News - 13.07.2013

Quelle réforme fiscale: les constats et les recommandations

A un moment où certains partenaires de l’étranger ont abandonné la Tunisie dans l’attente de jours meilleurs, les différents agents économiques, entreprises et ménages doivent contribuer à l’effort national. La condition de la prospérité future de la Tunisie en dépend. Aujourd’hui, il est impératif d’engager une réforme de la législation fiscale à tous les niveaux en veillant à éviter le nivellement fiscal par le bas qui risque de priver l’Etat de ses ressources fiscales durables pour assurer le fonctionnement de ses services publics, relancer la croissance et contribuer à la réussite du nouveau contrat social exigé par les forces de la révolution.

Le problème aujourd’hui n’est ni de réduire ni d’augmenter les impôts, mais plutôt de les remettre à plat, de mieux les répartir, de les rendre plus simples, plus équitables et plus lisibles. En effet, le système fiscal tunisien est inadapté au contexte actuel, complexe, injuste, inefficace d’un point de vue économique et suscite la méfiance des citoyens plus que l’adhésion. Aujourd’hui peu d’entreprises paient l’impôt et l’impôt est mal accepté par les contribuables car il est communément admis que tout le monde ne s’acquitte pas de ses obligations de la même façon. Ce sentiment est largement partagé à tous les niveaux et tout particulièrement lorsqu’il s’agit de l’impôt sur les revenus. Il est indéniable aujourd’hui que les professions libérales, les commerçants, les intermédiaires, ainsi que tous ceux qui ont des revenus autres que les salaires ne supportent pas la même charge fiscale que les salariés. Un rééquilibrage est nécessaire.

Il est donc indispensable d’instituer une réforme orientée vers une justice fiscale, réclamée par l’ensemble de la société dont la réussite suscite une adhésion des différents agents économiques à l’impôt. Cette réforme devrait prendre en considération deux principes élémentaires: celui de l’équité au niveau du prélèvement à la source «à revenu égal, impôt égal», et celui de la progressivité, c’est-à-dire la mise en place d’un système où le taux effectif d’impôt serait réellement plus élevé pour les hauts revenus que pour ceux bas et moyens. Cette réforme devrait assurer une plus grande cohésion sociale déterminante pour la stabilité sociale et politique permettant aux chefs d’entreprise d’avoir de la visibilité sur le futur et de lancer les investissements nécessaires créateurs d’emplois et de bien-être social.

Pour cela, une plus grande pédagogie crédible devra rendre plus palpable, aux yeux des citoyens, la contrepartie de l’impôt pour la prospérité de la cité. La réforme fiscale ne peut être décidée entre experts mais doit être alimentée par une réflexion profonde et participative, pour que les citoyens puissent choisir souverainement et démocratiquement les ressources qu’ils souhaitent consacrer à leurs projets communs: emploi, formation, retraites, inégalités, santé, développement durable, etc.
Dans cet article, je présente une synthèse des constats se rapportant aux distorsions fiscales dont souffrent les contribuables et je propose ensuite un certain nombre d’orientations de réformes et recommandations à mettre en œuvre en urgence pour plus d’équité fiscale et pour promouvoir l’investissement.

Rappelons d’abords que l’économie tunisienne repose principalement sur une nébuleuse de microentreprises implantées essentiellement sur le littoral Est (près de 79% des entreprises). Selon les statistiques de l’INS, près de 98% de ces entreprises comptent moins de 10 employés et seules 0,3% des entreprises comptent plus de 100 employés. Il est encore plus fascinant de constater que près de 87% des entreprises sont des entreprises unipersonnelles. Les petites et microentreprises représentent ainsi la véritable épine dorsale de l’économie tunisienne et ont eu le mérite de s’adapter à un climat d’affaires contraignant, une fiscalité inappropriée et un secteur informel menaçant qui n’a cessé de se développer au cours des 20 dernières années. Aujourd’hui, les PME et les microentreprises sont le premier moteur de la prospérité et de la croissance économique et jouent un rôle clé dans la création des richesses dans le pays. Quelles étaient alors les principales contraintes au développement de ces entreprises et quelles seraient les réformes urgentes à entreprendre sur le plan fiscal pour assurer leur survie et relancer l’entrepreneuriat et l’investissement?

