Opinions - 08.05.2012

La ville de Sfax pose-t-elle problème ?

La récente polémique qui a opposé les dirigeants de la compagnie Syphax Airlines et le syndicat de la compagnie nationale Tunisair a fait ressurgir la vieille rengaine de la sfaxophobie. Dans l’absolu, on peut envisager toutes les phobies possibles et imaginables mais j’estime pour ma part que celle-ci n’a pas de raison d’être. Je me permets ci-après de livrer mon opinion de lecteur non-sfaxien, puisque je n'y habite pas, un lecteur qui se définirait comme un SFAXOPHILE, souvent admiratif de la créativité et du sérieux des habitants de cette ville mais parfois dubitatif quant à la pertinence de certains propos et arguments relayés ici et là depuis quelque temps déjà. Je me permets d’autant plus de le faire que je visite assez fréquemment cette ville industrieuse, que j’y ai de la famille et des amis. Dire que Sfax a beaucoup moins bénéficié de la manne de l’argent public que d’autres villes, peut être corroboré par des chiffres incontestables. De même, évoquer en particulier, l’air vicié que les habitants y respirent relève d'une évidence qui chatouille les narines de n’importe quel visiteur de la ville. Enfin, souligner, plus généralement, que d’autres villes de Tunisie bénéficient d’un meilleur cadre de vie n’est pas inexact non plus. En d’autres termes, personne ne peut contester le fait que Sfax ait été l’une des villes qui a le moins bénéficié de l’effort de développement. Néanmoins, relayer des propos dont la crédibilité n’est pas le point fort, il y a un pas qu’il importe de ne pas franchir.

1 - Les antécédents

Mes amis de Sfax m’ont rapporté beaucoup de faits plus ou moins avérés, d’anecdotes qui alimentent et entretiennent la thèse de la sfaxophobie. Premier exemple : « un Ministre de la culture qui demande, en personne, à un haut diplomate d'éviter d’inscrire la mention « Médina de Sfax Patrimoine mondial » sur les brochures culturelles de son ambassade» ! Franchement, ce n’est pas crédible. Deuxième exemple : «des hauts cadres qui réorientent les investisseurs étrangers en leur conseillant de s'installer en dehors de Sfax. Le dernier en date est une grande entreprise allemande (pièces automobiles) qui a montré une affection particulière pour la ville de Sfax» !! Une entreprise n’exprime pas de l’affection, elle jauge les opportunités et les espérances de gain et agit en conséquence. Troisième exemple : «la recrudescence des constructions en zones protégées qui mettent à mal l’équilibre urbain et le patrimoine de la ville» !!! Cette fâcheuse tendance s’est quasi généralisée depuis une quinzaine d’années et elle n’est pas spécifique à une zone ou à une ville particulière.

En d’autres termes, s’il convient de retenir la légitimité des demandes et des revendications des habitants de la ville, notamment en matière d’infrastructure et de protection de l’environnement, il importe aussi de ne pas de céder aux tentations des discours du complot, de l’embargo et de la persécution.

2 - Le cas de Syphax Airlines

Le cas récent et polémique de la nouvelle compagnie de transport aérien est l’archétype du vrai-faux problème. Que l'on aime les promoteurs de Syphax Airlines ou pas, il faut leur reconnaître la première des qualités de l'entrepreneur, la prise de risque. A ce titre, il faut leur apporter toute l'aide que les pouvoirs publics sont censés apporter aux investisseurs. D'un autre côté, les nouveaux arrivants sur le marché du transport aérien doivent gagner la bataille de la confiance et éviter ces polémiques pseudo-mercantiles qui ont pour seul objectif, la médiatisation. Le transport aérien est une activité très complexe où la sécurité des personnes constitue une contrainte vitale et où l'erreur est mortelle. Les promoteurs de Syphax devraient se focaliser sur la construction de leur capital-confiance et éviter cette polémique stérile avec Tunisair et cette posture victimaire. La compagnie tunisienne de l'air est la propriété de tous les Tunisiens, s'il faut, dans quelques années, la céder ou la liquider, ce sera une décision prise par l'ensemble des tunisiens, enfin par ceux qu'ils auront mandatés pour le faire.

Je conclurai sur ce que je dis souvent à l’un de mes amis de Sfax. En effet, il me plaît souvent de lui rappeler, lui dont la famille habite la ville depuis plusieurs générations, et qui me dit qu’il «se sent parfois haï par certains de ses concitoyens» que le terme « haï » est inapproprié. Il serait sans doute préférable de dire « envié », et lorsque quelqu’un est envié, jalousé par les autres, c’est qu’il est meilleur, ou du moins perçu comme tel.

Sami Boussoffara