Opinions - 16.07.2014

Génocide progressif à Gaza : Un grand historien israélien dévoile le dessous des cartes

Ilan Pappé est un historien israélien né 1954 à Haïfa. Il fait partie «des nouveaux historiens» qui, après études des archives tant britanniques qu’israéliennes, ont relu de manière critique l’histoire d’Israël et du sionisme. Au cours des années 2000, il a été l’objet de polémiques et d’attaques. En 2007, il s’est exilé en Grande Bretagne où il  est présentement professeur d’histoire à l’Université d’Exeter et directeur du Centre Européen d’études sur la Palestine. On peut lire, d’Ilan Pappé,  en traduction française,  les ouvrages suivants: «La guerre de 1948 en Palestine. L’origine du conflit israélo-arabe» (La Fabrique éditeur,  Paris, 2000), «Une terre pour deux peuples: Histoire de la Palestine moderne.» (Fayard, Paris, 2004).

Dans un long et magnifique article publié sous le titre «1948: le projet de purification ethnique en Palestine» in  la Revue d’Etudes Palestiniennes (hélas disparue) n° 103 (nouvelle série),  Printemps  2007 (p. 72-84), il  concluait: «…Je voudrais que les crimes commis par Israël ne soient plus attribués à des raisons aussi élusives que «les circonstances», «l’armée» ou justifiés par des locutions telles que «à la guerre comme à la guerre»…ou autres justifications qui innocentent les Etats souverains et donnent bonne conscience à leurs citoyens. J’accuse, mais je fais aussi partie de la société accusée. Je me sens responsable de l’histoire et je participe de cette histoire. Mais, comme d’autres dans la société israélienne, je suis également convaincu qu’un douloureux voyage dans le passé est la seule manière d’avancer si nous voulons créer un avenir meilleur pour nous tous, Palestiniens et Israéliens ensemble.»

Le Génocide progressif d’Israël dans le ghetto de Gaza

Sous ce titre, Ilan Pappé a publié,  en anglais, le 13 juillet 2014, sur le site «The Electronic Intifada» l’article dont nous donnons ci-après de larges extraits:

«Dans un article paru en  septembre 2006 sur «The Electronic Intifada», j’ai défini la politique d’Israël vis-à-vis de la Bande de Gaza comme un génocide progressif. L’assaut actuel mené par Israël indique hélas que cette politique continue sans le moindre changement. Ce terme est important car il place correctement l’action barbare d’Israël- à l’époque comme aujourd’hui – dans un contexte historique plus large. L’accent doit être mis sur le contexte car la machine de propagande israélienne tente, à plusieurs reprises, d’exposer ses politiques hors contexte et transforme le prétexte qu’elle trouve pour chaque nouvelle vague de destruction en justification principale pour une autre frénésie de massacres aveugles et de mises à mort de la Palestine….La vague génocidaire actuelle a aussi, comme toutes les précédentes, une cause immédiate. Elle trouve son origine dans une tentative pour faire échouer la décision palestinienne de former un gouvernement d’union auquel même les Etats Unis n’ont pu s’opposer.

Le 15 mai 2014, les forces israéliennes ont tué deux jeunes Palestiniens dans la ville de Cisjordanie de Beitunia, leur meurtre de sang-froid par une balle de tireur d’élite étant capturés sur vidéo [par CNN]. Leurs noms – Nadim Nuwara et Muhammad Abu al-Thahir-  s’ajoutent à une longue liste de tels meurtres, ces derniers mois ou ces dernières années.

Le meurtre de trois adolescents israéliens, dont deux étaient mineurs, kidnappés en Cisjordanie occupée en juin, était peut-être en représailles pour les meurtres d’enfants palestiniens. Mais, pour toute les déprédations de l’occupation oppressive, il a fourni le premier et principal prétexte pour détruire la délicate unité en Cisjordanie mais aussi pour réaliser  le vieux rêve d’éradiquer le Hamas de Gaza pour que le ghetto soit à nouveau silencieux. Depuis 1994 et même avant l’arrivée au pouvoir du Hamas dans la Bande de Gaza, la localisation géopolitique très particulière de cette Bande montre clairement que toute action de punition collective, comme celle qui est infligée actuellement, ne peut être qu’une opération de destructions et de massacres de masse. En d’autres termes, un génocide continu. Ce qui n’a jamais empêché les généraux de donner  les ordres de lancement de bombes,  sur les gens,  à partir des airs.

Réduire le nombre de Palestiniens dans toute la Palestine historique demeure encore  la vision sioniste. A Gaza, sa réalisation prend la forme la plus inhumaine**.

Le timing particulier de cette vague est déterminé, comme par le passé, par des considérations additionnelles. L’agitation sociale à l’intérieur d’Israël en 2011 couve encore et,  un temps, le public a réclamé des coupes dans les dépenses militaires et réclamé de  transférer l’argent du budget «obèse» de «la défense» vers les services sociaux. L’armée a décrété comme «suicidaire» une  telle éventualité. Rien n’est plus efficace qu’une opération militaire pour étouffer les voix appelant le gouvernement à tailler dans le budget des dépenses militaires….A Tel Aviv, les quelques personnes qui ont osé manifester contre [le massacre des Gazaouis] ont été battus par des hooligans juifs pendant que la police regardait ailleurs.

