News - 18.01.2016

" Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles " (Voltaire. Candide)

" Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles " (Voltaire. Candide)

Lorsque l’on consulte les dirigeants d’entreprises, des entrepreneurs, des investisseurs, mais aussi plusieurs régulateurs, tous s’accordent pour dire que rien ne va plus. Nous avons des motifs objectifs sérieux pour nous inquiéter de l’avenir de la Tunisie. Pour débuter cette nouvelle année, nous pouvons retenir 10 raisons objectives qui font de la Tunisie un pays dont l’attractivité est devenue une denrée périssable.

Le dynamisme tunisien était largement reconnu par la communauté internationale des affaires. La productivité par habitant est en déclin. Ajoutons que le taux de fécondité est également l’un des plus bas de tous les pays de la région, offrant des perspectives alarmantes sur un vieillissement annoncé de la population ; La qualité des infrastructures est contestable, que ce soit au niveau des technologies de l’information et de la communication avec un taux de pénétration parmi les plus faibles du monde, du réseau routier ou des installations portuaires aériennes et maritimes vieillissantes ou insuffisantes. Les activités de Recherches et développement n’est pas une réalité observable et qui suscite l’intérêt des parties prenantes à travers le monde ; le cerveau tunisien ne se vend plus. La transparence et l’accessibilité des marchés publics ainsi que la perception d’une justice commerciale efficace, atouts auxquels de nombreux entrepreneurs sont sensibles n’est plus une donnée fiable en Tunisie par les temps qui courent ; Enfin, le cadre de vie et la qualité de vie ne sont plus des arguments qui font la différence pour beaucoup.

La Tunisie est classée 92ème pays mondial sur 144 pays analysés en matière de compétitivité globale au classement Davos 2015-2016, perdant 60 places par rapport au classement 2010 et 5 places par rapport au précédent classement puisqu’elle était classée 87ème sur 144 pays, avec un score de 3,96 sur 7, (rapport du forum économique mondial de Davos – 2014-2015). La Tunisie se positionne ainsi à la 10ème place dans le monde arabe et la troisième au Maghreb, devancée par le Maroc et l’Algérie, laquelle figure parmi les meilleures performances de cette année, se hissant du 100ème rang dans le classement de 2013-2014, au 79ème rang. Ces classements sont des indicateurs de performance fondés sur douze critères économiques considérés comme objectifs, tels que l'innovation, l'infrastructure, les institutions, les indicateurs macroéconomiques, la santé, l'efficacité du marché du travail ou encore l'éducation. Malheureusement, la Tunisie ne se classe à aucun moment dans le top 50 mondial, constamment dépassée au poteau par le Maroc et l'Algérie au niveau régional. Lorsque l’on s’interroge sur les causes d’une telle situation, ce sont des considérations de gouvernance qui reviennent au niveau de l’Etat comme en matière de gouvernance d’entreprise. La dégringolade dans le classement de la Tunisie, résulte principalement d’un manque de stratégie économique, de mauvais choix opérés par les décideurs mais aussi, du coût du terrorisme sur l’économie et les affaires. La Tunisie est un mauvais élève sur le plan économique. En effet elle a reculé au niveau de 9 sur 12 critères (piliers) de base d’une économie propice à l’investissement adoptés par le classement de Davos (évaluation de la situation économique de 144 pays dans le monde). Il s’agit de 12 critères entendus, qui possèdent en tout 114 variables, desquelles dépend la situation globale de l’économie d’un pays. La Tunisie n’a enregistré en la matière une amélioration qu’au niveau du pilier « efficience du marché de l’emploi » malgré un taux de chômage problématique et une dépréciation de la rémunération du travail. De ce point de vue, la Tunisie est classée 133ème mondial sur 140 en matière d'efficience du marché du travail et 122ème en terme de développement du marché financier.

Faisons remarquer que la Tunisie a quitté le classement Davos en 2012 en raison des évènements post-révolution qu’elle a vécus. Elle était alors classée 40ème sur 142 pays, lors du classement 2011-2012 et 32ème sur 139 pays, lors du classement 2010-2011. Cette réintégration de la Tunisie n’est en aucun cas une bonne nouvelle. C’est au contraire une alerte à la mauvaise situation économique et il est dommage qu’elle ait réintégré le classement mondial avec un score médiocre.
Mais cela s'explique par une économie globale léthargique et des difficultés éprouvées par les gouvernements tunisiens successifs pour trouver une solution adéquate au chômage des jeunes diplômés et à l’hémorragie des compétences au profit de l’étranger.

Au niveau régional la Tunisie se classe en queue de peloton sur le plan régional largement derrière le Maroc et l'Algérie, respectivement 72ème et 87ème mondial en matière de compétitivité. Ainsi la Tunisie occupe-t-elle la 6ème place au plan africain, après avoir longtemps occupé la 1ère, et la 9ème place au plan arabe. Mais si, dans le monde arabe, la Tunisie devance le Yémen (148ème) l’Égypte (118ème), la Libye (108ème), elle se situe cependant loin derrière la Jordanie (68ème) et le Bahreïn (43ème), et très loin derrière l’Arabie Saoudite (20ème), les Émirats Arabes Unis (19ème) le Qatar (13ème).

Ce qui est sûr c’est que la stabilité politique, l’insécurité, le terrorisme et l’évolution du marché financier politique et financière (notamment la précarité du secteur bancaire) ont été parmi les indicateurs des faiblesses qui ont influencé négativement la note de la Tunisie dans ce rapport mais ce ne sont pas les seuls éléments. Ce qui est évident aussi c’est que ce classement aura un impact négatif sur la décision des investisseurs étrangers que notre pays espère attirer pour doper la croissance et la création d’emploi.

