Opinions - 29.11.2015

Conférence sur le Climat COP21, à Paris : que faut-il en attendre?

Conférence sur le Climat COP21, à Paris : que faut-il en attendre?

Paris, de Mohamed Larbi Bouguerra. Le Sommet sur le climat  se tient à Paris (COP21), deux semaines durant,  à partir du  lundi 30 novembre 2015. Il se tient dans un Paris endeuillé par la mort de 130 personnes – tout comme notre capitale atteinte par un terrorisme sans foi ni loi- et cadenassé par les militaires et les policiers. La société civile regrette amèrement l’interdiction de manifester pour le climat imposé par l’état d’urgence…alors que les marchés de Noël sont maintenus. 

Ce Sommet  est, en fait,  le point culminant de vingt ans d’intenses discussions pour parvenir à un nouvel accord concernant le réchauffement global…signalé dès 1985 par la conférence Climat de Villach en Autriche ! 

On parlera de succès  si les 196 pays présents à Paris la semaine prochaine parviennent à signer un nouveau traité contraignant obligeant tous les pays à réduire ou à plafonner leurs émissions de gaz à effet de serre. Si le Sommet parvient aussi à ce que la température maximum du globe ne dépasse pas 2°C d’ici 2030, on pourra parler de succès historique parce que le monde sera placé de fait  sur une trajectoire aboutissant aux énergies propres (biomasse, éolien, solaire…). 

Les attentes sont énormes car la situation climatique s’aggrave : l'année de 2015 est de loin la plus chaude depuis le début des relevés issus des stations météo au sol et des mesures à la surface de la mer. En réalité, il n’a sans doute jamais fait aussi chaud depuis 136 ans : trois des principales agences américaines placent octobre 2015 au pinacle. Avec +0,98°C par rapport à la moyenne du 20ème  siècle, la NOAA* enregistre également l’anomalie la plus importante, tous mois confondus.  A Los Angeles, rapporte le professeur Jared Diamond,  2015 est l’année la plus sèche depuis 1800 (Le Monde 29-30 novembre 2015).

Le dérèglement climatique est hélas bien là… quoiqu’en disent des climato- sceptiques aux intentions douteuses et aux sponsors intéressés. 

Les attentes sont énormes et pour le Président Barack Obama, Paris  est la dernière conférence sur le climat. Cherchera-t-il à y laisser sa marque en amenant les dirigeants de la planète à signer un accord que les Américains qualifient d’ores et déjà d’historique ? Aucun doute cependant : les Américains seront à la manœuvre à Paris. 

Les dynamiques a l’œuvre à la cop 21

Les leaders qui se réunissent à Paris pour tenter de résoudre la crise climatique sont face à un monde qui a quelque peu changé. Il y a un large accord sur le fait que  le climat n’est plus ce qu’il était : le changement est perçu par de plus en plus de monde. Mais il est clair que ce sont les plus pauvres qui font face aux coups les plus rudes : du Bangladesh au Soudan en passant par le Niger et le Yémen, les dégâts et les pertes (agricoles notamment du fait du stress hydrique) aggravent les conditions de vie et poussent à l’émigration. La justice climatique est devenue une revendication quasi universelle. Le Sud (Chine, Inde, Brésil, Afrique du Sud, Turquie….) exige son droit au développement. 

Le gouvernement français craint comme la peste un résultat comme celui de Copenhague en 2009. Il  veut à tout prix éviter les erreurs des dirigeants danois. Si Hollande, Fabius et Royal ne veulent pas mettre à mal la confiance entre les partenaires, ils ne doivent pas conclure  en sous-main des ententes et rédiger des versions préliminaires rafistolées derrière le rideau  comme cela a été malheureusement le cas au Danemark – à en croire bien des experts présents à Copenhague. 

A quel scénario peut-on donc s’attendre  alors que les partisans de « l’économie verte » et les tenants du nucléaire sont à l’affût? (Philippe Pelletier, Libération, 23 novembre 2015) et que les multinationales participent fortement à la COP21 ?

