Opinions - 26.05.2014

Radhi Meddeb: Nous sommes tous euroméditerranéens

Les résultats des élections européennes de ce dimanche sont là. Ils confirment la peur et le désarroi des populations mais aussi la crainte des analystes et des politiques. Large abstention, déroute des partis traditionnels, de gauche ou de droite, montée des extrémismes. Tous les ingrédients de la crise politique sont là.

Ils font suite à ceux, qui germent et pourrissent depuis quelque temps, de la crise financière, économique, sociale, identitaire et institutionnelle. L'Europe est mise en cause. Elle est perçue comme technocratique, inhumaine et illégitime et ce ne sont pas quelques aménagements institutionnels qui auraient pu dissuader les citoyens européens d'une telle image. Elle est présentée comme l'antichambre de la mondialisation. Celle-ci est diabolisée. Elle est mère de tous les maux. Nous sommes loin de celle, heureuse que nous annonçait encore triomphalement Alain Minc, il n'y a pas si longtemps. Et tout cela n'est pas complètement faux! L'Europe est loin de la vision de ses pères fondateurs. Elle est dirigée par sa Commission de Bruxelles, imposante et active mais non redevable devant une représentation populaire. Elle a développé sa propre religion faite de libre-échange et de concurrence "libre et parfaite". La mondialisation a favorisé le commerce international. Elle n'a pas généré de la richesse pour tout le monde. Elle a accru les inégalités, entre pays et à l'intérieur d'un même pays. Les laissés pour compte sont nombreux, désorientés et totalement démunis.

Quelles leçons pour nous en Tunisie? Ce vote sanction traduit la peur et le doute de tous ceux qui craignent pour leur avenir, mais aussi de tous ceux qui ne trouvent plus de lisibilité dans le projet européen. Trois risques nous menacent. D'abord, celui d'un plus grand isolement de l'Europe, d'une fermeture et d'un repli qui pourraient se traduire par une plus grande radicalisation de la politique des visas et de l'immigration. Ensuite, celui d'une remise en cause de la politique de voisinage et de partenariat privilégié. Enfin, et ce n'est pas le moindre, celui d'une entrée en récession de l'espace économique européen. Tous ces risques seraient porteurs de fractures, de rupture de solidarités anciennes, fragilisées et mises à mal par la crise économique et la montée de la xénophobie.
 
Cette situation nouvelle, mais attendue nous impose d’approfondir nos relations horizontales maghrébines, non pas pour nous immuniser contre les dérapages européens, mais pour affermir notre position commune, affranchir l’économique des aléas du politique, donner la main aux entreprises et créer les conditions d’une compétitivité nouvelle et renforcée. Elle nous impose également de reconnaitre le rôle majeur des entrepreneurs du nord et du sud pour qu’ensemble, ils identifient et mettent en oeuvre sur le terrain les modalités d’un renforcement partagé de leur compétitivité et se positionnent activement pour la conquête de marches nouveaux.
Car notre avenir est commun. Il s'impose à nous tous.
 
Le choix de l'approfondissement de nos relations dans la solidarité, la proximité et la complémentarité est inéluctable. L'Histoire, la géographie, la culture, les valeurs, les hommes et les femmes sont autant de points de suture entre le nord et le sud de la Méditerranée. Mais, quelles métamorphoses et quelles remises en cause cela nécessite-il? Sachons les uns et les autres, avoir le courage et la lucidité de notre nécessaire solidarité. Sachons remplacer le regard vertical, du haut vers le bas, par un projet commun qui serait l'œuvre de nos jeunes, de nos femmes et de nos sociétés civiles. Sachons remplacer le libre échange par le codéveloppement et les Colocalisations. Sachons construire ensemble pour repousser notre horizon commun. En un mot, sachons être à ce rendez-vous des civilisations et ne nous laissons pas emporter par une saute d'humeur ou un moment de doute et de désarroi.
 
