News - 31.08.2015

A la fin de sa mission, l’Ambassadeur américain à Leaders : Nous soutenons les démocrates, à l'exclusion de tous les autres (Vidéo)

A la fin de sa mission, l’Ambassadeur des Etats-Unis se livre à Leaders - Jake Walles : «Tant que les Tunisiens s’attachent à la démocratie, l’avenir s’annonce radieux»

autresEn trois ans à Tunis, l’ambassadeur des Etats-Unis, Jake Walles, qui s’apprête à passer la main à son successeur Daniel Rubinstein, aura vécu, de 2012 à 2015, des moments aussi mouvementés qu’émouvants et historiques. Des jours très heureux et d’autres épouvantables. Observateur de la scène politique en ébullition, témoin de rencontres et d’ententes historiques, coorganisateur de voyages officiels de dirigeants tunisiens à Washington et de rencontres avec le président Obama et porteur de messages, ici et là, il a été au cœur de l’actualité tunisienne, se faisant comme devoir la discrétion et l’efficacité.

Discrétion, très peu de déclarations à la presse. Efficacité : favoriser l’édification de la démocratie en Tunisie et l’ancrage profond de ses fondements. Mais aussi la préserver tant contre les dérives que la menace sécuritaire, particulièrement terroriste. Avec en prolongement, la prise en compte des problèmes économiques et sociaux. Quelques jours seulement avant de quitter Tunis, il s’est confié à Leaders.

Les bons et les mauvais moments vécus, les motifs d’inquiétude, dissipés par l’optimisme et la volonté de faire aboutir au compromis et au consensus y trouvent réponse. Mais aussi la position des Etats-Unis à l’égard de l’Islam politique et des partis islamistes, ses nouvelles fonctions qui l’attendent à Washington et l’impression qu’il gardera des principaux dirigeants tunisiens, de Moncef Marzouki à Mohsen Marzouk, notamment Béji Caïd Essebsi, Rached Ghannouchi, Ali Laarayedh, Mehdi Jomaa, Wided Bouchamaoui et Houcine Abbassi. Interview.

Quels sont les trois souvenirs les plus mémorables que vous emporteriez à l’issue de votre mission en Tunisie?

J’ai eu, durant ces trois années de mission à Tunis, un emploi du temps très chargé, riche en rebondissements et moments historiques. Je vous parlerai de la journée la plus heureuse et de celle la plus tragique.

La très mauvaise journée fut celle du 14 septembre 2013, lorsque l’ambassade des Etats-Unis à Tunis avait été attaquée et l’école américaine gravement endommagée. C’était pour nous une grande surprise car jamais auparavant, nous n’avions été ciblés en Tunisie par des actes d’une pareille violence. Ce qui m’affectait en plus, c’est que l’attaque survenait trois jours seulement après celle perpétrée contre notre consulat à Benghazi et qui a coûté la vie à mon collègue, ambassadeur en Libye, un ami très proche.

La journée la plus heureuse fut pour moi celle du 26 janvier 2014, lorsque la nouvelle constitution a été adoptée à une large majorité. J’étais chez moi et suivais, tard dans la soirée, à la télévision la séance plénière de l’Assemblée nationale constituante au Bardo. Lorsque l’adoption a été proclamée et que les députés se sont tous levés pour entonner à l’unisson l’hymne national, brandissant le drapeau tunisien, c’était un moment très fort et pour moi un réel motif de satisfaction. D’autres souvenirs demeureront dans ma mémoire. La visite du président Béji Caïd Essebsi en mai dernier à Washington et notamment sa rencontre à la Maison-Blanche avec le président Barack Obama. Aussi, celle effectuée un an auparavant, en avril 2014, par l’ancien chef de gouvernement Mehdi Jomaa. Autant de dates marquantes.

Quels sont les moments difficiles que vous avez vécus sur le plan politique?

L’un des moments les plus significatifs fut l’assassinat de Mohamed Brahmi. Mon rôle a consisté à aller visiter les différents acteurs politiques et les encourager à trouver des solutions par le dialogue et la concertation pour aboutir aux compromis requis. Je ne me contentais pas de me rendre uniquement aux Berges du Lac (siège de Nida) et à Montplaisir (Ennahdha). J’allais partout, porteur du même message. Cela m’avait pris beaucoup de temps, plus de six mois. Mais, c’était nécessaire. Quand les gens commencent à voir les prémices des résultats escomptés, ils iront plus vite. La trajectoire est aujourd’hui très bonne. Les Tunisiens ont pris en main leur propre destin et parviennent à trouver les solutions appropriées.

