Opinions - 03.11.2015

Pendant que NidaaTounès se saborde, Ennahdha se consolide

Pendant que NidaaaTounès se saborde, Ennahdha se consolide

Ce qui est en train de se passer à NidaaTounès n’est surprenant qu’en partie. Bien sûr, Il est étonnant qu’un parti dont la majorité des membres sont des femmes  et des hommes de qualité aux convictions démocratiques reconnues ; un parti qui a remporté haut la main deux importantes élections ;un parti enfin de gouvernement, responsable et aux manettes depuis quelques mois… Il est non seulement étonnant mais  surtout  affligeant que ce parti-là compte dans ses rangs des individus et des groupes qui,  en lieu et place du débat et du dialogue, ont recours à la  violence  et à la force et usent de méthodes de voyous, méthodes que l’on croyait révolues et l’apanage des seules milices fascistes.

Cela dit, ce qui se passe à NidaaTounès n’est pas tout à fait surprenant car depuis sa formation, ses composantes diverses et variées  laissaient présager des divisions en son sein voire redouter son éclatement, ce qui semble s’être produit ce Week End. En effet, malgré la tentative de médiation, il est vrai trop tardive, du « père fondateur du Parti »,  Béji Caïd Essebsi, la rupture semble consommée entre deux clans qui n’ont cessé cesderniers jours  de se défier à coup de manœuvres de toutes sortes : menaces, délégitimation de l’adversaire, huissiers, réunions excluant l’autre partie…
Désormais, depuis ce début novembre,Nidaa comporte deux clans  prêts à en découdre : l’un est  formé autour de  la direction légitime, incarnée par le bureau politique et le bureau exécutif, et à leur tête le président du parti et son secrétaire général, respectivement  Mohamed Ennaceuret Mohsen Marzouk. Le deuxième clan, contestataire voire «putschistes», est mené par Hafedh Caïd Essebsi, le vice-président  du Parti et fils du chef de l’Etat et Ridha Belhaj, chef du cabinet du président de la république …

Trois ans à peine après sa fondation, pas tout à fait un an après l’investiture de son fondateur à la Présidence de la République et exactement neuf mois après l’accession des siens au gouvernement, NidaaTounès connaît sa crise la plus grave. Pourquoi ?

Comme spécifié  plus haut, la première raison est structurelle. Après tout, Nidaa n’est pas un parti mais plutôt un  rassemblement, étant donné la diversité des tendances qu’il abrite : en effet qu’y a-t-il de commun entre  pêle-mêle :  Bourguibistes, anciens RCD, modernistes, libéraux, hommes de gauche voire gauchistes , conservateurs, destouriens…socio-libéraux… Cette diversité idéologique, correspondant  à une diversité  sociale , à une diversité d’intérêt et à une diversité de projets, inciterait à répondre par la négative, mais il n’en est rien. Tout ce monde s’est retrouvé en 2012 réuni par BCE autour d’un projet  réduit au plus petit dénominateur commun : « tous contre un ». Le un en question, c’est Ennahdha.

Au lendemain des élections législatives de 2014, un premier désaccord a lézardé la façade. Ennahdha, l’ennemi de la veille, l’est resté pour certains et s’est transformé pour les autres en allié-associé …Après la formation du gouvernement et la constitution  des cabinets ministériels et présidentiels, les ambitions personnelles et leur cortège de  déceptions et de jalousies  ont élargi la lézarde mais le parti a tenu  cahin-caha.Le projet de loi de réconciliation économique et l’approche des échéances,  internes (le Congrès du Parti) et externes ( Les Municipales et les Régionales voire les Nationales dont l’anticipation éventuelle est envisagée par le microcosme) ont aggravé les désaccords et instauré un climat délétère qui favorise les manipulations et les pressions de toutes sortes auxquelles se livrent depuis quelques temps des affairistes, des opportunistes et des aventuriers dont seuls les intérêts et les appétits comptent.

L’intérêt du Parti et celui du Pays commandent  l’intervention du fondateur au lieu  de rester « à égale distance des deux clans », d’autant que cette distance n’est pas égale puisqu’elle se trouve raccourcie du côté du clan qui comprend son fils et le chef de son cabinet. Afin de dissiper tout soupçon de népotisme et toute  dérive dynastique, s’il  ne veut pas voir  son œuvre détruite, s’il tient au succès de la transition démocratique et à préserver le pays des conséquences d’une grave crise, il se doit de redevenir ce qu’il n’a cessé d’être, le vieux renard et l’habile négociateur qui connaît son parti, qui connaît les arcanes du pouvoir et les intrigues qui s’y trament.

Il doit  siffler la fin de la partie et se rappeler et faire rappeler que l’adversaire d’hier ne s’est pas volatilisé par miracle, il est là plus que jamais, embusqué, à l’affût et attend son heure et la faute de l’adversaire.BCE connaît son ancien adversaire mieux que personne, il   enconnaît le projet pour le pays. Il sait que les prochaines élections vont être très difficiles : l’abstention sera très forte car la  désillusion  et la déception des électeurs sont très grandes et la  division de Nidaa réduira les choix et amplifiera le « à quoi ça sert ! ».
Pendant le sabordage de Nidaa, Ennahdha se consolide et se prépare. Le parti islamiste est organisé et discipliné, il sait fait taire ses dissensions et continuer son travail souterrain en  « vieille taupe ».  Il est planqué et s’insinue partout, participe au pouvoir, l’épie et le surveille mais discrètementafin que  le jour venu, il n’en soit  ni  comptable ni responsable. Il se serait ainsi « refait une virginité » aux dépens  des tapageurs nidaistes.

