News - 20.03.2014

Vivement la loi sur les PPP

Bien pilotés dans une logique gagnant-gagnant entre le public et le privé et dans un cadre juridique approprié, les PPP permettront le développement économique tant attendu en Tunisie.

150 tunisiens, français et marocains se sont retrouvés samedi dernier pour échanger toute une matinée sur le Développement et les Partenariats Public – Privé à l’Ambassade de Tunisie en France.

Monsieur Adel Fekih, Ambassadeur de Tunisie à Paris et hôte de l’évènement a rappelé l’importance d’accélérer le développement économique de la Tunisie notamment en tournant la page des PPF (partenariats public famille) pour rédiger de nouvelles pages de l’histoire des PPP (partenariats public privé) en Tunisie dans une logique gagnant-gagnant pour le public comme pour le privé.

Monsieur Moncef Cheikh-Rouhou, professeur à HEC Paris et élu à l’Assemblée Nationale Constituante a insisté sur l’endettement excessif de la Tunisie et sur la nécessité d’innover dans les modes de financement d’une économie qui crée pour l’instant moins de valeur qu’elle n’en consomme. Pour cela, il est essentiel pour le développement harmonieux de la Tunisie de se doter d’une vision à court, moyen et long terme avec un programme planifié : portefeuille de projets prioritaires bien étudiés, chiffrés et rentables. Les PPP seraient alors une façon innovante de faire financer et faire réaliser au privé les projets que le secteur public ne peut ni financer ni réaliser lui-même dans les délais et la qualité de service exigés.

Malheureusement les PPP font encore l’objet d’une grande méfiance en Tunisie, étant perçus par certains comme une façon légale de dépouiller le patrimoine public et d’affaiblir l’état qui doit rester le garant des services publics. Pourtant les PPP ne sont pas nouveaux en Tunisie, le premier remontant déjà à quelques décades quand le président Bourguiba avait chargé Monsieur Moncef Cheikh-Rouhou jeune cadre dans l’équipe de Monsieur Mansour Moalla à l’époque Ministre de l’Economie et du Plan, de trouver un financement à zéro coût d’endettement pour l’assainissementet l’aménagement du Lac de Tunis, c’est à cette occasion que la BEST Bankpremière banque islamique en Tunisie, avait été créée.

Monsieur Olivier Dietsch, Président d’Alfanor et ancien Directeur Général au sein du Groupe Veolia avec une grande expérience des PPP à travers le monde a présenté sa définition la plus simple des PPP avant d’insister sur l’intérêt mutuel des partenaires:

  • Public qui est le donneur d’ordre, qui exprime le besoin et les exigences de résultat à produire ou de qualité de service à fournir et qui supervise la bonne marche du projet dans ses diverses phases de la construction jusqu’à la fin d’exploitation,
  • Privé qui doit disposer d’un savoir–faire éprouvé dans le domaine du projet et qui est en charge du financement et de la réalisation du projet (construction & exploitation).

5% des projets de construction dans le monde sont financés en PPP (curieusement les USA ne font pas appel aux PPP, ça fait partie de la culture américaine qu’un service public ne peut être fait par le privé de même que le public ne peut se mêler des activités réputées privées). L’expérience des groupes GDF Suez et Veolia au Maroc s’est articulée essentiellement autour des services d’eau, d’assainissement et d’électricité dans les grandes villes. Au-delà du service rendu dans les villes où ces partenaires privés opéraient, ces partenariats ont notamment créé une émulation des régies publiques dans d’autres villes et conduit à un nivellement par le haut des prestations.

Monsieur Dietsch a mis l'accent sur l’importance de la mise en concurrence et le dialogue compétitif avant d’engager un PPP et reconnait avoir connu des PPP accordés de gré à gré ce qu’il décommande largement vus les abus potentiels et a minima la perception négative que cela laisse dans l’opinion publique même dans les cas les plus pertinents.

Monsieur Ahmed Nakkouch – PDG de NAREVA Holding – s’étant excusé, à défaut de présenter de façon détaillée une success story marocaine dans les PPP (ce qui n’est que partie remise à une prochaine édition), nous avons bénéficié d’une success story palestinienne présentée par Monsieur Khaled Amri Directeur chez Ernst & Young en Jordanie et spécialiste des PPP. Il s’agit d’un projet de gestion d’une décharge municipale d’Almounia (partagée par les communes du sud de la Cisjordanie) avec des exigences environnementales fortes et des moyens financiers et un savoir-faire limités notamment dans les collectivités locales d’Hebron et de Bethlehem. Le financement a été effectué à hauteur de 30 M$ par la Banque Mondiale pour une capacité de traitement de 500 tonnes de déchets par jour. Un succès rendu possible grâce à un PPP bien conçu, bien financé, contrôlé et bien géré.