1er constat

L’entreprise tunisienne souffre de la concurrence déloyale du secteur informel

D’après une enquête de l’Institut d’économie quantitative , environ 60% des entreprises tunisiennes souffrent d’une forte prédominance de la concurrence déloyale exercée par la distribution sur le marché parallèle (secteur informel), l’évasion fiscale, l’évitement de la contribution à la Sécurité sociale, la contrefaçon et les pratiques anticoncurrentielles telles que les accords implicites, la discrimination entre clients et les ventes liées. En particulier, le secteur informel constitue une vraie menace pour l’économie.  Ce secteur englobe toutes les activités non organisées, à emploi précaire, à accès et sortie faciles et qui échappent au contrôle des administrations fiscales, commerciales et sociales. Ces activités sont de nature à fausser le jeu de la concurrence organisée et pénalisent les entreprises qui exercent en toute légalité et transparence. Au cours des vingt dernières années, ce fléau s’est propagé dans les circuits de distribution au consommateur final mais aussi dans les circuits organisés qui s’approvisionnent de plus en plus en produits importés auprès du secteur informel, favorisant ainsi la fraude fiscale. Ce fléau s’est amplifié depuis la révolution et ne cesse de se propager dans plusieurs activités et dans les différentes régions du pays. L’ampleur du phénomène et la complexité du problème du chômage ont conduit les pouvoirs publics à  la tolérance en optant pour un arbitrage au profit du « social » et au détriment de la rationalité.

2e constat

L’entreprise tunisienne souffre d’une injustice fiscale source de distorsions graves

(Régime forfaitaire versus régime réel)

En Tunisie, l’entreprise baigne dans un climat fiscal complexe qui englobe tout un éventail de taxes et impôts dont la lourdeur constitue une contrainte sérieuse à sa compétitivité. Précisons, par ailleurs, que le caractère discriminatoire du régime fiscal se traduit par une variation du taux  réel de la pression fiscale qui est assez lourd pour les entreprises qui supportent une charge fiscale et sociale conformément au droit commun et très réduit pour les contribuables qui bénéficient des privilèges fiscaux, particulièrement ceux éligibles au régime forfaitaire d’imposition. Les contribuables soumis au régime forfaitaire d’imposition ne contribuent que très faiblement à l’effort fiscal du pays et ne supportent pratiquement pas de charges sociales. L’impôt forfaitaire est fixé selon la nature de l’activité exercée et sur la base d’un taux de chiffre d’affaires (CA) annuel déclaré. Il est de 2% du CA pour les activités de commerce et de transformation et de 2,5% du CA pour les autres activités. Ce régime s’applique aux petites entreprises individuelles industrielles et commerciales qui remplissent un certain nombre de conditions, notamment la condition relative au chiffre d’affaires annuel plafond  (100.000 DT pour les activités de commerce et de transformation et de consommation sur place et 50.000 DT pour les activités de services). Mieux encore, ces contribuables ne sont pas assujettis à la TVA et sont dispensés de la tenue d’une comptabilité.

Le régime forfaitaire pose un problème d’équité même entre les forfaitaires les poussant à pratiquer les déclarations minimalistes du CA

Outre les distorsions fiscales causées par le cloisonnement entre le régime forfaitaire et le régime réel, le régime forfaitaire est source d’injustice entre les forfaitaires eux-mêmes. En effet, un forfaitaire qui déclare 50 000 DT de CA et qui réalise un taux de bénéfice de 30% paye la même somme que celui qui déclare le même chiffre d’affaires avec un taux de bénéfice de 10%, poussant ce dernier à pratiquer une déclaration minimaliste de son chiffre d’affaires. Le contribuable qui considère que le système fiscal est injuste se fait justice soi-même.

Une contribution dérisoire du régime forfaitaire aux recettes fiscales

Ce régime constitue une véritable échappatoire à la fiscalité réelle et  attire de façon spectaculaire un nombre de plus en plus important de contribuables. Aujourd’hui, cette catégorie de contribuables est non seulement dominante mais elle comprend un nombre important de faux forfaitaires attirés par les avantages de ce régime. Il est à noter que ces distorsions ont engendré une explosion du nombre des forfaitaires de 140 000 en 1989 à plus de 375 000 en 2010 et à 39 4976 forfaitaires en 2012, soit près de 61% des 644 248 contribuables (tableau 1), alors qu’ils ne contribuent qu’à hauteur de 0,21% de l’ensemble des recettes fiscales.

