Opinions - 11.08.2015

La décentralisation : réalités, défis et perspectives (Première Partie)

La décentralisation : réalités, défis et perspectives

Dans un environnement mondialisé, le local, le territoire, est au cœur de toutes les réflexions  et des solutions pour la construction démocratique et sociale moderne. Face aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux, l’approche locale présente une ébauche pour un développement équitable et durable qui favorise l’inclusion sociale et permet aussi bien la transformation des modèles de production et de consommation, que la sauvegarde de l’identité et de la pratique démocratique au quotidien du  citoyen. 

 

La population  dans le monde d’aujourd’hui est désormais composée de plus de la moitié de citadins et l’autre moitié de ruraux. La gouvernance locale, participative et directe présente une opportunité économique et sociale pour une gestion plus démocratique et citoyenne aussi bien des villes et des métropoles avec toutes leurs complexités  que des régions de l’intérieur des pays généralement agricoles.
En effet, c’est autour des villes et dans les zones profondes des pays  que se trouvent une grande partie des ressources naturelles, des savoirs faire humains ancestraux, une culture de solidarité humaine ancrée et des opportunités de création de richesses,  mais également  l’accumulation des inégalités les plus prononcées, les taux de chômage les plus élevés surtout pour les jeunes et les femmes. Ces facteurs négatifs présentent un blocage pour la marche vers le progrès pour tous.

La décentralisation dans l’histoire et dans les faits

La décentralisation et l’autonomie territoriale existent depuis l’antiquité sous la forme de villages ou de cités. Ces deux formes de gestion locale ont précédé la constitution de l’Etat Nation. La décentralisation par l’institutionnalisation des autorités locales est apparue au 18eme siècle, mais au cours du siècle suivant, l’Etat  a  institué les collectivités locales ou les conseils locaux comme émanation d’intérêts locaux, chargés de la gestion des affaires locales. C’est cette dernière forme qui a été adoptée par les pays du tiers monde soit  en prenant  modèle sur l’occident soit à travers la colonisation de ces pays.

Suite à la crise du système capitaliste en 1929 et la mise en place de l’Etat providence tel que conçu par l’économiste Keynes, afin de pallier les défaillances  structurelles de l’économie de marché, un mouvement de centralisation a été constaté depuis et jusqu’à la fin des années 1970. Mais à partir des années 1980 et avec la remise en cause de l’Etat Providence, la mouvance de décentralisation s’est traduite par la recherche d’autres alternatives à la prise en charge des grandes fonctions publiques.

Sur un autre plan et Conceptuellement parlant, on entend par autonomie locale, le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et gérer,  sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, leurs affaires publiques en libre administration.

Si l’on s’intéresse aux trente dernières années, la décentralisation a connu un essor considérable (Cf. Rapport mondial sur la décentralisation et la démocratie locale élaboré par  l’Organisation mondiale des autorités locales et régionales du monde, CGLU), puisqu’elle a été adoptée par plusieurs pays et s’est implantée comme choix politique, économique et institutionnel.

Ce processus est très prononcé en Europe et en Amérique du nord  et reste encore mitigé dans les autres continents surtout dans les pays qui subissent des politiques d’ajustement structurel. Il y a lieu de préciser qu’il existe des différences dans la pratique de la décentralisation entre pays d’un même continent, entre localités d’un  même pays et entre métropoles et autres régions.

Une autre précision est de mise, il s’agit de la différence entre le concept de la décentralisation basée sur le principe de la subsidiarité et celui de la déconcentration basée sur l’implantation d’autorités locales administratives, représentantes du pouvoir central et sous son contrôle direct (nomination et révocation).

Les pays engagés dans la décentralisation ont procédé à des réformes législatives ou constitutionnelles afin de créer ou d’élargir le rôle, les compétences et la place des collectivités locales. Celles- ci se heurtent souvent au problème  des financements, malgré  la hausse sensible réalisée au cours de ces dernières décennies, et qui reste très souvent insuffisante.

Ces pays ont mis en place des autorités locales, avec des assemblées locales élues au suffrage populaire et un exécutif qui, à différents degrés, ont à répondre devant les citoyens.

La décentralisation et son mécanisme de subsidiarité telle qu’elle est pratiquée  permet-elle un meilleur accès aux services collectifs, un développement durable, une gestion plus appropriée des ressources locales et un exercice démocratique plus direct pour tous les citoyens ?

Les problématiques de la décentralisation

Selon certaines études  la décentralisation connait certains obstacles dont particulièrement la diversité de la définition du territoire, de ses compétences, de la taille de la population moyenne, des moyens humains et financiers nécessaires à la gestion locale et de la pratique de la démocratie directe.

Ainsi, la notion du local paraît comme différente d’un pays à un autre et elle n’est pas la même pour les habitants et pour l’administration. C’est ainsi que le local vécu (habitation, travail…) ne correspond pas nécessairement au local administratif (critères politiques, techniques et économiques). Si les pays européens et américains ont essayé de réconcilier les deux approches, de nombreux pays d’Asie et d’Afrique ont échoué.