Le classement de la Tunisie par le Forum économique mondial de Davos est révélateur de ce que la situation tunisienne a de préoccupante puisqu’il met le doigt sur les principaux facteurs à l’origine de la régression de la Tunisie. Notre devoir serait d’intégrer et d’aborder ces indicateurs avec transparence et modestie et de discuter et analyser tous les aspects relatifs aux différents critères dont il a été tenu compte pour dresser ce classement, afin d’en tirer des actions à entreprendre pour éviter de nouvelles défaillances et surtout essayer de remonter la pente.

Par exemple, l’éducation et la formation obtiennent un score de 4.2 et placent la Tunisie à 73ème place mondiale. En matière d’efficience du marché économique, la Tunisie obtient 4.1/7, et est à la 88ème place, l’efficience du marché du travail obtient 3.7/7 et place la Tunisie au fond de la classe, soit à la 132ème place. En matière d’innovation, qui représente l’un des indicateurs phare de la compétitivité, la Tunisie obtient la mauvaise note de 3.1, et est à la 88ème place mondiale. En matière de développement financier du marché, infrastructure, santé et éducation primaire, la Tunisie est classée respectivement à la 110ème, 77ème place et 47ème places.

Mais ce rapport sert aussi à donner une vue d’ensemble de l’incendie du château à nos gouvernants, pour qu’ils sachent quels indicateurs soigner et quelles seront les priorités à aborder. Arrêtons de faire du nombrilisme et regardons les choses en face. Les différents gouvernements qui se sont succédés depuis ce jour fatidique de janvier 2011 n’ont montré qu’un amateurisme et une incompétence fatals à notre pays sur le plan économique, politique et social. Les véritables compétences ont été écartées par des gens frustrés et en mal de pouvoir et de position et qui ne recherchent qu’une retraite de ministre pour finir confortablement leurs jours. Mais que dire de la nouvelle composition gouvernementale si ce n’est que c’est la cerise sur le gâteau. Des gens sans expérience avérée, nommés à des postes clefs et qui doivent déterminer les choix du pays et conditionner notre avenir. Le Chef du gouvernement qui fait ses choix sans définir des critères objectifs de sélection comme le ferait n’importe quel dirigeant dans un régime unipersonnel. Et puis que cache la suppression de la fonction de Secrétaire d’Etat ? De quel droit le Chef du gouvernement s’arroge-t-il la compétence de cette suppression au mépris de toutes les techniques et procédures et respects constitutionnel ? Ce sont ces comportements cavaliers des décideurs, le mépris de toutes les règles de gouvernance et les procédures de DUE DILIGENCE qui ternissent notre blason et font de la Tunisie une république bananière comme le dénoncent les rapports internationaux.

Selon ce même rapport Davos, les facteurs qui dissuadent le plus les investisseurs directs étrangers d’investir en Tunisie sont par ordre (du plus inquiétant, au moins inquiétant) : l’instabilité politique, l’inefficience du gouvernement, l’accès au financement bancaire et monétaire, l’inadéquation de l’infrastructure, l’instabilité du gouvernement, la taxation, l’absence d’éthique et de déontologie professionnelles, l’inflation et la corruption. Finalement ce sont : Le déséquilibre macro-économique (la stabilité macro-économique est passée de la 38ème à la 72ème position), le déficit budgétaire, l’inflation et la balance des paiements qui nous a fait reculer dans le classement. La leçon à en tirer est qu’il nous faut restaurer l’équilibre économique et financier et le marché du travail, réinstaurer un climat social favorable, mais aussi améliorer la règlementation en matière économique, monétaire et fiscale et réviser le code du travail.
Au niveau du coût du terrorisme sur les affaires, la Tunisie passe de la 68ème à la 137ème place. Par ailleurs, l’efficacité de la gouvernance de l’Etat et des entreprises est parmi les variables les plus affaiblies depuis la révolution, passant du 72ème rang au 124ème rang. C’est finalement 98 variables majeures qui ont enregistré un recul significatif et seulement 6 variables mineures qui ont enregistré une amélioration. Ces dernières n’ont malheureusement pas d’effet immédiat sur l’économie sinon sur le niveau de vie et le pouvoir d’achat, comme la baisse de la mortalité infantile ou la hausse de la scolarisation des enfants de moins de 6 ans. Concernant l’inefficacité du marché du travail, il existe un problème de confiance au niveau du management des intérêts socio-professionnels, entre le syndicat et le patronat. Il s’ensuit des répercussions sur les conditions de travail et une détérioration de la qualité des produits obtenus.
Ce paysage économique n’encourage pas les investisseurs étrangers à venir s’implanter en Tunisie. Mais aussi ceux qui sont déjà dans le pays, pensent ou penseront, si cela continue sur cette voie, soit à une sortie, soit à ne plus s’agrandir, jusqu’à ce que les indicateurs s’améliorent. L’exil des forces vives de notre pays, le coût du travail et la fiscalité sont trois gros dossiers qui nécessitent des traitements appropriés. De nombreux défis et surtout beaucoup de sacrifices nous attendent afin de retrouver le chemin d’une croissance pérenne, équilibrée et conforme à nos ambitions. Il faut simplement, en ce début d’année, rappeler un certain nombre d’atouts dont nous disposons et sur lesquels nous devons tous capitaliser afin, qu’ensemble, nous nous comportions tous comme les ambassadeurs de la marque Tunisie !



BEN RAIES Monji
Universitaire
Enseignant et chercheur en droit public
Université de Tunis-El-Manar
Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis

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