Opinions - 18.12.2015

Remaniement: Pourquoi maintenant et pour quoi faire?

Remaniement: Pourquoi maintenant et pourquoi faire?

La rumeur enfle et la presse à sensation en fait ses choux gras ! Il est question depuis déjà quelques semaines d’un remaniement ministériel qui devrait intervenir incessamment.

En l’absence de toute communication de l’exécutif (présidence et chef du gouvernement) les spéculations vont bon train, au point même que certains chefs de partis s’autorisent toutes sortes de commentaires. Un remaniement mais pourquoi maintenant ? et pourquoi faire ? Décidemment cette post-transition politique réserve bien des surprises ! Il semble d’ailleurs que nous ne soyons pas au bout de nos peines.Le fonctionnement des institutions continue à se dérober aux règles les plus élémentaires d’une démocratie, fusse-t-elle,….que dis-je, des règles de strict bon sens !

Pourquoi maintenant ? Quel événement singulier, -voire pluriel-, justifierait un changementd’équipe gouvernementale ? Nommer un ministre de la Justice, poste vacant depuis quelque temps, opérerde simples substitutions de noms ou regrouper de divisions administratives…seraient juste considérés comme ajustement technique !

Ailleurs un remaniement partiel ou global résulte d’un constat.Suite à une consultation électorale ou bien encore à un différant politique majeur avec des ministres qui ne s’inscriraient plus dans la ligne politique « majoritaire » (sorte de manquement ou de divergence). Or rien de tel sous nos cieux ! Aucune des composantes de la majorité, ni aucun des ministres n’a critiqué ouvertement les orientations prises lors de la présentation du gouvernement en Février dernier. Et pour cause diront certains ! Carbien malin qui saurait caractériser précisément cette ligne politique ou la feuille de route de ce gouvernement. Rappelons à toutes fins utiles, que le chef de file de cette majorité hétéroclite n’a jamais affiché la moindre direction si ce n’est un large catalogue de bonnes intentions. Une lecture de l’action gouvernementale rendue si difficile à faire…qui n’autorise ipso facto qu’une seule chose: un concours de beauté entre ministres, une distribution de bons et de mauvais points ! Un peu court tout de même !Décrypter les priorités de cet exécutif bicéphale relève manifestement de la boule de cristal ou du marc de café. Mais un décryptage qui ne rebute pourtant pas.Nombre journaleux de la place s’y engouffrent volontiers avec pour seuls critères de secours à leur platitudeceux aussi vains que stériles,« d’efficience » du gouvernement (mais à l’aune de quoi ?) de « rendement » (comme s’il s’agissait d’une récolte), de « compétence » (dans la gestion de la pénurie) et autres supplétifs du même acabit. La réalité est bien plus pathétique !

Ce gouvernement « composite et disparate » ne dirige pas, il gère. Les mots comptent. Bientôt plus de onze mois, l’exécutif dual navigue à vue comme si sa mission était celle d’une simple continuité de l’Etat, avec bien sûr quelques nuances formelles et couacs près. Mais un discours et des rituels quasi inchangés comme si le vent d’une révolution n’avait jamais soufflé… ou si peu ! Le même réformisme désuet et conservateur sans vraies réformes de fond, la même obsession de l’autorité et du prestige de l’Etat passablement décrépis, et toujours ce même consensualisme fait d’arrangements, d’accommodements et de combinaisons entre factions rivales, toujours précaires, toujours instables !
A l’évidence il est pour le moins difficile de répondre à la question : Pourquoi maintenant ?

Surgissement d’une nouvelle conjoncture intérieure et extérieure ? Désaffection de l’opinion quant à l’action gouvernementale ? Usure prématurée du pouvoir et de sa légitimité sous l’effet d’une coalition qui se délite ? Il y a forcément un peu de toutes ces bonnes raisons sans que toutefois cela ne réponde complètement à la question. Car après tout, toutes les dernières lois (ex: Finances 2016 et ses articles) sont passées avec des majorités plus que confortables. A contrario la nouvelle dégradation de la situation sécuritaire et celle de la conjoncture socio-économique pousse àaccélérer ce remaniement ! Un moment choisi par les deux octogénaires ? Nous en resterons là !

Seconde interrogation: Pourquoi faire ? Un simple ravalement de façade, -pour reprendre le terme en usage chez les anglo-saxons-, mais qui ne dérogerait pas à cette logiquepusillanime de navigation à vue ? Ou bien un gouvernement dit de guerre qui entamerait un virage sécuritaire et autoritaire dont la nouvelle police des mœurs et de la morale ne serait qu’un signe avant-coureur ? Un raidissement qui s’observerait aussi par le retour de caciques au ministère de l’intérieur !
Seules certitudes, le gouvernement (27 ministres et 17 secrétaires d’Etat) devrait être resserré. Exit donc quelques secrétaires d’Etat.La tutelle administrative des collectivités locales devrait être détachée du ministère de l’intérieur. Elections locales obligent, ce département resterait du seul ressort du ministère des finances publiques. On comprend mieux l’usage, -certes quelque peu abusif-, du qualificatif de « recentrage », qui se dessine à force de conciliabules : des regroupements toujours possibles, comme celui dela création d’un pôle de l’économie et des finances (incluant commerce et tourisme), ou encore celuid’un ministère élargi et unique de l’éducation (petite enfance jusqu’à l’université), mais sans nouvel objectif… puisque à périmètre inchangé de moyens…. car déjà votés.

Quoiqu’il advienne le véritable enjeu, -objet primordial de ce remaniement-, est de ressouder les liens entre la majorité parlementaire et sa coalition gouvernementale, mis à mal par la crise aigüe du parti dominant et par les rodomontades des deux partis subalternes jugées exaspérantes.Le locataire de la Kasbah se sait affaibli.Si le bloc majoritaire au pouvoir venait à se fissurer plus encore, alors, la confiance pourrait être menacée.Le risque d'une motion de censure n'est jamais très loin. Mais pour étrange que cela puisse paraitre, les difficultés de recomposition d’une nouvelle équipe (dosage savant de sensibilités, issu des inévitables tractations) ne viendraient pas d’Ennahdha. La deuxième force politique semble avoir choisi de faire profil bas en attendant des jours meilleurs. La raison en est simple. Elle tient en une petite phrase de son leader, passée quasi inaperçue : « Notre participation au gouvernement est symbolique et nous l’avons acceptée pour éviter d’être isolés. Gouverner un peuple dont l’élite vous déteste est impossible. Celui qui gouverne doit avoir une partie de l’élite culturelle, économique et administrative avec lui. La révolution n’a pas engendré un vrai changement dans l’équilibre des forces dans le pays qui permettrait aux urnes, et à elles seules, de décider de celui qui gouverne ». Tenez-vous le pour dit ! Ce leader est bien plus gramscien qu’on ne le croit !
Alors faut-il s’attendre à un véritable changement de cap ! Si les paris restent ouverts (disponibles auprès des bookmakers de Londres), la côte reste très faible…20 contre 1!!!

Hédi Sraieb
Docteur d’Etat en économie du développement
 

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