La commune est dans chaque pays d’Europe, le produit d’un long développement historique. Par contre en Afrique et même parfois en Asie, les organisations territoriales traditionnelles ont été détruites ou incorporées à celles mises en place par le pays colonisateur pour les besoins de son administration coloniale.  

Pour savoir si l’établissement du 1er noyau au niveau local doit suivre la concentration des populations ou se fonder sur des critères fonctionnels, les expériences sont différentes selon les régions. En Europe, on a assisté dans beaucoup de pays à des politiques de fusion et de regroupement des communes.


D’autres pays ont eu recours aux niveaux intermédiaires de gouvernance où ils ont crée  des relais locaux de l’autorité municipale et sous  son  contrôle. Dans les deux cas,  cette situation a généré une certaine concentration des compétences au niveau d’une collectivité locale assez vaste. Par ailleurs, en Afrique, les politiques adoptées par le pouvoir central ont  eu pour objectif de communaliser les régions.

 

D’un  autre côté, les  compétences locales qui se réfèrent au «Principe de subsidiarité » qui est à la base du processus de décentralisation, connaissent des pratiques différentes d’un pays à un autre.
Selon ce principe, la responsabilité d'une action publique, lorsqu'elle est nécessaire, doit être allouée à la plus petite entité capable de résoudre le problème d'elle-même. Il va de pair avec le principe de suppléance, qui veut que quand les problèmes excèdent les capacités d'une petite entité, l'échelon supérieur a alors le devoir de la soutenir, dans les limites du principe de subsidiarité.
C'est donc le souci de veiller à ne pas faire à un niveau plus élevé ce qui peut l'être avec plus d'efficacité à une échelle plus petite, c'est-à-dire la recherche du niveau pertinent d'actions publiques qui doivent être exercées par les autorités élues qui sont les plus proches des citoyens.

D’une manière générale, l’exercice  de ces compétences reste encore fragmenté dans la majorité des pays. En effet, le local ne touche pas tous les domaines, ni tout le processus d’un même domaine.

Les études montrent que le choix du système des compétences ainsi que le poids budgétaire des dépenses publiques locales par rapport au total des dépenses sont globalement, peu liés à la structure de l’Etat (fédérale ou unitaire) : ils sont faibles dans certains Etats fédéraux (Australie,  Mexique, par exemple), mais forts dans d’autres (Etats-Unis, Brésil, Afrique du Sud). Aussi, le poids des budgets alloués aux territoires par rapport au budget total de l’Etat est peu corrélé avec le niveau de développement économique  (Exemples : Indonésie : 33 % ; République de Corée : 44 %, Japon 54 %, Australie (7 %). Chine : 81 % et  Vietnam : 54 %).

Néanmoins, il est impératif de s’arrêter sur l’aspect du financement local qui est basé sur le fait que la décentralisation effective et l’autonomie locale exigent une autonomie financière appropriée; Ceci implique une correspondance entre les ressources financières des autorités locales et les tâches et responsabilités qu’elles assument (viabilité financière et autonomie).


A cet effet et c’est pour cette raison que la fiscalité et les redevances locales devraient représenter une proportion importante dans l’ensemble des ressources financières locales. Celles-ci doivent être complétées en cas de besoin, par des subventions ou des transferts de l’Etat ou encore par les autres autorités locales.


Or, dans la pratique, le local a un pouvoir fiscal généralement faible et la fixation des taux de fiscalisation reste centralisée ou au niveau des gouvernances intermédiaires hormis quelques exceptions. Cette dépendance du pouvoir central touche à l’autonomie des décisions budgétaires des collectivités locales.

Pour ce qui est d’un volet de la démocratie locale, il y a lieu de signaler que dans la plupart des pays, l’administration locale est placée entre les mains d’une assemblée élue au suffrage direct et d’un exécutif, élu également. C’est à l’égard de l’exécutif municipal que l’évolution est la plus remarquable. Sur tous les continents, l’élection au suffrage direct du maire progresse.

Les taux de participation aux élections locales les plus élevés sont enregistrés en Asie-pacifique (entre 35%  en Thaïlande et 90% en Vietnam) par contre des taux faibles sont à signaler aux USA  (entre 10% et 29%) et au Canada (entre 31% et 49%), l’Europe se situe entre les deux avec un taux de participation qui avoisine les 50%.

 

Sabah Mallek
Universitaire, spécialiste en finance de développement.

                                                                                                                                                   

Bibliographie

* Les horizons de la gouvernance territoriale : réorganisation territoriale de la suisse –Andreas Ladner 2013

* Créativité et innovation dans les territoires : rapport du groupe de travail présidé par  Michel Godet Professeur au CNAM (France 2010)

* La décentralisation et démocratie dans le monde : 1er rapport mondial 2007   élaboré par le groupe  Cités et Gouvernements Locaux Unis CGLU

* La démocratie en miette, pour une révolution de la gouvernance de  Pierre Calame  année 2003

* Mission Possible, penser l’avenir de la planète  de  Pierre Calame  année 2003

 

 


 

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1 Commentaire
Les Commentaires
arfaoui nabil - 07-09-2015 20:28

C,est bon article qui résume la notion de la décentralisation

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