Tableau 1: Répartition des forfaitaires par activité (2012)

Activités Nombre de forfaitaires %
Commerce de détail 189 588 48%
Produits alimentaires 104 274 26%
 Autres produits  85 315  22%
 Services  205 388  52%
 Transport (personnes et marchandises)  82 155  21%
 Mécanique générale  20 539  5%
 Café -restauration rapide  41 078  10%
 Coiffure  20 539  5%
 Autres  41 078  10%
 Total  394 976  100%

Ministère des Finances

En effet, la non-tenue de comptabilité par les forfaitaires et l’absence de structure de contrôle efficace ont favorisé les déclarations minimalistes du chiffre d’affaires: la part des forfaitaires dans le CA déclaré de tous les contribuables, tous  régimes confondus, ne dépasse pas 1% avec un CA moyen de 4 224 DT/an, soit un CA mensuel de 352 DT (Tableau 2). Précisons qu’en 2011, près de 60% des forfaitaires ont déclaré moins de 3 000 dinars de CA annuel, soit moins de 250 dinars /mois et près de 93% ont déclaré moins de 10 000 DT de CA annuel.

Ainsi, même si ce régime cible des contribuables réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 30 000 DT (révisé dans la loi de finances de 2011 à moins de 50 000 DT ou de 100 000 DT selon l’activité), la réalité montre que la majorité pratique la sous-déclaration. Ces pratiques se traduisent par une contribution dérisoire au titre de l’impôt sur le revenu puisque la contribution moyenne s’élève à 92 DT/an. Il est clair qu’une grande majorité continue de profiter par tous les moyens du régime forfaitaire alors qu’elle devrait être soumise au régime de droit commun.

Tableau 2: Typologie des forfaitaires par tranche de CA (2011)
 

Tranche de CA en DT % Forfaitaires % CA CA Moyen en DT %Contribution Impôt Contribution Moyenne en DT
Déclaration nulle du CA 15% 0% 0 0% 0
0 – 3 000 DT 45% 21% 2007 34% 70
3 001 – 5 000 DT 18% 18% 4188 16% 82
5 001 – 10 000 DT 15% 25% 7108 21%  130
Plus de 10 000 DT 7% 35% 21502 29% 385
Total 100% 100% 4224 100% 92

Ministère des Finances

Précisons aussi qu’en termes de contribution à l’impôt direct, la part des forfaitaires est de loin très faible par rapport à celle du régime réel et encore très loin par rapport à la part de l’impôt prélevé sur les salaires par le système de la retenue à la source . En somme, ce sont les salariés dont le revenu est soumis à la retenue à la source ainsi que les entreprises soumises au régime réel qui supportent l’essentiel de la charge fiscale au titre des impôts directs.  Aujourd’hui, près de 80% des impôts sur les revenus sont prélevés sur les salariés.

L’explosion du nombre de forfaitaires va de pair avec la baisse du poids des impôts indirects dans les recettes fiscales

L’analyse de la structure des recettes fiscales en Tunisie montre un accroissement de la part des impôts directs (IS et IR) au détriment de l’impôt indirect (TVA, DD, TC) qui s’explique en partie par la baisse de la part des droits de douane due aux démantèlements tarifaires consécutifs à l’adhésion de la Tunisie à l’OMC et la mise en œuvre de l’accord d’association avec l’Union européenne. Mais cette baisse de la part des impôts indirects pourrait s’expliquer aussi par la contribution relativement faible des assujettis à la TVA dont la part est restée relativement stable sur les dix dernières années même si leur poids relatif dans le total des contribuables a légèrement augmenté. Le poids de l’imposition indirecte, en particulier de la TVA, reste relativement faible en Tunisie et s’explique en partie par le développement spectaculaire du secteur informel qui échappe au circuit fiscal. Par ailleurs, le développement des activités des forfaitaires non assujettis à la TVA (près de 61% des contribuables en 2012) ainsi que certaines activités spécifiques exonérées de la TVA, comme l’agriculture, la pêche, et certaines activités de commerce de détail, justifient aussi cette tendance baissière du poids de l’imposition indirecte dans les recettes fiscales.

