News - 31.03.2015

Face au projet de mort des terroristes : la Tunisie marche pour la VIE !

Face au projet de mort desterroristes : la Tunisie marche pour laVIE !

La réponse uniquement sécuritaire contre le terrorisme n’a aucune chance de réussir ! Apprenons de nos voisins combien de vie humaines et de temps ont-ils gaspillé avant de comprendre cette leçon pour venir à bout de ce cauchemar, si tant ai qu’on puisse, un jour, pouvoir en venir à bout !

Avant de prendre l’avion ce matin, qui me ramène d’Alger vers le Caire, j’ai eu une longue conversation avec un Algérien et tout naturellement, notre discussion aporté sur le terrorisme. Pendant plus de 90 minutes, j’ai posé toutes les questions qui me tenaient à cœur comme quelqu’un qui voulait connaitre la fin d’un film d’horreur mais qui n’a pas la patience d’attendre. La patience ou le courage, je ne saurai le dire, mais tout ce que je sais c’est que cet Algérien avait déjà vu le film que les Algériens appellent pudiquement : « La décennie noire » et je ne voulais pas quitter Alger avant d’avoir quelques réponses à mes questions.

Je résumerai ma conversation en trois questions essentielles que je lui ai posées:

Question 1: Comment l’armée et la police peuvent-ils attraper tous les terroristes ?
Réponse: Ils n’ont aucune chance d’en venir à bout et les attraper tous sans l’aide de la population.Ils ont besoin du maximum de renseignements de presque chaque citoyen qui soupçonne n’importe qui de fomenter n’importe quoi et de le signaler. Ni la gendarmerie, l’armée ou la police ne sont capables de surveiller tous les terroristes dans tous les coins de chaque rue et au tournant de chaque village.

Question 2: Comment avez-vous réussi à convaincre la population de se transformer en agent de renseignement ? Dans notre culture, c’est assez mal vu que quelqu’un donne des renseignements à la police sur ses voisins car il risque d’êtretraité des pires adjectifs.
Réponse: Cela n’a pas été ni naturel ni facile au début. Tant que les victimes faisaient partie des forces de l’ordre, la population n’a pas bougé et ne s’est pas sentie concernée par cette guerre qui n’était pas la sienne. Mais le jour où ils ont vu Monsieur tout le monde se faire exploser la cervelle, la population a commencé à sentir le danger dans sa chaire et a commencéà avoir peur pour ses propres enfants. Ils ont alors commencéà faire attention aux mouvements suspects, aux groupes louches et aux étrangerscirculant dans leur village…etc. Ainsi ils ont compris qu’il valait mieux aider les forces de l’ordre et que cela n’était nullement trahir leur concitoyens ni leur pays. Au contraire ne pas le faire est le summum de la trahison de leurs familles, voisins et de leur patrie.

Avant de continuer de poser mes questions, j’ai voulu partager une histoire personnelle et véridique avec mon interlocuteur. Mon histoire est une blessure personnelle qui n’arrive pas àcicatriser.

Le 11 Décembre 2007, un terroriste a fait exploser le bureau d’une agence onusienne à Alger ôtant la vie de 22 de mes collègues dont une amie très chère: Saadia B. Une jeune fille qui n’avait pas atteint ses 30 printemps et qui était la fille unique de ses parents qui n’avaient que deux fils. Le jour de sa disparition restera à jamais gravé dans ma mémoire tellement la douleur a été insoutenable. J’étais allée d’ailleurs pour le 40eme jour présenter mes condoléanceset j’ai pu réaliser l’ampleur des dégâts physiques et psychologiques de tous ceux qui ont survécu à cet attentat sans nom ! La phrase que le papa de Saadia n’a cessé de répéter résonne encore dans mon âme : « Saadia était mes yeux, avec quoi vais-je pouvoir voir maintenant ?».Là-bas, une amie m’ainformée que le terroriste en question était en prison et que 20 jours avant l’attentat, il avait été relâché dans le cadre d’un programme de Réconciliation Nationale ! Il s’est alors procuré 800 kilogrammes d’explosifs, les a mis dans une camionnette et s’en est allé se faire écraser contre le mur du bâtiment où mes collègues,à 10 heures du matin, travaillaient comme à l’accoutumée. Saadia était au téléphone avec ses parents pour les supplier de ne pas sortir car une bombe venait d’exploser 10 minutes avant près d’un bâtiment public et elle avait peur pour eux ! Ce jour maudit, 22 de mes collègues ont perdu la vie, 21 d’entre eux étaient Algériens, en plus d’un consultant danois qui a laissé une femme et trois enfants qui ne comprendront peut-être jamais pourquoi quelqu’un a jugé normal d’ôter la vie de leur papa.

