Opinions - 28.07.2012

La pénurie d'eau en Tunisie passe au rouge

D'une manière générale, les besoins en eau potable sont en moyenne de 2 à 4 litres par jour et par personne, en plus des quantités d’eau nécessaires pour produire la nourriture et estimée au moins à 2 000 litres d’eau par jour et par personne.

En Tunisie, l'eau douce est une ressource rare inégalement répartie dont la consommation croît rapidement et, malgré cela, une grande partie des besoins en eau de la population tunisienne est assurée grâce aux barrages et aux forages réalisés.

La sonnette d’alarme a été tirée depuis 20 ans quand les ressources en eau (disponibilité de l’eau renouvelable) ont atteint le « seuil de tension » en descendant sous la barre de 1000m3/an/hab. L’avertissement était de taille pour pousser les décideurs à se pencher sérieusement sur la question et trouver des solutions à moyen et court termes. Depuis quelques années, la situation est devenue plus dramatique avec une chute en dessous de 400 m3/an/habitant.

Cette situation, bien qu’en relation avec les changements climatiques, est principalement liée à une mauvaise planification, gestion et distribution des ressources en eau… 

Les incidents des dernières semaines (coupures d’eau) n’ont fait que remonter le problème à la surface bien qu’il s’agisse principalement d’une fâcheuse négligence de la part de l’administration. Le cas Gtar à Gafsa, Mahdia, Gabès est dramatique. Pour Sfax, on est allé encore plus loin en détournant ces derniers mois au moins 10 000 m3 par jour au profit d’autres localités sur l’axe Jelma-Sfax sans aucune étude d’impact, ce qui revient à résoudre un problème par la création d’un autre plus grave à l’aval alors que la solution à apporter pourrait se trouver plus à l’amont en augmentant la production (de nouveaux forages) ou recourir au remplacement des eaux manquantes par d’autres issues d’un autre axe de distribution comme celui du Nord. Ce comportement sans précédent et irresponsable a été amplifié par les coupures d’électricité et la qualité médiocre des équipements qui n’ont pas été doublés (pompes électriques et autres) ainsi qu’une mauvaise exploitation caractérisées par l’absence d’un recours rapide et immédiat à des pompes de remplacement. La question qui se pose, où est la politique de gestion de crise des grandes entreprises nationales comme la Sonede et la Steg ainsi que leur administrations de tutelle ?

Tournons maintenant le regard vers l’avenir avant qu’il ne soit trop tard. Quelle stratégie faut-il adopter pour atténuer la pénurie ?
Uns stratégie à court terme, il faut :

• mettre à niveau les installations de pompage et de distribution d’eau ;
• obliger les hôteliers à offrir des solutions d’économies d’eau au cas par cas et supprimer dans certains cas les défaillances de leurs systèmes d’eau ;
• inclure obligatoirement dans chaque permis de construction une citerne de réception des eaux pluviales à l’image de plusieurs régions du Sud tunisien, voire subventionner ce type de citernes ;
• multiplier les forages d’eau pour remédier aux crises comme celles que nous vivons actuellement ;
• mettre en place les moyens nécessaires pour l’amélioration des connaissances dans les domaines de la mesure, de la prévision, du suivi et du contrôle des ressources en eau.
Une stratégie à moyen et long terme : il faut opter pour une stratégie qui s'articulera sur la gestion des installations, la recherche de ressources non conventionnelles et l'économie d'eau. La gestion de l’offre devra aller de pair avec la gestion de la demande par une planification à long terme pour permettre d’affecter les ressources en eau par type d’usage, selon les priorités et pour subvenir aux besoins et préserver les droits des générations futures. Il s’agit de :

• protéger les ouvrages hydrauliques existants,
• aménager et protéger les bassins hydrographiques,
• multiplier les barrages, digues et lacs collinaires aidant à l’alimentation des nappes souterraines.
• optimiser l’utilisation d’eau en agriculture pour une meilleure économie,
• multiplier les stations de traitement tertiaire des eaux usées destinées à un usage particulier,
• multiplier les stations de dessalement d’eau: des petites unités pour les eaux de forage à forte salinité et grandes unités de dessalement de l’eau de mer tout le long de la côte.

Mais le secret d’une réussite à long terme est de briser le cycle des crises de l’eau à répétition et de mettre en place des programmes réalisables, s’inscrivant dans la durée. Cela requiert des changements de politique et une coopération régionale et internationale.

Chokri Yaich
Docteur d'Etat en Géosciences et Environnement
Député ANC