Opinions - 31.12.2012

Le peuple tunisien mérite mieux

Depuis le Révolution du 14 janvier 2011, le peuple tunisien passe  de déception en déception. Les jeunes qui ont chassé le pouvoir dictatorial et corrompu de l’ancien régime se trouvent toujours en chômage et ne voient pas encore le bout du tunnel. Les familles des martyrs ne sont toujours pas compensées. Les symboles du régime dictatorial ne sont qu’à peine inquiétés. Les régions déshéritées le sont encore et même le sont davantage. Les pauvres s’appauvrissent toujours plus. On assiste même à des coupures d’eau et d’électricité en pleine canicule. On importe de la viande et du lait alors qu’on parle de croissance de la production agricole. Les prix à la consommation, surtout ceux des biens alimentaires,  sont en hausse vertigineuse. Le bassin minier est en déconfiture. Les banques sont exsangues de liquidités et croupissent sous le poids de crédits irrécouvrables. Comme si cela n’est pas suffisant, le spectre de la violence et des dérives sécuritaires devient de plus en plus menaçant.

C’est le spectacle désolant de notre pays en cette fin de 2012. Alors que tous les espoirs étaient permis début 2011, la classe politique dirigeante a trouvé le moyen de les ruiner. L’opposition actuelle qui était au pouvoir en 2011 n’avait pas fait grand-chose. Le produit intérieur brut (PIB) a enregistré une récession de 1,8%. Aucun investissement d’envergure n’a été lancé. Bien au contraire, les vannes d’une bulle monétaire ont été ouvertes sans mesure pour lancer une inflation galopante qui est, soulignons-le, une taxe des plus lourdes sur les catégories pauvres de la population. Le déficit commercial s’est aggravé et le secteur touristique s’est écroulé.

On parle d’une croissance du PIB de 2-3% en 2012.  Pour les deux années de la Révolution, le taux moyen de croissance aura été au mieux de 1%, ce qui est désastreux. L’endettement extérieur s’est aggravé sans que cela ne corresponde à un accroissement des investissements, c'est-à-dire, à la création de richesses futures qui servirait au renforcement de la capacité du pays à servir ses dettes à l’avenir. Ajouté à ce manque d’investissement, malgré les besoins colossaux en infrastructure ferroviaire, routière, énergétique et ceux en développement rural, le gonflement des dépenses qui subventionnent la consommation privée. Une Caisse générale de compensation qui pèse fortement sur le budget de l’Etat  et qui profite en partie aux touristes et à la contrebande. Avec des recettes budgétaires limitées et l’accroissement de la consommation de l’Etat, les déficits budgétaires se creusent. A ces déficits, on devrait prévoir les ardoises que pourraient laisser les caisses de sécurité sociale et de retraite.

En 2011, la seule réalisation notable a été l’organisation des premières élections libres et transparentes dans l’histoire de notre pays. Mais le crédit en revient à Yadh Ben Achour et la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la Révolution ainsi qu’à Kemal Jendoubi et l’Instance Supérieure indépendante pour les élections et non au gouvernement de l’époque. En 2012, l’Assemblée constituante a mis toute l’année pour produire un premier de jet de constitution. Sans aller jusqu’à faire comme en Egypte où la constitution a été préparée en une nuit, on aurait pu avoir notre nouvelle constitution en six mois, avec des élections présidentielles et législatives en octobre- décembre 2012.

Malheureusement, on a perdu beaucoup de temps dans cette phase transitoire et l’année 2013 sera celle des joutes électorales. Trois ans seront passés en l’absence d’un plan national de redressement de notre économie, rongée par un chômage de plus en plus inacceptable. Imaginez la perte absurde potentielle provoquée par une telle masse de travail gaspillée parce que nos dirigeants n’arrivent pas à mettre en œuvre les investissements nécessaires pour son emploi productif. Même si l’héritage laissé par l’ancien régime a été lourd avec la dichotomie de l’économie tunisienne et les disparités entre les revenus et les régions, on aurait pu lancer un plan de redressement de trois ans 2011-2013, appuyé par les organisations internationales de financement et profiter des dividendes de la Révolution. Maintenant, cela est un peu tard. Il y a même, ce qui est encore plus grave, un problème de crédibilité à l’intérieur comme à l’extérieur.

Dans les années 1950, notre pays était au même niveau de développement que la Corée du sud, Taiwan, la Malaisie et Singapour. Regardez et comparez aujourd’hui le niveau de ces pays et le nôtre. La Corée du sud a un PIB de 1.116 milliards de dollars US en 2011, Taiwan, 466 milliards, la Malaisie, 288 milliards et Singapour, une cité –Etat, 259 milliards. La Tunisie 46 milliards.

Quand on a fait une Révolution pour changer les choses et rattraper notre retard, les dirigeants ratent le coche. Et ce, pour des raisons idéologiques et électoralistes. Le peuple tunisien mérite mieux.

Dr. Moncef Guen
Ancien Secrétaire Général du Conseil Economique et Social

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1 Commentaire
Les Commentaires
khlifi - 01-01-2013 18:37

Comment sortir de l'orniére? Telle est la question lancinante que se pose plus d'un tunisien.

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