Je ne vous cache pas qu’à certains moments, j’étais inquiet. Mais, je n’ai jamais perdu espoir de voir les Tunisiens parvenir à l’entente et au compromis.

Mon rôle était précisément de les y encourager. Ce qui facilitait ma mission, c’est que mon message était clair et consistant. Et je suis très heureux des résultats enregistrés.

Quels conseils donneriez-vous à votre successeur?

Je suis arrivé à Tunis dans une période très mouvementée. Aujourd’hui, le pays est plus stabilisé. Les fondements de la démocratie commencent à s’enraciner : une nouvelle constitution consensuelle, des élections transparentes, un président élu au suffrage universel et un nouveau gouvernement investi par l’ARP. Mais, la démocratie est un processus, long, exigeant, difficile, à construire et à développer. Il faut de la persévérance et beaucoup de patience.

Les Etats-Unis donnent l’impression de continuer à soutenir l’Islam politique dans la région. Comment l’expliquez-vous?

D’abord, je dois préciser que nous ne soutenons ni les partis islamistes, ni les partis séculiers, mais la démocratie. L’essentiel pour nous est de voir la démocratie s’installer et se développer. Ni en Tunisie, ni ailleurs, nous ne soutenons les islamistes, mais la démocratie.

Etes-vous toujours optimiste quant à l’évolution de la situation en Tunisie?

Résolument optimiste. Lorsque j’étais arrivé à Tunis en juillet 2012, je devais me concentrer à l’époque sur les questions économiques, préparer le retour de l’Agence de coopération USAID et la reprise des activités du Corps de la Paix. Mais, les questions sécuritaires l’ont rapidement emporté, avec toutes les inquiétudes qu’elles pouvaient susciter et le soutien à la Tunisie à engager. Aujourd’hui, la situation a nettement évolué, même si les aspects sécuritaires demeurent importants. La démocratie s’installe, ses fondamentaux s’ancrent progressivement, la société civile se déploie activement et les Tunisiens décident de leur avenir. Je ne peux qu’être optimiste.

Si vous deviez emporter avec vous un seul objet souvenir de la Tunisie, que choisiriez-vous?

Laissez-moi vous faire une confidence. Votre pays est riche en patrimoine, artisanat, livres et objets d’art. Mais je n’ai pas eu le temps, malgré trois années passées parmi vous, de faire mon shopping. Je connais les endroits et j’y reviendrai en touriste. J’irai dans les souks, à la Kasbah, Sidi Bou Saïd et d’autres endroits où je trouverai des objets magnifiques.

Quelle sera votre nouvelle destination?

Je retourne au Département d’Etat à Washington où m’attendent de nouvelles fonctions. Je suis affecté au bureau en charge du contre-terrorisme. Le sujet est très important non seulement pour la Tunisie mais aussi pour les Etats-Unis et le monde entier.

Justement, que peut-on attendre de la Conférence contre le terrorisme que la Tunisie s’emploie à organiser cet automne?

D’abord, une démonstration de l’engagement de l’ensemble des forces vives de la nation et des acteurs politiques, économiques et sociaux, dans une union soudée contre ce phénomène. Mais, aussi, tracer des programmes pour s’attaquer à ses racines en Tunisie qui sont nourries par les facteurs économiques et sociaux. Le chômage et le désœuvrement des jeunes viennent en grande priorité. Il y a aussi les questions économiques et l’impératif de la relance des investissements.

Si vous devez vous adresser aux Tunisiens, que leur diriez-vous?

Restez attachés, très attachés, à la démocratie et soyez patients. La démocratie n’est pas la responsabilité uniquement du gouvernement, mais aussi et surtout de la société civile et de l’individu. Chacun a un rôle important à y jouer, dans son travail, sa famille et sa vie quotidienne. Prenez le cas de la lutte contre le terrorisme, chacun doit y contribuer à son niveau pour s’en prémunir et l’éradiquer.

 

 

Propos recueillis par Taoufik Habaieb,
Hajer Ayoubi et Yosr Blanco


 

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