Opinions - 25.05.2012

Les conséquences économiques de la dégradation de la notation de la Tunisie

L'agence de notation Standard and Poor's a réduit de deux crans à (BB) la note de la dette à long terme de la Tunisie, en classant le pays dans la catégorie des emprunteurs spéculatifs.

Standard and Poor's a justifié cette dégradation de la note de la Tunisie par la hausse du déficit budgétaire qui va passer à 7% du PIB en 2012 (contre 3,9% en 2010), une  baisse importante de la recette touristique en 2011 et 2012. Une politique économique du gouvernement inefficace et instable à court et moyen terme.  

Une dégradation est-elle synonyme de taux d’intérêt plus élevés?

En théorie, les choses sont simples : les agences de notation donnent une opinion sur la solidité de la dette d’un pays et les investisseurs suivent ces recommandations et réclament des taux d’intérêt plus élevés, en fonction de la note, quand ils prêtent de l’argent.

Avoir une bonne notation, devrait être la garantie absolue d’emprunter à bon compte. Mais, dans la réalité, ce phénomène n’a pas toujours lieu, comme le montre l’exemple des Etats-Unis. Si Standard & Poor’s a abaissé la dette américaine, le 5 août 2011, en la faisant basculer de AAA à AA+ (la deuxième note sur vingt-deux, qui est désormais celle de la France), Washington emprunte toujours à des taux faibles et plus bas qu’avant sa dégradation.

Pour la Tunisie, la situation est différente. Cette dégradation de deux crans à BB peut entraîner une hausse très importante des taux d’intérêt. Les pays émergents sont beaucoup plus fragiles et dépendant du financement extérieur.

Quelles seront les conséquences sur le budget de la Tunisie ?

La note attribuée par les agences mesure la capacité d'un Etat à honorer ses dettes. Plus elle est haute, plus l'Etat est réputé sûr, et moins il doit payer pour emprunter sur les marchés. A l'inverse, une dégradation traduit une fiabilité en baisse, et tire les taux d'intérêt vers le haut.

La dégradation de la notation va augmenter les taux d’emprunt de la Tunisie. Or, une hausse des taux de 1 point de pourcentage représenterait pour la Tunisie un surcoût très important et qui va accroître  le déficit budgétaire. Les conditions d'emprunt devraient aussi se durcir pour les entreprises publiques, les assurances, et les banques.

 Les ménages pourront avoir une hausse conséquente à moyen terme sur les crédits immobiliers et les crédits à la consommation.

Quel sera l’impact sur les entreprises ?

Les entreprises et  les établissements publics, qui bénéficient de la garantie implicite de l’Etat seront impactés par la dégradation de la note de l’état.

La dégradation de la Tunisie de deux crans va faire dégrader la notation à une myriade de gros emprunteurs comme Tunisair  et les entreprises dont l’Etat est actionnaire comme le cas de Tunisie Télécom, Groupe Chimique, les banques, les assurances …

La dégradation de la notation peut contribuer à une baisse des investissements directs étrangers qui vont s’orienter plus vers des pays émergents plus stables comme le Maroc, la Turquie  …….

Dr Jaber CHEBBI
(*) Docteur en finance internationale de l’Université Paris Dauphine. Dr Jaber CHEBBI a enseigné à l’Université Paris-Dauphine et à l’Université Panthéon Assas Paris II. Il est actuellement consultant expert en Risk Management et en stratégie pour les Banques et les assurances en Europe.
Dr Jaber CHEBBI  a publié en 2010 un livre sur «  Libéralisation financière et crises bancaires dans les pays émergents » (Broché - novembre 2010)