Ni ces enfants, ni les familles et amis de tous ceux qu’on a perdus ne pourront peut-être un jour comprendre et encore moins pardonner !

Alors j’ai voulu poser cette question qui me tenait tellement à cœur car la réponse pourrait peut-être éteindre la flamme qui me brûle encore les entrailles depuis la perte tragique de mon amie: « Que pensez-vous du programme de réconciliation nationale ?

Sans hésiter il m’a répondu simplement : « La réconciliation nationale : je n’y crois pas et je n’y ai jamais souscris.Celui qui a tué ton amie n’y croyait pas non plus, sinon il n’aurait pas ce qu’il a fait. Ayant été relâché, au lieu de profiter de sa liberté pour contribuer, avec nous,àrebâtir notre pays, il a poursuivi le même projet de mort qu’il avait dans sa tête et qui lui a valu d’être emprisonné en premier lieu ! 20 jours ont suffi pour que son groupe terroriste lui procure 800 kilogrammes d’explosifs et de le persuader d’aller se faire exploser dans l’espoir d’un quelconque paradis ! A aucun moment il n’a pas pensé aux 22 familles qu’il venait de plonger dans un enfer de douleur sans fin ! Je me suis alors souvenue des oiseaux de Saadia que j’ai entendu en premier, quand je suis allée chez elle, et j’ai remercié le ciel qu’ils n’étaient pas capables de saisirle drame qui venait de se passer car en tant qu’animaux ils ne pourront jamais concevoirle degré de cruauté dont seuls les hommes sont capables et coupables ! Ces oiseaux, comme le merveilleux chien « Akil », qui a donné sa vie en cadeau pour sauver tellement de vies au musée du Bardo, donnant en cela la plus belle leçon de vie que certain êtres humains sont devenu incapables d’offrir!

Pour ma part, je demeure persuadée, comme je l’ai déjà dis dans mon dernier article : « Silence on tue ! »: ,que les terroristes prônent un projet de mort auquel seul un projet de VIE peut faire face ! Bien entendu, une réponsesécuritaire est nécessaire, mais elle doit êtrebâtie sur une stratégie devant bénéficier des leçons apprises de nos voisins et de n’importe quel pays qui a réussià faire face à cette gangrène qui ronge la région arabe, depuis plus d’une décennie.
Mais cette réponse sécuritaire doit faire partie d’une stratégie beaucoup plus inclusive. Une stratégie qui englobe toutes les composantes d’un projet de vie. Une stratégie qui prôneune éthique de vie basée sur la beauté, l’esthétique, l’art, la musique, la dance le théâtre, le cinéma... Cette stratégie doit réformer en profondeur notre système éducatif. Une éducation qui doit produire des jeunes attirés par la vie et non qui deviennent des exclus qui peuvent un jour être attirés par 400$ et plusieurs vierges, s’ils acceptent de faire partie de ces escadrons de la mort prêts à tuer à Damas, Mossoul, Sana ’a ou à Tripoli.Une stratégie qui réduise à néant l’écart entre les plus riches et les plus démunis et arrête cette hémorragie de paupérisation de notre peuple.

La réconciliation nationale, M. le Président, serait suicidaire, si suffisamment de garde-fous ne sont pas pris en compte. Parmi ces garde-fous, une réhabilitation psychologique, sociale et économique avec un suivi rapproché de chaque jeune qui a été, un jour,attiré par un quelconque projet de mort !

Gandhi nous a appris, il y a bien longtemps, que demander pardon était l’apanage des grands. Seuls les gens courageux savent reconnaitre leur erreur et savent humblement demander pardon dans l’espoir qu’un jour, les tunisiens, aient la force et le courage de pardonner tout le mal qui leur a été fait. Demander pardon pour chaque larme versée et chaque goutte de sang qui a coulé dans nos villes et villages causant la perte de l’un d’entre nous.

Pour ma part, je crois en l’avenir d’une Tunisie enfin en paix avec elle-même, réconciliée avec son histoire millénaire, en harmonie avec sa culture plurielle, son patrimoine d’une richesse époustouflante et embrassant sa modernitéavec grâce et beauté.
Et Vous y croyez-vous? Envoyez-moi vos réponses, si vous voulez en commentant sur cet article.

Khadija T. Moalla

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