Les universitaires, comme toujours, font partie de la machine de guerre. La prestigieuse université privée «Centre Interdisciplinaire Herzliya» [dans la Silicon Wadi israélienne, dans le district de Tel Aviv] a créé «un quartier général civil» où les étudiants se portent volontaires pour servir de porte-parole à la campagne de propagande à l’étranger.»

«Des horreurs inimaginables»

[Ilan Pappé souligne le rôle de la presse occidentale pour cacher les crimes  d’Israël dont elle ne montre ni  les images de destruction ni les atrocités ou les victimes. L’historien cible les médias français] –«spécialement France 24 mais aussi la BBC qui continuent,  comme des perroquets, à honteusement réciter la propagande israélienne. Ce qui n’a rien d’étonnant puisque les groupes du lobby pro-Israël continuent  à travailler inlassablement pour Israël en France comme  dans le reste de l’Europe et aux Etats Unis»

Et Ilan Pappé de poursuivre: «Je concéderai qu’à travers tout le Moyen-Orient il y a en ce moment des cas horribles où la déshumanisation a provoqué des horreurs inimaginables comme c’est le cas aujourd’hui à Gaza. Mais il y a une différence cruciale entre ces cas-là et la brutalité israélienne : les premiers sont condamnés comme étant barbares et inhumains à travers le monde, alors que les crimes commis par Israël  sont encore publiquement avalisés par le Président des Etats Unis, les dirigeants de l’UE et les autres amis d’Israël dans le monde.

Le seul espoir pour une lutte victorieuse contre le sionisme en Palestine est celui basé sur un agenda de droits humains et civiques qui ne fasse pas de différence entre une violation et la suivante et pourtant identifie clairement la victime et les agresseurs.

Ceux qui commettent les atrocités dans le monde arabe contre les minorités opprimées et des communautés sans défense, ainsi que les Israéliens qui commettent ces crimes contre le peuple palestinien, devraient tous être jugés selon les mêmes standards moraux et éthiques. Ce sont tous des criminels de guerre, bien que,  dans le cas de la Palestine,  ils sont à l’œuvre depuis plus longtemps que les autres.

L’appartenance religieuse de ceux qui commettent les atrocités ou au nom de la religion qu’ils prétendent professer importe peu. Qu’ils se nomment eux-mêmes jihadistes, judaïstes ou sionistes, ils doivent être traités de la même façon.

Un monde qui arrêterait d’employer le principe «Deux poids, Deux mesures » dans ses relations avec Israël est un monde qui serait beaucoup plus efficace dans sa réaction face aux crimes de guerre perpétrés ailleurs dans le monde.

La cessation du génocide progressif à Gaza et la restitution des droits humains fondamentaux et civiques des Palestiniens où qu’ils soient, y compris le droit au retour, est la seule manière d’ouvrir une nouvelle perspective pour une intervention internationale productive au Moyen-Orient dans son ensemble.»***

Mohamed Larbi Bouguerra

** Vérification : «A l’heure actuelle, plus du quart des décès concernent des enfants» déclare Pierre Krahenbuhl, de l’Agence de l’ONU pour l’aide aux réfugiés palestiniens. (L’Humanité, 15 juillet 2014, p. 4)

***Comme en écho aux thèses du Pr Pappé, Benjamin Barthe écrit dans le Monde (16 juillet 2014, p.2) que « Le compte à rebours avant la prochaine confrontation a déjà commencé. » L’article révèle enfin que « le vendredi 11 juillet, le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, a déclaré qu’il était catégoriquement opposé à la création d’un Etat palestinien souverain. Un accès de franchise rare, signalé par le site d’information Times of Israël, mais passé sous silence par les médias occidentaux. En l’absence d’un tel horizon, l’armée israélienne peut déjà réfléchir au nom de code de la prochaine opération à Gaza.»

 

 

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4 Commentaires
Les Commentaires
Abdelkader - 16-07-2014 19:09

Personne n'est dupe , il s'agit bel et bien d'une épuration ethnique . Que faire ? quelle contribution peuvent apporter les intellectuels tunisiens dont vous êtes le digne représentant ? Je sais que vous lisez Haaretz , des journalistes comme Gideon levy peuvent être associés à une initiative de votre part . Le doux rêveur que je suis , crois à la sagesse qui dit que chacun doit verser sa petite goutte d'eau !

CORSAIR - 16-07-2014 23:23

en tant qu'européen je suis néanmoins étonné du si peu de cas qu'il fait de ce qui se passe en Syrie. Les pertes sont 1.000 fois plus élevée et son indignation inversement proportionnelle 2 ou 3 mots bien moins violent. Si génocide il y a d'un côté, que dire lorsque les victimes sont 1.000 fois plus nombreuses et qu'en outre elles sont de leur propre peuple.

