Opinions - 08.01.2013

Quand l'ANC devient le refuge des ci-devant et des réactionnaires

Ce qui s’est passé dans notre auguste Constituante lors des discussions budgétaires tourne carrément à la farce, une farce de très mauvais goût. Passe que l’on y assiste depuis des mois à des spectacles affligeants de chamaillerie ridicule et d’obstruction systématique à toute avancée réelle sur le chemin de la rénovation. Passe encore que les membres de l’ANC s’octroient des avantages matériels sans commune mesure avec les réalités socioéconomiques. Passe encore  que l’ANC étale aux yeux du monde un si haut degré de vulgarité, d’irresponsabilité et d’incompétence. Tout ça est devenu banal et triste à mourir. Mais ce qui vient de s’y passer dernièrement montre  avec éclat que l’ANC est devenue, en plus, un nid de  contre-révolutionnaires patentés. En effet, l’ANC a pris la décision de refuser à son propre gouvernement la levée du secret bancaire et ce pour la seconde fois dans son histoire.


Cette affaire est symbolique à plus d’un titre. Elle montre d’abord que l’ANC est peu en phase avec le gouvernement qu’elle a adoubé pourtant. Vous me direz que c’est son droit de recaler le gouvernement sur tel ou tel point, sauf que l’on ne peut pas contredire le gouvernement sur une disposition aussi capitale pour la transparence fiscale et les finances publiques. Le gouvernement a fait son devoir, sur ce point du moins, puisqu’il est arrivé à la conclusion  que l’on ne peut pas exiger de l’administration fiscale qu’elle fasse son travail en lui refusant le seul moyen de vérifier l’état réel du patrimoine et des revenus de tout un chacun. Elle montre ensuite que c’est l’ANC qui  s’institue en défenseur du vol et de l’iniquité fiscale. Autrement dit, c’est l’ANC qui est devenue le principal foyer de réaction  dans notre pays et la source de blocage à toute réalisation des objectifs fondamentaux de la révolution tunisienne.

Vous me direz pourquoi insister sur cet aspect de la politique économique et financière du pays alors que toute la politique de la troïka est à condamner. Pourquoi faire ressortir du lot une décision qui reste méconnue ou insignifiante pour beaucoup de nos concitoyens ? J’ai eu l’occasion d’écrire et de démontrer que sans réforme fiscale, rien, absolument rien ne peut changer dans notre pays. J’ai aussi eu l’occasion de montrer qu’en matière fiscale, il ne s’agit pas simplement d’équité, encore que l’équité compte considérablement  sur le plan politique et psychologique. Le fond de la question est essentiellement économique et donc social. Dans le cas d’une fuite   fiscale systématique et avérée de la part des gros revenus, ce qui est le cas, l’Etat « compense » le manque à gagner par l’alourdissement des impôts indirects frappant aveuglement l’ensemble des revenus, les plus modestes tout particulièrement, ou bien encore par l’endettement public ou  par l’amoindrissement des dépenses d’investissement ainsi que par une taxation disproportionnée des vrais  « producteurs » de richesse.  Dans un cas comme dans l’autre, ce sont les revenus moyens et modestes (les salariés et retraités à 75%), la production et l’emploi qui en souffrent le plus.

Se pose alors une question  fondamentale: pourquoi  fallait-il instaurer la levée du secret bancaire. De l’avis général, l’administration fiscale ne peut évaluer correctement l’assiette fiscale d’un contribuable si elle n’a pas accès le cas échéant à ses comptes bancaires. Ce n’est pas d’une inquisition fiscale qu’il s’agit en l’occurrence, mais du simple bon sens.  Tous les pays modernes, les USA, les pays de l’Europe et même du G20 exigent ou appliquent une telle disposition. De l’avis général aussi, le blanchiment de l’argent sale devient problématique dans un pays où le secret bancaire est levé. Certains défenseurs du secret bancaire m’objecteront que sans ce secret, le pays coure le risque d’une fuite de capitaux doublée d’une désaffection des IDE, les investissements directs étrangers. Rien n’est plus faux. Posez la question aux investisseurs étrangers et ils vous répondront, au contraire, que le manque de transparence fiscale a constitué jusqu’ici plus un handicap qu’à un avantage pour la Tunisie. Quant aux « nationaux » désireux d’exercer un chantage sur leurs concitoyens, la dissimulation ou le départ, il est temps peut être de leur répondre, résolument, que la Tunisie vaut bien un sacrifice, si sacrifice il y a puisque payer ses impôts n’est ni plus ni moins qu’un devoir civique élémentaire et non un sacrifice.

   
D’habitude, les représentations nationales sont en avance en matière fiscale par rapport aux gouvernements. Mais dans notre cas, c’est plutôt le contraire. Rien n’est plus normal en fait pour une assemblée où les  accaparateurs et les inconscients sont légion.

 

Habib Touhami

Tags : ANC   Habib Touhami   Tunisie  
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4 Commentaires
Les Commentaires
béchir bouhlel - 08-01-2013 16:33

La Gouvernance et l'animation de la vie politique doivent être assurées par une autre génération d'hommes et de femmes dignes et d'un niveau national. Notre pays est pris d'assaut par des opportunistes et des incompétents. Il faut réagir et mobiliser les forces vives pour chasser ces groupuscules inconscients.

hafsa khaled - 09-01-2013 09:04

L'assemblée constitutionnelle montre jour après jour qu'elle est une foire d'eompoigne .Un "péché"à l'origine de ce ricule est la tranmission en direct des débats oèu les intervenents profitent pour étaler leurs savoir-faire cacophoniques échauffant les esprits et le sens de violence de l'auditoire et en particulier de la jeunesse.Personne ne peut reprocher aux élus d'être différents mais nous exigeons la différence constructrice et non destructructrice.S'opposer à tout est la politique des"médiocres"

ally oueslati - 09-01-2013 12:33

Je suis absolument d'accord avec vous. Et je vais plus loin, il ne faut pas attendre l'aval de l'ANC. Il doit exister une possibilité pour que le président de la république exerce son pouvoir et impose cette loi. C'est légitime car tout ce monde de la politique n'accepterait une telle loi. Vous pouvez deviner facilement pourquoi ?. Surtout que presque tout es politiciens sont des avocats et ces gens là sont réputés ne pas payer leurs impôts . Ajoutons à cela ; wa allahou aalem, ce qu'on pourrait récupérer, d'ici et de là, de son statut de politicien. Il ne faut pas attendre l'aval de ces gens que le peuple après avoir "élus" désavoue. En année ils ont environ 4 à 5 augmentations ; dit on ! . Qui a eu cette chance !! L'absentéisme , les soi-disant discussions stériles et sans fondement prouvent qu'ils veulent éterniser la durée de l'ANC

Mustapha STAMBOULI - 10-01-2013 14:36

Une indignation compréhensible mais le disfonctionnement fiscal ne peut pas cacher le risque de l’effritement de l’Etat par l’absence d’une constitution et d’une feuille de route claire. La priorité des priorités est le sauvetage urgent des finances publiques par la réduction du train de vie de l’Etat, la réorientation des fonds de la Caisse de Compensation vers les plus démunis et l’investissement productif de la richesse et l’arrêt-annulation du remboursement de la dette odieuse contractée par le régime illégal de ZABA. Tous les Etats et institutions internationales ayant emprunté à Ben Ali doivent recourir au recouvrement de leurs dettes en s’adressant directement à ce dernier et sa mafia.

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