News - 12.11.2014

Marzouki aux journalistes : «Je ne suis ni ange, ni démon»

Il en avait gros sur le cœur et voulais crever l’abcès dans un difficile exercice d’équilibriste. Moncef Marzouki, se mouillant la chemise pour reconquérir la présidence de la République recevait mercredi matin, dans sa résidence privée au palais de Carthage les journalistes qui ont accepté son invitation. Par devoir professionnel, pour certains indépendants, par courtoisie, voire engagement politique, pour d’autres. Dans ce salon doré de la Dar Essalem qui donne sur la magnifique baie de Tunis par une journée ensoleillée, le président-candidat, calé sur un divan, était en mode séduction. L’acte premier, scénarisé par ses nouveaux communicants débarqués de Paris et Bruxelles: les médias. Quelques heures après, il devait recevoir des blessés de la révolution, des familles de martyrs, des «intellectuels» et des médecins.
 
En préambule, Moncef Marzouki annoncera la couleur. « Nous abordons une nouvelle phase qu’on ne saurait commencer par la fraude, l’argent et l’influence, dit-il. Le jeu est démocratique et doit observer ses bonnes règles. Je sais que même en Occident, il y a des abus, mais, chez nous, ces dérapages ont dépassé l’entendement. J’ai subi ce qu’aucun autre président avant moi n’a subi ». Certains confrères lui rappellent ses rapports tendus avec les médias, la publication du Livre Noir, le manque de soutien aux entreprises de presse et à la profession.
 
«Comment réagissez-vous, répond-il, à une radio qui prétend que je bois de l’alcool à bord d’un avion, d’un journal gouvernemental que je dois être arrêté et mis en prison, etc. Je suis un être humain. Vous m’agressez et vous me demandez de ne pas me plaindre, de ne pas gémir de ne pas dire Aïe ! Pourtant, je jouerai avec intégrité jusqu’au bout, je n’interdirai aucun médias, je ne poursuivrai en justice aucun journaliste, je m’y engage. Je ne suis ni ni ange, ni démon. Cherchons le prophète parfait. A vous, cependant de défendre l’honneur de votre métier! »

Radicalisation 

Interrogé par Leaders sur le nouveau positionnement de sa candidature qui s’appuie sur des éléments durs prétendant la protection de la révolution et des salafistes, leur présence le jour du démarrage de la campagne, et sa prestation avec Béchir ben Hassen à Msaken en témoignent, Moncef Marzouki n’arrive pas à trouver la parade convaincante. « Certains veulent profiter de l’occasion, dit-il. A Msaken, j’étais surpris par la présence de Ben Hassen, je n’en avais pas été averti. C’est un faux pas, comme il y en a toujours en politique. J’aurais tant souhaité qu’il ne monte à la tribune à mes côtés ». 
 
Seriez-vous disposé à condamner les Ligues de Protection de la Révolutions et les salafistes violents, lui demande Leaders. « Je suis en plein combat et j’ai besoin de tous, sauf ceux prônent la haine et la violence, y compris ceux qui se proclament de ces catégories et adoptent leurs comportement », dit-il. Des proches à lui essayent de l’amener à tempérer ces propos pour ne pas cibler ces deux catégories. Il finira par utiliser une formule laconique de condamnation de la violence quel qu’en soit l’auteur...

« Garant de l’équilibre »

Moncef Marzouki définit la mission essentielle du futur président dans le nouveau contexte tunisien comme garant de l’équilibre politique. «Arrêtons la surenchère et les tiraillements, cessons de nous tirer les uns sur les autres, colmatons les brèches, nous allons finir par travailler ensemble», prône-t-il. Reste à vérifier qui nourrit excite les passions ces derniers temps, par médias sociaux interposés ?

Risque de blocage

Une fois élu à Carthage, Marzouki risque-t-il de bloquer l’action du futur gouvernement ? Nullement, se défend-il : «Je reconnais le verdict des urnes et respecte le gouvernement qui en sera issu. Je suis pleinement disposé à collaborer avec lui».

L’homme de qui ?

Y’a-t-il un véto algérien contre son accession à Carthage, l’interroge un confrère, alléguant que certains le taxeraient d’être l’homme du Maroc, où il avait passé une bonne partie de sa prime jeunesse. «D’abord, c’est une décision tunisienne et nul étranger ne saurait s’y immiscer, affirmera-t-il, sur le ton qu’on lui connaît. Ma femme est française, mes deux filles vivent en France, suis-je pour autant l’homme de la France. Je ne suis ni l’homme du Maroc, ni de l’Algérie, je suis l’homme de la Tunisie. Les relations avec l’Algérie, comme avec le Maroc ou la France restent essentielles. Nous allons travailler ensemble».

Le Livre Noir 

Un confrère ne manque pas de lui rappeler cette publication. « Je vais vous dire la vérité à ce sujet. Nous avons trouvé beaucoup de documents à la Présidence, dit-il, et j’ai chargé mon directeur de cabinet, Imad Daïmi de les remettre à l’ANC. Refus. Alors, j’ai demandé à mon équipe de prendre un secteur, et ce fut celui des médias, et d’établir un rapport de synthèse que je destinais sous le sceau de la confidentialité aux membres de l’ANC seulement, sans la moindre intention de le publier. Le document a été volé. Cela a été cependant utile, puisque cette fuite a accéléré la mise en place de l’Instance de la Vérité et de la Dignité. D’ailleurs, je crains fort pour elle, elle risque d’être bloquée. Vous savez avec tout ce que nous avons découvert au Palais, il y avait de quoi torpiller la vie de plus d’un. Je m’y suis abstenu ».

« Demandez au Maalem »

Marzouki est attentif aux propos de ses invités, reconnaissant les failles de son dispositif de communication, cherchant conseil et s’attachant surtout à panser des plaies et rétablir des ponts. Il est aussi pressé, d’autres convives attendent. Redoublant de courtoisie, il dédicace son livre «Nous gagnerons ou nous gagnerons» puis se tient sur la véranda pour saluer les journalistes. Dernière question: comment se poursuivra sa campagne? «Demandez au Maalem (son nouveau communicant, Slah Mnasri, dit-il. Il a prévu des rencontres thématisées, des meetings populaires, des interviews, etc. je continuerai à faire porter ma voix et connaître mon programme». 
 
Quelles sont ses chances réelles ? Si personne ne lui a posé la question, lui y croit fort, même s’il cache ses angoisses.
 
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4 Commentaires
Les Commentaires
Slim - 13-11-2014 10:33

Moncef Marzouki n'est ni ange ni démon... Il est un grand militant, intellectuel, humain et incorruptible.

soussi - 13-11-2014 14:44

Comment peut-il parler d'honnêteté tout en utilisant le Palais de Carthage pour inviter des citoyens, des journalistes, des soutiens...; pendant la campagne électorale ???!!!....S'il était en Europe, il serait déjà disqualifié...

Amor Ben Rabah - 13-11-2014 16:38

Dans cette déclaration aux journalistes,le candidat présidenciel Moncef Marzougui paraphrase,peut-être inconsciemment, mais mal,le philosophe et homme de science français Blaise Pascal,qui dit plus exactement:"l'homme n'est ni ange ni bête, et le malheur fait que qui veut faire l'ange fait la bête."Manifestement le président provisoire a préféré le démon à la bête. Question de goût.

Salah HORCHANI - 16-11-2014 19:30

Moncef Marzouki, le candidat aux trois chapeaux ! http://horchani.blog.lemonde.fr/2014/11/15/elections-presidentielles-tunisiennes-moncef-marzouki-le-candidat-aux-trois-chapeaux/

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