News - 08.08.2012

Complémentarité, dites-vous ?

Un projet d'article de la future Constitution indique que l'Etat assure la protection des droits de la femme selon le principe de la complémentarité avec l'homme au sein de la famille en tant qu'associée. Les dirigeants d’Ennahda viennent d’innover en affirmant que la femme est complémentaire de l’homme. Cette affirmation aux conséquences gravissimes en matière de droits humains mérite d’être analysée.    

Pourquoi l’introduction de ce terme : complémentarité ? Pourquoi refuser ce terme d’égalité entre les hommes et les femmes, un acquis depuis 56 ans ? Serait-ce pour faire oublier la notion d’égalité des sexes, pour la remplacer par l’existence de deux êtres :  l’homme et’un être tronqué, de deuxième catégorie, privé de sa personnalité, de sa liberté, non une femme mais un être complémentaire ?

On voit bien apparaitre le spectre de la polygamie qui, en Tunisie, a depuis de nombreuses années pratiquement disparu de notre culture. Fini alors le code du statut personnel en vigueur depuis 1956, instaurant l’égalité entre l’homme et la femme. Cette dérive insidieuse contredit le respect des acquis de la société tunisienne en matière de Droits et Libertés. Une femme se verrait-elle empêchée de choisir sa vie dans notre société ? On aurait tant d’exemples à citer de femmes responsables qui, surtout dans les milieux modestes et même défavorisés, font vivre leur famille par leur travail sans que le mari soit assuré d’un emploi ou d’un revenu.
Va-t-on abandonner la mixité dans les écoles ? C’est une injure à la bonne éducation de nos enfants qui sont à l’école pour travailler, pour se comporter avec respect les uns vis-à-vis des autres, pour apprendre à s’entraider mutuellement, à devenir des citoyens. Ou bien certains garçons auraient-ils peur de se mesurer parfois à une meilleure réussite des filles ? Ces réactions ont depuis longtemps disparu et la mixité fait maintenant aussi partie de notre culture.

On pourrait établir une longue liste de toutes les femmes tunisiennes issues de tous les milieux sociaux qui se sont hissées à des responsabilités importantes nationales et internationales.

Dans les principes énoncés dans son programme électoral, le Docteur Ben Jaafar a bien inscrit l’égalité de la femme et de l’homme, tout comme le principe des libertés fondamentales et entre autres déclarations, la réalisation d’un régime présidentiel aménagé et la séparation entre l’Etat et la Religion. Il serait injurieux de rappeler au Président de la République, le Docteur Marzouki, qu’il a signé la Charte de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme.

Ainsi le mot ambigü "complémentarité" est malvenu pour remplacer l’égalité à la signification claire et adopté par tous. Vocabulaire inédit et ignoré des Droits de l’Homme ; aucun pays, régime ou constitution ne l’a jusque-là utilisé.

S.Z