Madame Emna Kallel – Directrice Exécutive chez Axis Capital - a insisté pour sa part sur l’importance d’une bonne gouvernance côté Etat du programme PPP (portefeuille de projets PPP). Une bonne gouvernance des PPP au niveau de l’état passe nécessairement par:

  • un alignement des projets avec un plan stratégique PPP lui-même issu et en cohérence avec le plan stratégique de développement national (visions Tunisie 2020 – Tunisie 2030)
  • une entité PPP dotée des moyens (ressources humaines et financières, compétences appropriées et possibilité de faire appel à des experts de haut niveau pour être à la hauteur des vis-à-vis du privé et réussir à préserver les intérêts de l’état dans une négociation gagnant-gagnant), cette entité PPP devrait être rattachée si possible à la primature au regard de la transversalité des projets qu’elle est amenée à gérer, tout en échangeant avec les autres Ministères et les Régions ou Collectivités Locales pour ce qui les concerne.

Une table ronde a ensuite réuni les intervenants de la première partie de la matinée auxquels s’est joint Monsieur Aymen Koubaa Vice-Président Financement de Projets d’Infrastructures dans l’activité Banque d’Investissement à la Société Générale. Le dialogue entre experts et avec la salle a conclu dans le meilleur des cas à une indépendance de l’entité des PPP et a minima à un rattachement au parlement ou au gouvernement. En effet, la stratégie PPP étant à bien plus long terme que les 5 ans que dure le mandat d’un gouvernement, il ne faudrait pas que la gouvernance des PPP et l’équipe dédiée (stratégie et supervision des projets) changent au gré des nominations ou des alternances de gouvernements.

Monsieur Mohamed Salah Frad – Directeur Général de UGFS NorthAfrica – a notamment préconisé que le plan solaire tunisien fasse l’objet d’un PPP et qu’il était prêt à convaincre ses investisseurs à s’impliquer dans son financement si les conditions du succès et de maîtrise des risques sont réunies.
Monsieur BassimJaïHokimi – Président d’Atlamed société de capital investissement orientée PME et agissant essentiellement au Maroc – classe les PPP en 3 catégories de services:

  • services restant à vocation publique : l’état donne au privé une délégation de service publicpour une certaine durée avec l’intention de le reprendre à sa charge,
  • services ou secteurs dont l’état veut progressivement se désengager,
  • services ou secteurs pour lesquels l’état aide le privé à entreprendre davantage.
  • De l’expérience marocaine, Monsieur Bassim JaïHokimi retire 3 constats et/ou recommandations pour la réussite des projets PPP :
  • conduite d’un processus concurrentiel,
  • gestion de fonds discrétionnaire par l’état, avec des garde-fous de surveillance,
  • l’état comprend mieux le capital investissement et la complexité des projets.

Monsieur Bassim JaïHokimi voit dans l’éducation, la santé, l’aménagement des zones d’activités (industrielles, agricoles, de services…) un potentiel de développement à travers les PPP et conclut sur le fait que le premier gisement des PPP reste le marché public.

Madame ThourayaTriki Economiste Pays en Chef en charge du Maghreb à la Banque Africaine de Développement a avantageusement présenté la BAD et ses services puis cité quelques exemples de PPP réussis en Afrique avec le concours de la BAD avant de revenir sur sa coopération avec l’OCDE pour l’appui au Gouvernement Tunisien dans la mise en œuvre d’un cadre légal PPP.

Une table ronde a réuni les intervenants de la seconde partie de la matinée et permis un échange avec la salle avant une clôture par Monsieur NidhalOuerfelli qui a:

  • partagé ce qu’il a retenu des interventions de la matinée en faisant les rapprochements pertinents avec la vision du gouvernement
  • avant d’encourager les élus à examiner le projet de loi PPP en vue de le voter dans les meilleurs délais en espérant débloquer certains projets PPP en attente et accélérer le lancement d’autres projets PPP en cours d’étude.

La majorité des participants était enchantée de la richesse des échanges et les deux élus présents ont demandé que cette matinée se continue avec une journée à l’Assemblée Nationale pour en faire profiter leurs collègues de la commission de l’ANC en charge des PPP et aider à la finalisation, à la bonne compréhension et à l’approbation du projet de loi PPP dans sa version la plus aboutie.

