Lu pour vous - 27.04.2013

Dalila Ben Mbarek Msaddek: L'avocate qui prendrait les armes…

Un livre ? Peut-être. Un vrai reportage? Sûrement. Un excellent scénario de film? Sans doute! Dalila Ben Mbarek Msaddek nous livre un témoignage exceptionnel des deux premières années de la révolution. Son récit trouve toute sa particularité dans le retour sur l’enfance et la construction de sa personnalité.

Fille d’Azzedine Hazgui, l’un des premiers militants de gauche emprisonné par Bourguiba dans les années soixante, devenue avocate et perpétuant avec son frère Jawhar la tradition militante familiale, elle nous fait revivre le parcours de cette jeunesse en rupture, mais aussi ambitieuse. Dès l’âge de 3 ans, elle partait de Sfax avec  sa maman rendre visite au père à Borj Erroumi, sur les hauteurs de Bizerte. Le souvenir est inoubliable.

L’évocation qu’elle fait de Sfax, de sa famille, des premiers jeunes engagés dans la gauche nous renvoie aux origines de la résistance, au lendemain de l’indépendance, contre le despotisme et pour les libertés. Si elle ne s’attarde pas sur les compagnons de son père: Aziz Krichen, Hatem Zeghal, Ridha et Mongi Ellouze, Nouri Bouzid, et autres Fethi Mseddi, elle dépeint avec talent la fouge militante qui animait cette jeunesse.

Etudiante en droit à Tunis, c’est naturellement Papy Gilbert Naccache, le compagnon de bagne de son père, qui la chaperonnera. Pendant très longtemps d’ailleurs jusqu’aux divergences d’analyses après la révolution. Dès ses premiers jours à la faculté, elle subira, pour sa jupe un peu étroite, l’admonestation d’un puritain qui sera par la suite constituant et même, à titre éphémère, conseiller à Carthage. Et c’est parti pour elle. Dalila décroche un poste d’assistante, se marie et mettra au monde sa première fille, mais son mariage échoue. Son père s’oppose au divorce. Avec sa fille, elle se réfugie chez Papy, puis se décide d’aller habiter à La Marsa, quitte à se retrouver dans un minuscule studio qui engloutit la moitié de son salaire de 400 D. Une nourrice lui en prendra 100 et il ne lui restera presque rien de quoi subvenir à ses besoins. Mais elle tient à La Marsa qui finira par lui réussir. N’y est-elle pas aujourd’hui  établie en avocate de renom, traitant de grandes affaires ,immobilières notamment. Son combat de femme se poursuivra. Elle se remariera et aura deux autres filles. Mais son vrai combat, c’est dans la société civile qu’elle le livre.

Pendant les dernières années de Ben Ali, attachée à promouvoir sa carrière professionnelle et garantir l’avenir de ses filles, Dalila s’était tenue à l’écart du militantisme, ne revendiquant pas de faits d’armes particuliers, juste quelques contributions de soutien. Mais, dès fin 2010, elle ne pouvait rester sans se joindre à ses confrères et participer à la lutte finale. Son récit de l’épouvantable nuit vécue avec sa fille aînée le 14 janvier 2011, dans un petit appartement du centre-ville de Tunis où elles ont trouvé refuge avec d’autres manifestants poursuivis par la police est haletant. Le pli est pris. Elle sera alors de tous les combats : Kasbah 1 et la suite, participant activement au lancement du «réseau Destourna (Notre Constitution), premier mouvement associatif en Tunisie à fédérer des citoyens partout dans le pays pour participer à la rédaction de la Loi fondamentale». Ses économies y passent, son temps aussi, ce qui fait tanguer sa petite famille.

Dalila Ben Mbarek Msaddek  nous replonge alors dans les moments forts de la révolution: «la force des simples citoyens», «le péril islamiste», «les femmes en première ligne», «la guerre de l’information» et «le big-bang de la société civile». Tout au long de ce récit fort évocateur et soigneusement écrit à quatre mains avec Valérie Urman, talentueuse journaliste du Parisien et de France Soir, s’entrecroisent plusieurs combats, à des époques successives. Ceux de la fille du militant emprisonné, de la jeune étudiante ambitieuse, de la mère qui élève seule son enfant, de l’avocate déterminée et de la militante que plus rien n’arrêtera. Elle prendrait les armes s’il le faut… Très agréable à lire.

Je prendrai les armes s’il le faut…
de Dalila Ben Mbarek Msaddek avec Valérie Urman
Presses de la Renaissance, Paris, janvier 2013, 272 p. 29 DT
 

Vous aimez cet article ? partagez-le avec vos amis ! Abonnez-vous
commenter cet article
2 Commentaires
Les Commentaires
moncef z - 02-05-2013 15:55

Juste une petite rectification, le pere ezzeddine a ete emprisonne en 1974 et non comme dit ici#dans les annees 60#, ce qui ne change rien a son profil de militant contre la dictature

Maryam Brodowski - 14-05-2013 21:39

Agréable à lire? Ne me semble pas le terme adéquat pour parler de ce livre... Je pense d'après le résumé fait qu'il mérite un mot beaucoup plus fort

X

Fly-out sidebar

This is an optional, fully widgetized sidebar. Show your latest posts, comments, etc. As is the rest of the menu, the sidebar too is fully color customizable.