3e constat

Le taux de l’IS est contraignant au développement de la PME

En Tunisie, le taux de la pression fiscale s’élève à 20,1% du PIB, un taux qui, avec les charges sociales, aboutit à une part de prélèvements obligatoires située autour de 30% du PIB. A première vue, ce taux rassure : il est comparable à celui des Etats-Unis (28%) et du Japon (27%) et en deçà du taux de prélèvements obligatoires français proche de 42%. Cependant, s’il est vrai que ce taux est comparativement raisonnable, il n’en reste pas moins vrai qu’il n’est plus compétitif. En effet, en matière d’impôt sur les sociétés et en dépit de la réduction du taux de l’IS à 30%7, ce taux demeure assez lourd et peu compétitif par rapport aux taux de l’IS pratiqué dans la majorité des systèmes fiscaux. Même dans les systèmes fiscaux où le taux de l’IS est proche de celui  de la Tunisie, les PME bénéficient d’un taux réduit. Il en est ainsi en France où le taux de l’IS de 33,33% est ramené à 15% pour les PME.  Au  Royaume-Uni et au Portugal, les taux institués au profit des PME sont respectivement de 10% et 20%. Soulignons toutefois que les régimes fiscaux simplifiés pour les PME ont  tendance à induire des distorsions supplémentaires dans la mesure où ils sont souvent basés sur le chiffre d’affaires, ce qui décourage les entreprises de se développer au-delà du seuil d’entrée dans le régime fiscal normal.

4e constat

Des ponctions fiscales qui étouffent la trésorerie de l’entreprise

Outre les divers prélèvements fiscaux et parafiscaux estimés à 30% du PIB, l’entreprise est soumise à un certain nombre d’obligations fiscales qui affectent considérablement sa trésorerie et par conséquent sa compétitivité. Ces charges se résument dans le tableau suivant : 

1.
Les acomptes provisionnels et les avances: les acomptes provisionnels (90% de l’impôt de l’exercice de l’année précédente) et les avances dues sur les produits de consommation importés représentent un surcoût qui pèse lourd sur la trésorerie de l’entreprise, surtout en période de récession.

2. La charge de la retenue à la source (RS): la RS est un fardeau qui pèse lourdement sur la trésorerie de la PME. Elle se traduit souvent par un renchérissement des produits et services et donc par une moindre compétitivité.

3. La problématique de la restitution du crédit d’impôt: l’entreprise est confrontée à des difficultés sérieuses lors de la restitution de l’impôt versé en trop.

5e constat

Allégements fiscaux discriminants sans aucune évaluation et aucune étude d’impact

Il est important de préciser que les incitations fiscales peuvent jouer un rôle transitoire, voire structurel, pour relancer l’investissement en cas de crise mais ne constituent pas toujours le moteur de la croissance de l’investissement privé. En Tunisie, le système fiscal prévoit  beaucoup de privilèges et d’allégements fiscaux pour un grand nombre de contribuables mais sans aucun suivi et aucune étude d’impact. Le coût des incitations fiscales aux investissements a presque triplé entre 2005 et 2010, passant de 0,75 à 2,2 % du PIB. Cette augmentation a bénéficié surtout aux exportateurs, pour qui la dépense fiscale est passée de 0,65 à 2 % du PIB, alors que la part des exportations dans le PIB a peu évolué. Cela suggère que les pertes indirectes dues aux incitations fiscales (en termes de fraude et d’optimisation fiscale) deviennent de plus en plus difficiles à contrôler et que le cadre incitatif est aujourd’hui plus inefficace qu’il ne l’était en 2005. La nouvelle politique fiscale devrait mettre en place un système de suivi et d’évaluation périodiques des privilèges fiscaux et de leur impact sur la croissance, la compétitivité et l’emploi.

Toutefois, il  est clair que, dans un contexte de rigidités structurelles et de climat d’affaires contraignant, les incitations fiscales pourraient être neutralisées par les anticipations méfiantes de l’entrepreneur ayant une aversion pour le risque. Aussi les incitations fiscales pourraient-elles convertir certains investisseurs opportunistes, « chasseurs de primes et d’avantages fiscaux » vers certaines niches sans pour autant réussir à développer efficacement l’activité en question. Ces distorsions pourraient se faire au détriment d’autres activités plus prometteuses, non concernées par les incitations fiscales. Dans le contexte tunisien, surtout en cette période de crise post-révolution, il semble que les facteurs les plus incitatifs au développement stable des investissements sont la stabilité macroéconomique qui requièrent avant tout une stabilité politique, une meilleure gouvernance, plus de transparence et un climat des affaires sain sans entraves à la concurrence.