Le programme des réjouissances s’est prolongé autour d’un buffet tunisien comme à la maison dans les salons d’honneur de l’Ambassade de Tunisie en France, grande maison que les tunisiens de Paris s’approprient de nouveau grâce à l’hospitalité de notre Ambassadeur et de son équipe que j’ai honneur et plaisir à remercier au nom de tous les participants pour ce moment de partage exceptionnel.

Mounir Beltaifa
Président CONECT France

 

Tags : ANC   CONECT   Economie   mansour moalla   Tunisie  
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3 Commentaires
Les Commentaires
Abdelaziz halleb - 20-03-2014 18:49

Attention, le projet de loi est boiteux. Il ne porte pas sur les PPP comme on le présente, mais plutôt sur "le contrat PPP" qui est "un cas français" et qui ne représente, même en France, qu'une partie des PPP. Si cette loi passe sous sa forme actuelle, on va bloquer beaucoup de formules intéressantes de PPP.

Rafaat Mrad Dali - 22-03-2014 07:31

Excellent compte-rendu. Je souhaitais simplement ajouter que le PPP a tout à s'enrichir par un renforcement de la décentralisation (responsabilisation), de la mutualisation des ressources humaines et matérielles (rationnalisation des coûts) et bien sûr, lorsque cela est possible, du cofinancement public-privé avec les collectivités territoriales (mettant à contribution, même minime, les régions et les villes. Un élément majeur pour réussir tout PPP : la confiance. C'est le moteur de l'investissement privé d'envergure avec l'effet d'entraînement bénéfique. Je rappelle que pour le projet du lac évoqué, surnommé à l 'époque le projet du siècle, pas moins de 10 banques nouvelles d'investissement (ramenant des capitaux importants) se sont installées en Tunisie durant les années 80 pour booster les investissements multiples : routiers, canal du cap bon, cimenteries, ports, hôpitaux, PMI, hôtellerie, universités, forages agricoles et cultures sous serres, PME, entreprises frontalières etc. Cheikh Salah El Kamel, un grand ami de la Tunisie, sollicité par le premier ministre de l'époque, n'avait pas hésité, lui aussi, à financer le projet du lac qui a généré comme on le sait des milliers d'emplois et participé à la croissance. La confiance était de mise.

Abdo Maalaoui - 24-03-2014 02:49

Je travaille dans la coopération internationale depuis 32 ans et je certifie que des milliers d'entreprises industrielles surtout des PME canadiennes seront intéressées à un partenariat PPP. Mais la culture d'affaires au Canada et tellement simple et efficace. Quand les dirigeants de ces PME canadiennes voient la montagne de paperasse à faire et les tournées de divers ministères et organismes publics et para-publics, ils préfèrent se concentrer sur les marchés naturels : USA, Amérique Latine et Caraïbes ... Pourtant ils sont intéressés au marché du Maghreb... Il faut créer un guichet unique PPP au sein de l'API, de l'APIA doté de ressources humaines qui l'esprit "intrapreneurial", compétentes et dynamiques qui a un mandat légal claire et précis pour avancer les dossiers... L'API et l'APIA ont une bonne expertise technique reconnue et éprouvée. Je ne vois pas la nécessite de multiplier les structures et alourdir la machine administrative... Autre chose aussi, il faut comprendre que la Tunisie qui a besoin de partenaires PPP et non les entreprises partenaires qu'elles soient tunisiennes ou étrangères .. le PPP n'est pas de l’aumône, c'est un mariage d'affaires équitable, durable et rentable pour les divers partenaires ... L'entreprise possède son savoir-faire et sa technologie, elle est crédible à tel point que les bailleurs de fonds sont prêts de l'appuyer ... Ce qui n'est pas le cas du partenaire gouvernemental ! Il faut que les responsables gouvernementaux et les hauts fonctionnaires comprennent la Culture PPP... Il ne faut pas oublier que tous les pays sont intéressés au PPP... ! C'est une très bonne opportunité pour la Tunisie, il suffit de trouver des fonctionnaires facilitateurs pour aider les PME à s'engager ... Je suis VP Coopération internationale de 17 entreprises canadiennes dont les actionnaires sont membres issus des Communautés Amérindiennes du Canada qui seront prêtes de participer à votre stratégie de PPP en Tunisie et au Maghreb ... Nous allons effectuer une Mission en Tunisie, en Algérie et au Maroc à partir du 1er mai 2014... S'il y a des organismes intéressés, nous sommes prêts parce que nous sommes des bâtisseurs et des entrepreneurs !!! Merci !

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