Le pédagogue - 18-07-2014 18:50

Le pédagogue : L’armée sioniste continue de s’amuser en poursuivant les massacres des populations palestiniennes et les destructions. Elle le fait depuis des lustres quand elle veut, comme elle veut, où elle veut. L’occupation de Filistiine par le système colonialo-impérialo-sioniste dure depuis des dizaines d’années. Le massacre et les destructions aussi. Dotée de centaines d’avions de guerre des plus performants, d’une flotte maritime utilisée pour les agressions, d’innombrables chars, de missiles, d’équipements militaires les plus récents et de tous les armements sophistiqués, dont une grande partie lui est offerte par les USA et l’Europe, l’armée sioniste possède même l’arme nucléaire et son arsenal atomique peut détruire toute la région. Pour s’amuser, comme en ce moment, l’armée sioniste a recours aux moyens qui lui plaisent pour massacrer et détruire. En ce moment, les massacres et les destructions permettent à la soldatesque de l’horreur de varier les amusements. Le jeu le plus recherché est le meurtre des enfants. Les agresseurs qui ont créé ce qui est appelé « l’État juif » depuis 1948, période où le colonialisme sévissait dans la région, ont clairement opté pour l’extension des massacres et des destructions. Dans son livre intitulé « l’État juif », l’autrichien Théodore Herzl réclamait un « État » pour les « juifs » du monde et écrivait : « Nous serions la sentinelle avancée de la civilisation contre la barbarie ». Après une longue période d’une politique contre des citoyens européens « juifs » qui ont subi des rafles, qui ont été mis dans des camps de concentration, qui ont été exterminés, principalement par le nazisme durant la seconde guerre dite mondiale, marquée par le massacre de plusieurs dizaines de millions de personnes, il a été décidé de créer en Palestine, sous domination du colonialisme britannique à l’époque, un « État juif » pour les « juifs » du monde, rendant ainsi les populations de ce qui est appelé « le monde arabo-musulman », « responsables » des massacres et des destructions contre les « juifs » d’Europe. Les « juifs » du monde peuvent ainsi participer à la colonisation sioniste de peuplement, et prendre la place des « non-juifs » en Palestine et dans la région. Avec le temps, la résistance des populations de Filistiine est devenue difficile à contrôler par l’impérialo-sionisme, parce qu’impliquant plusieurs régions de ce qui est appelé « le monde arabo-musulman » où s’installent des Palestiniens qui fuient la chasse sioniste aux Palestiniens. Le système colonialo-impérialo-sioniste s’est alors forcé d’admettre que « Gaza » et « la Cisjordanie » sont palestiniens, afin de regrouper les populations palestiniennes dans ces « réserves » comme l’ont été les survivants « Indiens ». Les populations y sont parquées sous contrôle total du système colonialo-impérialo-sioniste qui fait intervenir quand il le désire, sa soldatesque de l’horreur, pour massacrer et détruire à sa guise, et permettre à l’armée sioniste de s’amuser. Et bien sûr, le coup de la « victimisation », le fonds de commerce qui rapporte gros, est utilisé sans vergogne. Depuis des dizaines d’années, le système colonialo-impérialo-sioniste qui s’est accaparé de la Palestine et d’autres territoires use de tous les moyens pour se présenter comme « victime ». Et si quelqu’un n’accepte pas cette imposture, il est traité « d’antisémite », de « nazi », de « terroriste », c'est-à-dire « d’islamiste », et doit être châtié. Chaque fois que l’armée sioniste s’amuse en massacrant et en détruisant, des représentants des USA et de l’Europe s’inquiètent pour la sécurité de la colonie de peuplement sioniste en Palestine « éprise de paix », et se mobilisent pour défendre cette sécurité. Ils remettent des sommes d’argent et autres « aides » à des « représentants palestiniens » dans les réserves, afin « qu’ils prennent conscience » de l’importance de la sécurité pour la colonisation de peuplement sioniste. Les régimes dits « arabo-musulmans », les traîtres, serviteurs du système colonialo-impérialo-sioniste qui les a mis en place, continuent de répandre la débauche, le pillage, la pourriture et autres. Leurs employeurs les autorisent à discourir sur le thème de « la libération de la Palestine » afin de tromper les populations, essayer de canaliser leur combativité, et les maintenir sous leur domination. Ils les encouragent, avec les armes qu’ils leur vendent au prix fort pour tenir les populations en respect, à se combattre mutuellement. Parfois, l’armée sioniste évacue un territoire dans le but « d’aider » les traîtres à la « tête » de ces « États » dits « arabo-musulmans », à masquer leur trahison en faisant croire aux populations qu’ils « luttent » pour « reconquérir » les droits spoliés. Mais la résistance des populations ne sera jamais vaincue. Que sont les agresseurs ? « De la cendre qu’emporte le vent en un jour de tempête ».

Bounab - 20-07-2014 10:11

Devant ce masacre que les grandes puissances americains les anglais etc, je leur dit, comme vous avez armer les sionistes armer aussi les palestiniens et les laisser faire la gerre avec les sionistes celui qui gagnera la guerre le vaincu devient sans brancher l'esclave du vainqueur.

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