Orientations de réformes

I. Réduire les distorsions fiscales causées par le régime forfaitaire et le secteur informel

Le nombre important des forfaitaires et le développement spectaculaire du marché parallèle ne nuisent pas seulement aux finances publiques mais constituent aussi un véritable danger pour l’économie organisée. En particulier, le nombre démesuré des forfaitaires constitue, avec leur faible contribution au titre des prélèvements obligatoires (sous-déclaration des revenus,  non assujettis TVA), une source de concurrence déloyale qui pénalise la compétitivité des entreprises fiscalement honnêtes. Les orientations de réformes devraient porter sur:

• La limitation à l’extrême du régime forfaitaire aux seuls petits exploitants exerçant dans certaines zones et quartiers populaires tout en révisant les taux d’imposition du chiffre d’affaires, les moyens de contrôle et les conditions d’éligibilité.

• La mise en place d’un dispositif bien rodé pour traquer les faux forfaitaires et les convertir vers le régime réel PME-PMI à taux réduit et ce afin de ne pas compromettre leur rôle dans la création, si réduite en moyenne soit-elle, d’emplois. Une analyse fine et approfondie des fichiers de l’administration fiscale permettrait dans un premier temps de cibler, a priori, les faux forfaitaires. Dans un second  temps, et suite à un audit approfondi, il s’agit de procéder à la conversion graduelle de ces contribuables vers le régime réel. Certes la conversion des forfaitaires nécessite la mise à disposition de l’administration fiscale des ressources humaines et logistiques  nécessaires et suppose ainsi l’allocation d’un budget exceptionnel. Toutefois, ces dépenses permettraient à moyen-long terme d’augmenter les recettes fiscales durables, et ce, par l’élargissement du spectre des contribuables.

• L’encadrement du secteur informel pour initier sa transition vers l’hébergement dans le secteur structuré, et ce, par la création d’un Régime de forfait fiscal symbolique (FFS) en contrepartie de la prise en charge par l’Etat d’une partie des dépenses d’aménagement des zones dédiées pour accueillir les commerçants exerçant dans l’informel. Cet effort de conversion nécessiterait des campagnes de communication sur le nouveau programme d’organisation des activités informelles, la nouvelle législation, les conditions d’éligibilité, les avantages de la fiscalité forfaitaire symbolique, etc. Pour augmenter les chances de réussite du programme, il faudrait commencer par réhabiliter une zone pilote regroupant des activités diversifiées (des espaces de petits commerces, de restauration rapide, de loisirs, d’alimentation, etc.).

Il s’agit également d’améliorer la lisibilité du système fiscal. Une lisibilité qui passe certes par des mesures de simplification mais aussi par une meilleure perception du lien qui unit, lorsque c’est possible, un impôt à sa fonction. Les prélèvements ne seront compris et acceptés que s’ils sont également considérés comme justes et ne se révèlent pas comme un obstacle dirimant en termes de compétitivité globale de l’économie. Tout système présentant des injustices conduirait le contribuable à chercher à se faire justice soi-même en se retranchant dans des activités occultes.

II. Alléger l’IS et les ponctions fiscales qui étouffent la trésorerie de l’entreprise

Comme déjà mentionné, la croissance économique est tirée essentiellement par les activités des PME et microentreprises qui représentent la véritable épine dorsale de l’économie tunisienne. La fiscalité devrait donc être adaptée pour promouvoir le développement des PME dans l’objectif de créer à moyen-long terme des champions de plus grandes tailles capables de se positionner sur le marché international. Les orientations de réformes devraient porter sur:
• La mise en place d’un régime fiscal propre aux PME et PMI: la soumission des entreprises industrielles à un taux de l’IS plus réduit que le taux en vigueur (entre 10%et 15%) couplée avec la conversion des faux forfaitaires vers le régime réel devrait relancer les investissements privés sans pour autant priver l’Etat de ses ressources fiscales.