1) Il y aura un accord à Paris. Cela est clair. Mais pour qu’il se fasse, les Français doivent user de diplomatie. On est actuellement en présence d’un texte- discuté au cours de  quatre longues années-  qui compte plus de cinquante pages. Innovation de cette Conférence : les Français ont fait en sorte que les chefs d’Etat seront là dès le premier jour et non pour le dernier jour des discussions-négociations comme se fait classiquement. Ils leur présenteront alors les grandes lignes d’un  accord minimaliste et ne prêtant pas le flan à la controverse. Les Grands de ce monde approuveront. La suite ? C’est le travail des négociateurs qui s’y attèleront jusqu’au coup de gong final du dernier jour à minuit. Comme d’habitude.  
Ce plan approuvera les INDC (Intended Nationally Determined  Contributions), nouveau vocable du jargon onusien pour Contributions volontaires des Etats**. Il signifie : réduire les émissions de GES. Mais on relèvera que les propositions des Etats – quand on les additionne- ne sont pas suffisantes pour maintenir l’élévation de la température de la terre à moins de 2°C tout en affirmant que la communauté humaine a ainsi, à sa disposition, avec les INDC,  un outil convenable en mesure de faire progresser les engagements pris.  Mais, affirme la grande écologiste indienne Sunita Narain,  rien ne sera contraignant,  pour éviter probablement toute confrontation.  Ce qui n’empêchera pas de rendre obligatoire la soumission de  rapports. Les progrès de tel ou tel pays ne seront pas scrutés individuellement mais, encore une fois, c’est la somme de toutes les actions qui permettra d’évaluer ce qui reste à faire pour demeurer en dessous de la barre des 2°C. Jared  Diamond  assure sur les colonnes du Monde : « Si les Etats-Unis et la Chine parvenaient à eux seuls à un accord bilatéral de réduction des émissions de CO2, cela concernerait déjà 41  % de leur volume global actuel. Si l'Union européenne, l'Inde et le Japon nous rejoignaient, cela couvrirait 60  % des émissions mondiales. Le seul véritable obstacle est le manque de volonté politique ».
 

2) Pour ce qui est des sommes destinées aux pays du Sud pour les sevrer des hydrocarbures, on se contentera de promesses sans entrer dans les détails. Dans ces conditions, le traité pourrait être signé avant même le départ des chefs d’Etat. 
Il n’y aura pas de buts assignés, à atteindre pour chaque Etat. 
Chaque pays fera ce qu’il pourra, en fonction de ce qu’il a  consigné dans son INDC. 

Que réserve la cop 21 pour le sud ?

« [Le traité] sera faible mais ambitieux. Le but du jeu : poser les fondations pour les actions futures » affirme Sunita Narain qui conclut que « une fois pour toutes, la distinction entre pays développés et PVD disparaîtra ». 

Ce qui ne saurait satisfaire les  partisans de la justice climatique car, si le climat est dans cet état, ne faut-il pas demander à ceux qui depuis le Révolution Industrielle déversent  les GES de faire face à leur responsabilité ? Comment mettre fin à la déforestation ? A l’heure où l’homme marche sur la lune, plus d’un milliard d’êtres humains ne disposent pas d’électricité, comment alors les empêcher d’augmenter leurs émissions ? Comment trouver d’autres moyens – forcément onéreux- pour se développer économiquement?  Où acquérir la technologie si les aides et l’argent font défaut ? Peut-on signer un traité ne tenant pas compte des intérêts et du développement des PVD ? 

Sommes-nous l’otage d’un déni écologique d’une part et l’appel à une prise de conscience d’autre part ? 

Pour Dominique Bourg, membre du conseil scientifique  de la Fondation Nicolas Hulot et professeur à l’Université de Lausanne : «  Le paradoxe est bien réel. Le fonctionnement de nos sociétés néolibérales accroît les perturbations du système terre…..Il semble bien que les inégalités sociales aient toujours tiré vers le haut la consommation de tous, entraînant la surexploitation des écosystèmes jusqu’à l’effondrement des sociétés ». (L’Humanité, 27-29 novembre 2015, p. 16-17)

Il faut espérer que la COP 21 ne soit pas le précurseur de  cet effondrement. 

Il est essentiel que  le traité qui en résultera soit  équitable. 

C’est dans l’intérêt de tous. 

M.L.B

*NOAA: Administration Nationale de l’Océan et de l’Atmosphère.

** Lire Leaders, n°54, novembre 2015, p. 98-100.

 

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