Sacré Tunisien!

En ces temps de sinistrose, la lecture du livre «Abdallah Ettounsi» de Adel Lahmar relève de l’antidépresseur. Un véritable régal d’humour fin. En 80 portraits express, l’auteur tente de restituer les multiples facettes du Tunisien moyen, avant et après la révolution. On retrouve alors le caractère malin, rusé, grand applaudisseur, toujours contre le pouvoir, consensuel, modéré, anglais, suisse, dragueur, khobziste, très famille, très indépendant, têtu, toujours dans les rangs, etc. Très versatile, mais aussi avec des constantes.

Le grand changement s’opère avec la révolution. On découvre alors un autre Tunisien : libre, « dégageur », au fait de tous les complots, lassé des débats télévisés, tenté de créer son propre parti, devenu international, ne comprenant rien, véritable opposant, ayant encore peur et, surtout heureux d’avoir attendu dans une longue file, un certain 23 Octobre…

Les textes sont courts, le verbe percutant et la description très précise, l’ensemble mariné dans un humour très fin. Journaliste, auteur d’ouvrages éducatifs, Adel Lahmar, fonctionnaire dans une organisation internationale, aligne une trentaine d’année d’expérience littéraire. Fin observateur de la société tunisienne, il promène sur plume bien affûtée sur l’humeur et le comportement du Tunisien.  Il pose cependant une question de taille : le mixage entre l’arabe littéraire et l’arabe dialectal. Les puristes y voient une hérésie. Mais, l’œuvre du grand romancier Béchir Khraief, auteur notamment de Barg Ellil, écrite de la même veine, avait déjà déblayé le terrain pour ce genre de styles. Dans cet exercice controversé, l’essentiel est de trouver la juste dose. Adel Lahmar y a réussi dans nombre de texte, avec brio. Un livre à lire avec un grand sourire aux lèvres.

Abdallah Ettounsi
De Adel Lahmar
Editions Nirvana, 184 pages, novembre 2013, 12 DT.