• Si les retenues à la source sont indispensables pour un meilleur rendement de l’impôt et pour plus de facilité dans le contrôle fiscal, leurs taux relativement élevés peuvent aboutir au transfert de la charge fiscale sur l’entreprise, surtout en période de crise et de manque de compétitivité. Ainsi, l’une des orientations futures seraient de revoir à la baisse les taux de la retenue à la source.

• Tenir compte de la conjoncture lors de la liquidation des acomptes provisionnels au titre de l’IS en réduisant le taux de l’acompte à un niveau inférieur à celui en vigueur de 90%,  jugé trop élevé par les entreprises.

• Réviser à la baisse l’avance due au titre de l’importation de certains produits de consommation qui se traduit par «un crédit chronique d’impôt » dont la restitution est souvent problématique.

• Facilitation des procédures de restitution du crédit d’impôt et sa généralisation pour les petites entreprises, même celles dont la comptabilité n’est pas soumise légalement à un commissaire aux comptes.

Effets attendus des réformes

La conversion d’une partie des forfaitaires vers le régime réel et l’organisation progressive des activités informelles permettraient de:

• Augmenter les recettes fiscales durables de l’Etat (impôts directs et indirects).

• Créer des emplois dans le secteur des services juridiques et de comptabilité qui fourniront leurs prestations aux nouveaux contribuables convertis du régime forfaitaire vers le régime réel.

• Créer des emplois dans l’administration fiscale

La baisse du taux de l’IS se traduit à court terme par un rétrécissement des recette fiscales de l’Etat compensé en partie par le supplément de recettes provenant des forfaitaires convertis vers le régime réel. A moyen-long terme, la baisse de l’IS contribue au développement de la PME et à la relance de l’investissement et de la croissance, ce qui générerait plus de recettes à l’administration fiscale. 

Précisons qu’une analyse approfondie des fichiers de l’administration fiscale permettrait de simuler convenablement l’impact attendu de ces réformes, en particulier la réduction de la fiscalité PME-PMI en même temps que l’élargissement du spectre des contribuables à l’IS suite à la conversion des faux forfaitaires vers le régime réel.

Les simulations apporteront une réponse sur l’opportunité des réformes et leur impact sur la durabilité des recettes fiscales tout en prenant en considération les coûts de leur mise en œuvre (coûts logistiques, moyens humains, etc.).  Une analyse approfondie sur la base de simulations devrait apporter plus de visibilité sur l’impact des différentes options de réformes fiscales.

M.E.E.
Association IDEES
(Initiative pour le Développement
Economique et Social)




 

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2 Commentaires
Les Commentaires
rkossai - 15-07-2013 07:48

Malheureusement rien ne va en Tunisie? vous décrivez bien une réforme fiscale, vous êtes bien gentille, mais vous ignorez que les carottes sont cuites pour la Tunisie à l'échelle micro et macroéconomique. Avez-vous une solution pour nous débarrasser de l'hégémonie de l'internationale hégémonie des frères musulmans!!! Nous sommes envahis par les hommes de "la pire des espèces" dit-on à Katar et en Arabie Saoudite. Que disent les américains et les européens! Rien ne va plus Monsieur MEE avec mes respects.

bouzaiane Mohamed - 15-07-2013 11:19

bien que le tableau n°2 est faux, l'incitation à l’équilibre de la justice sociale par le FISC est une des bonnes solutions. En effet il est à faire admettre à tous les citoyens que l'agent remise au fisc est une participation au développement intégral du pays. que ce développement est placé entre des mains propres et bien intentionnée . Or, fatigué par l'environnement médiatique, le citoyen croit peu à la crédibilité des personnes qui gèrent son argent. Ce manque de confiance doit être progressivement enlevé par des résultats tangibles sur le terrain.La concurrence déloyales, la non chalance, l'abus de pouvoir et la corruption soupçonnée dans certaines administrations publiques ont rendu sceptique tout acte participatif et spontané de plusieurs citoyens. Le sens de l'égo de plus en plus développé chez les tunisiens (voir la relation sociale sur nos routes)mérite un travail particulier non politisé. La déchirure sociale provoquée par la multiplication des divergences des partis politique dont le simple citoyen n'est pas encore habitué a rendu plus difficile l’instauration de confiances mutuelles. Un travail de fond à entamer pour que tous les tunisiens participent équitablement.

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