Radhi Meddeb 
Tunis le 25 mai 2014
 
Tags : Radhi Meddeb  
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5 Commentaires
Les Commentaires
T.B. - 26-05-2014 12:49

Je suis tout á fait d´accord avec votre analyse de l´Union Europeenne après les elections, et je voudrais ajouter quelques remarques concernant quelques côtés de l´entreprise Europeenne; il est temps, je pense, de voir l´Europe du côté du passé et de celui du future, et la crise finacière mais aussi la mondialisation,rende necessaire l´elargissement la facon de voir les problèmes de l Éurope.1) les francais decouvrent leur point faible: celui de la compétivité et l´effectivité technologiqe. leur pont fort est bien connu: la haute couture,la cuisine, la langue.2) les pays du nord(scandinave) decouvrent aussi leur point faible: l´enseignement( il sont dépassé par les pays du tigre asiatique mais aussi pour garder leur privilege sociaux,ils son nombreux, veulent avoir le droit de regler eux-même ces problèmes sans que Bruxelles ne s´y mêle. (les scandinaves n´ont pas peur de la mondialisation, d´ailleurs comme l Àllemagne. Les Europeens du sud n´ont pas la tradition d´être effectifs, et il ne savent pas comment s´y prendre. Il n´ya que l´Allemagne qui n´a ni point faible, que des forts, le point faible qu´elle a est provisoire concernant les salaires qui ne sont pas compétitifs encore. Il y a un risque reel que l´Europe éclate; la metamorphose ne peut pas se faire dans le cours terme.La politique étrangère et le retour de la guerre froide pourraient aussi faire un frain à l´eclatement de l Eunion E.

Demonastir - 26-05-2014 21:01

63% des électeur FN déclarent avoir voté ainsi par peur de l'immigration. C'est nous, les immigrés maghrébins qui sommes largement la cause de ce "séisme" politique. Beaucoup de français ont peur de nous. Qu'avons nous à leur répondre? Comment engager un vrai dialogue ? Les élites maghrébines en France (universitaires, écrivains, artistes, professions libérales, businessmen) sont innombrables. Tous se taisent comme si cela ne les concernait pas. Même silence au Maghreb. Un vrai problème.

f bensoltane - 27-05-2014 08:03

Mediterravenir une association que nous avons fondé d'abord en France puis en Tunisie et actuellement en projet de création en Algérie, est totalement ,dans l 'action sud puis sud puis enfin sud- nord mais ........par la sociéte civile le sud sud doit se reconstruire pour être solide , par aussi et surtout l'action des sociétes civiles en, raison de leur esprit militant, bénévole, désintéressé,et de dialogue préalable .

A. Fredj - 27-05-2014 13:16

L'Europe souffre d'une crise profonde résultat d'une politique qui reposait sur l'endettement et l'argent facile. La reprise se fait très lente. Les déficits s'accumulent au niveau de tous les compartiments des économies. Le facteur le plus grave est relatif au chômage qui pousse à l'extrémisme idéologique et religieux. Les résultats des élections européennes en sont un signe de cette angoisse qui s'empare du citoyen. Pour la Tunisie dont l'économie est fortement liée à celle de l'Europe, les conséquences sont graves et le seront encore plus si la reprise ne se fait claire, forte et soutenue. Le regard à porter sur le Maghreb est certainement la solution aux problèmes de notre région. Mais à la lumière des évènements qui s'y déclarent et à la teneur des diplomaties déployées nous sommes loin de ce départ ou début d'intégration maghrébine. Le codéveloppement et la colocalisation sont une thérapie de longue haleine. Pour la Tunisie, il FAUT penser à relancer notre économie tout d'abord et les domaines de cette relance sont nombreux et multiples. Notre PME souffre d'une absence totale d'accompagnement financier et bancaire. Une refonte de la banque et du système de crédit pourraient certainement nous sortir de ce tunnel. Pour ma part je salue encore une fois si Rhadi pour ses idées toujours perspicaces.

sadokdriss - 30-05-2014 10:38

Les défis sont certes nombreux,et une réorientation des stratégies s'impose.En tout état de cause,et comme le disait Moncef Bercous,tailleur tunisien de talent,"l'avenir appartient à ceux qui voient bien et loin."En outre,Jacques Ellul,auteur de l'Ouvrage"La Technique,ou l'enjeu du siècle,"paru en 1954,disait:"Le Plan n'est pas la solution,mais l'instrument indispensable de toutes les solutions."

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