Depuis un an, tandis que ses représentants au gouvernement se forgent discrètement une réputation de compétents,  Rached Ghannouchi  s’emploie à se forger l’image d’un sage,  d’un modéré, il communique tous azimuts, par livre, interviews, conférences, voyages. Il  prodigue ses conseils à tout propos et à toutes sortes d’interlocuteurs, il rencontre tout ce qui compte, il se rend indispensable, incontournable. A force, il a acquis  un rôle semblable à celui du guide suprême iranien.

Pendant que NidaaTounès se saborde, Ennahdha s’adonne à la réislamisation de la société, par les écoles, les mosquées, les jardins d’enfants, les associations caritatives…et le fruit tombera cuit la prochaine fois et c’est Ghannouchi qui choisira avec qui gouverner mais cette fois-ci pour cinq longues années, le temps  nécessaire pour imiter le Grand frère, RecepTayyip Erdogan qu’il s’est empressé de féliciter pour la victoire  aux législatives de l’AKP qu’il considère  comme « une défaite de l’anarchie, des coups d’Etat et des contre-révolutions dans la région ».  Une maîtrise de la Novlangue  à faire pâlir de jalousie Georges Orwell him self.

Slaheddine Dchicha

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5 Commentaires
Les Commentaires
Touhami Bennour - 04-11-2015 00:31

Monsieur nous sommes maintenant au temps de la "mondialisation"cela veut dire que l´Occident accepte ou va accepter que le retard des pays en voie développement est du au colonialisme. Mondialisation veut dire qu il n´y en avait pas dans le passé. et que l´Occident en a profité . Alors pourquoi ce langage d´un autre temps,"un composite de tout, i compris des putchistes contre un ennemi commun, Ennahda." pourtant ce mouvement est décoré de toute sorte d´éloge positif, par vous meme. Cette guerre froide , elle relève d´un autre temps. Meme intellectuellement on pouvait s´en passer et utiliser un langage franc et direct avec Ennahdha. D´autre part , la revolution n´était ni pour le libéralisme ni pour un regime theocratique, elle est pour la democratie aves les droits du citoyen bien connus.

Habib - 04-11-2015 10:57

Ce dont on pourrait être certain est que ce dernier tohu-bohu enregistré au sein de Nida, enfantera tôt ou tard peut être difficilement, un nouveau parti. Mais la question qui se pose : Est-ce-que ce nouveau parti connaîtra la même vogue qu'avait connue Nida auparavant? L'on ne peut que s'en douter! Quoiqu'il en soit, l'électeur dans quatre ans ne sera pas aussi motivé tel qu'il l'était déjà, puisque depuis le 14 janvier 2011, il ne faisait que cumuler indignation et déceptions économiques, sociales et plus particulièrement politique. En effet, le " A Quoi va servir?" l'emportera. En conséquence, ayant discrédité ses élus toutes couleurs confondues, l'électeur soit il bouderait les urnes et c'est le scénario le plus grave, soit il se hasarderait à donner une chance à un quelconque parti d'opposition, dans l'espoir incertain de tomber sur le meilleur. Ainsi reste-t-il à présager, mais hélas ! que dans cette ambiance d'incertitude, Tartuffe se tunisifie de jour en jour ! Chose certaine est que les tunisiens, enfants de Bourguiba ne se laisseront jamais faire.

sihem - 04-11-2015 12:23

Ennahdha phobie enlève tout intégrité à cet article. il y'a encore ceux qui pensent partie unique , président unique et opinion unique. L’adversité tel un vent furieux, nous empêche d’aller ou nous voulons, nous dépouille et nous laisse face à nous-mêmes tels que nous sommes, et tels que nous pensions être

moez - 06-11-2015 18:48

Magistral Mr.Sauf que vous oubliez de désignez les "aventuriers" de NIDA.Avec votre pérmission;je vous renvoie à la déclaration courageuse de Mr HAMMAMI JILANI et qui accuse justement "les aventuriers" que vous évitez de désigner.Dont acte.

Béchir Toukabri - 06-11-2015 23:24

L'auteur a esquissé une réponse à la question posée:Nidaa se disloque parce qu'il s'est composé dés sa création d'un ensemble hétéroclite de groupes de personnes. Historiquement un véritable parti qu'il le veuille ou non possède une base sociale. Et ceux qui l'ont porté au pouvoir l'ont fait par utilité (vote utile). Ils représentent surtout les différentes composantes de la classe moyenne: Les riches.Les patrons. Les nouveaux riches. Les RCDistes. Les laics. Les libéraux. Les d. Les opposants de gauche ont déjà déserté Nidaa bien avant les élections. Or ces composantes de la classe moyennes sont motivé par la recherche du profit et sont viciés par l'opportunisme.

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