

Comme en Tunisie les spécialistes en Méthodes sont une denrée très rare, on ne tient pas compte du fichier des exigences du poste. On évalue plutôt l’emploi et la qualification notamment par le niveau de scolarité corrigé par des affectations professionnelles en adoptant le classement sectorielle des emplois. Le classement résulte des négociations sociales entre les différents partenaires sociaux aboutissant aux conventions collectives. Le secteur le plus standardisé et le plus clair relativement est le travail administratif. Les entreprises privées recopient le système public.

Il est clair maintenant qu’il est très difficile d’appliquer convenablement la règle stipulant « l’homme qu’il faut dans la place qu’il faut », vu le manque flagrant de véritables spécialistes en Méthodes. En attendant, une réforme radicale du système d’enseignement, je suggère aux diverses Universités de la Tunisie d’organiser des compléments de formation au niveau savoir-faire au profit des enseignants universitaires eux-mêmes afin de combler leur déficit en matière de savoir-faire. La formation doit être assurée par des enseignants, indépendamment de leur grade, ayant eu l’occasion d’accéder au savoir-faire dans leur domaine respectif. Cela permet de gagner tant de temps (l’horizon des réformes radicales est le long terme), d’éviter tant de gaspillages et de profiter de tant d’opportunités en formant des enseignants universitaires qui, à leur tour, forment des cadres capables de concevoir des structures, au niveau de l’entreprise et du Gouvernement du pays, selon les principes du management, plus particulièrement ceux de l’Organisation.

En attendant une réforme législative et organisationnelle des rouages de l’état soit prête pour que l’Administration soit un moteur incitatif à l’initiative, à la production et à l’investissement et non un frein retardant les délais et augmentant de façon considérable le gaspillage en énergies, en temps et en matériels, il y a lieu de prendre des actions et des décisions à court terme.  La première des actions consiste à faire du Ministère du développement régional un appareil de coordination entre les divers rouages de l’Etat (y compris les ministères) afin de débloquer dans les plus bref délais toute sorte de frein à l’initiative, à la production ou à la création d’entreprise (dans ce dernier cas, le délai ne doit pas dépasser un mois pour que le détendeur d’un projet d’entreprise obtienne l’autorisation), même si cela n’est pas en totale conformité avec la législation. Le chef du Gouvernement ainsi que ses ministres devaient nécessairement être audacieux et avoir les sens d’initiative et de responsabilité ainsi que la facilité du verbe. Nous considérons que le Ministre de l’éducation et de l’enseignement (Mr Néji Jalloul) possède le portrait adéquat d’un Ministre. Le chef du Gouvernement aurait du lui attribuer également les prérogatives de l’enseignement supérieur. Ceux qui ne possèdent pas de tels traits de caractère (malheureusement, ils sont nombreux) ne devaient pas avoir de place aux postes de Ministre.

Youssef Nebli

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