Blogs - 19.12.2008

Tunisiens, s'abstenir

Ayant exercé dans la presse pendant près de quarante ans, j’ai toujours été – et pas seulement pour des raisons professionnelles – un lecteur assidu des journaux, qu’ils soient tunisiens, arabes ou étrangers. Néanmoins, mon champ d’intérêt se limitait toujours aux informations politiques, économiques et générales, accessoirement au sport, et avec l’âge, à la rubrique nécrologique. Quant aux autres rubriques, je me contentais d’y jeter de temps en temps un coup d’œil jusqu’au jour où une petite annonce aiguisa ma curiosité. Elle était ainsi libellée : « Particulier loue à coopérant appartement… ».Suit une longue description du logement en question qui donne à penser qu’il s’agit d’un appartement haut standing.

Cette annonce a éveillé chez l’étudiant en journalisme à Paris dans les années soixante que j’étais, de mauvais souvenirs: l’interminable tournée (j’allais dire parcours du combattant) des agences immobilières pour trouver un logement, en l’occurrence, une chambre de bonne – compte-tenu des loyers prohibitifs pratiqués- et la réponse invariablement négative à la vue de votre faciès ou à l’énoncé de votre nom ou de votre nationalité. Je me rappellerai toujours la réponse d’un agent immobilier : «  Vous m’auriez demandé la lune c’aurait été plus facile de vous l’offrir ».

Cette attitude  appelle le parallèle avec ce genre de publicité  avec comme circonstance aggravante le fait que, dans le cas d’espèce, les propriétaires sont des Tunisiens qui osent discriminer leurs compatriotes et faire leurs, même si c’est d’une manière inconsciente, des arguments que n’aurait pas désavoué un partisan de Le Pen et ce en toute impunité et sans que personne n’y trouve à redire. J’imagine le tollé et les procès intentés par les associations des Droits de l’Homme, de défense des  consommateurs, des droits civiques, de protection des locataires  et que sais-je encore qu’aurait provoqué une annonce, en France, commençant ainsi : «particulier louerait à étranger… »

Dés lors, on serait malvenu de s’indigner d’un acte de racisme qui surviendrait outre- méditerranée alors que chez nous des gens se rendent responsables des mêmes actes sans s’en rendre compte. C’est un  peu l’histoire de la poutre et de la paille. Car enfin, disqualifier d’emblée des Tunisiens même a contrario, c’est jeter l’anathème sur une catégorie de la population jugée peu digne d’occuper un logement de haut standing.

Certes cela n’est pas mentionné explicitement, mais inscrit en filigrane dans ces annonces. Cela fait partie des non-dits .Un demi siècle après le départ de l’ancienne « puissance protectrice », nombre d’entre nous doit procéder à un travail d’introspection qui ne pourra être que salutaire pour eux et pour la Communauté nationale, car ils couvent encore des résidus de ce que le sociologue appelle : « le complexe de l’ancien colonisé ». Cela transparait dans leurs discussions, leur façon de s’habiller et d’écrire.

Comme par exemple, le fait pour un commerçant d’utiliser tout ce qui est importé comme argument de vente, de parler « de l’année 2008 de notre ère » alors qu’il s’agit de l’ère chrétienne ; d’employer le terme « Mahomet » pour désigner le prophète alors qu’il  est une déformation de Mohammed ;  d’utiliser  le terme « Métropole » pour désigner la France omettant que sa signification première est mère-patrie .

Ces exemples sont donnés à titre indicatif et non exhaustif et on pourrait les multiplier à l’infini. Néanmoins ils donnent la pleine mesure de l’action qui doit être menée pour mettre  terme à une situation qui frise parfois la schizophrénie et qui, en tout cas n’a plus lieu d’être en s’attachant un peu plus à nos valeurs car l’ouverture n’a jamais été synonyme de déculturation ni de  mimétisme aveugle au risque de perdre son identité.
                                                                                                                                                                             Hèdi

 

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6 Commentaires
Les Commentaires
Cidahmed - 20-12-2008 19:55

Mr Hèdi, Je vous remercie d\'avoir le courage d\'évoquer un sujet tabou chez les tunisiens qui ne cessent de plonger dans une culture anonyme sans future... Ahmed

Khadija - 21-12-2008 02:14

J?ajoute rien que pour faire attiser ce débat, que la déculturation ne se manifeste pas seulement au niveau de notre registre mais au plus grave à travers nos comportements et styles de vie qui se dénudent de plus en plus de tout ce qui est en rapport avec notre assise identitaire, des taux en hausse pour la consommation du Sapin de Noël, une croissance remarquable du commerce des fleurs et du chocolat le 14 février de chaque année avec en contre partie une insatisfaction témoignée contre les dépenses allouées à la célébration de nos fêtes et que certains ont déjà commencé à ignorer sous prétexte d?être ?in? et ?à la page?. Cela dit faut-il pas se poser des questions du genre, devrons nous s?attendre à un jour où en faisant l?appel le matin dans la classe c?est Jacques, Georges, Céline qui répondent ?présent?, mais les autres, Ali, Omar, Fatma, où sont ils passés ? la réponse est, c?est dépassé.

ThenocRB - 22-12-2008 16:17

Tant qu\'on n\'investit pas assez dans la R&D et l\'innovation à tous les niveaux, on consommera toujours étranger (y compris culture et identité). Merci Si elHédi.

rania - 24-12-2008 14:10

Malheureusement on vit de plus en plus dans l'écrasement de notre culture et civilisation arabo-musulmane, notamment dans le milieu des jeunes, qui ignorent nos traditions et nos coutumes orientales, que ce soit sur le plan linguistique, ou vestimentaire ou encore comportementale. A cet effet, il faut que tous les associations ayant une mission sociale et culturelle se collaborent afin de sauver cette culture arabe et musulmane,à travers des actions de communication publique.

ziadi - 14-01-2009 10:07

Je consulte régulièrement votre site que je trouve d'ailleurs qu'il est incontestablement meilleur depuis quelque temps je trouve tout de même que les articles sont rarement voir pas du tout signés alors qu'il exprime généralement les avis et les positions de leurs auteurs. j'aimerai bien donc savoir pourquoi cette pratique et surtout pour quelles raisons evouées et non avouées surtout de la part d'un site qui cherche à faire sortir de l'ombre ls talents tunisiens d'içi et d'ailleurs. Ne faut-il pas commencer par faire sortir de l'ombre vos journalistes et rédacteurs d'abord. Merci de m'avoir permis de m'exprime, dfe sortir de l'ombre et bonne continuation.

Rédaction Leaders - 14-01-2009 12:39

Merci pour votre délicate attention et pertinente question. Effectivement, certains articles, mais pas tous ne sont pas signes. Au gré de leurs auteurs. «Qui sommes-nous» la rubrique exprime clairement l’identité des fondateurs et notre ambition. L’équipe est formée par des jeunes (IPSI, Beaux-arts, ISAMM, etc.), encadrée par des seniors. Ca serait merveilleux que vous y orientiez des amis passionnés, et que vous puissiez y contribuer.

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