News - 23.02.2012

Rached Ghannouchi : la Troïka, l'UGTT, le Salafisme, la Syrie et le Qatar

C’est l’image d’un Ghannouchi serein, adoptant un ton conciliant et apaisant, cherchant à élargir la coalition gouvernementale qu’a voulu donner le leader d’Ennahda  lors de sa conférence de presse tenue jeudi matin à l’Ariana. Destinée à annoncer la nouvelle composition du bureau exécutif du parti, à la faveur de la participation de certains de ses membres au gouvernement Jebali et en prévision du congrès devant se tenir en juillet prochain, cette rencontre avec la presse (retransmise en direct sur Al Jazeera Mubasher) lui a fourni l’occasion de se prononcer sur la situation générale dans le pays et de répondre aux questions des journalistes.

Appelant au renforcement de la Troïka et à son élargissement, reconnaissant le statut et le rôle de  l’UGTT, « partenaire essentiel », réfutant l’extrémisme salafiste et le recours à la violence, recommandant le dialogue avec les salafistes pacifistes  pour les prémunir contre toute radicalisation et prônant la neutralité des mosquées, il a multiplié les messages positivés. Arrestation du directeur d’Attounissia ? Non aux peines physiques, révision de la législation et respect de l’indépendance de la justice. Médias ? Plus d’éthique et d’objectivité. Demande d’extradition du président déchu ? La Tunisie n’y renoncera pas mais n’en fera pas un motif de rupture de relations diplomatiques. Relations avec le Qatar ? Coopération dans le respect mutuel. Conférence sur la Syrie ? Avec la participation de tous les pays concernés et sans la prise d’une décision ouvrant la voie à une intervention étrangère. Verbatim.
 

UGTT : « Nous tenons à ce que la centrale syndicale qui est une grande organisation nationale auréolée d’un parcours historique honorable conserve sa place et son rôle en tant que partenaire dans la préservation des acquis de la révolution et la réalisation de ses objectifs. La situation exige plus que jamais le raffermissement des liens et la conjugaison des efforts. Quant aux accusations portées contre Ennahda au sujet de dépôt d’ordures devant des sièges de l’UGTT ou d’attaques contre des locaux lui appartenant, elles sont dénuées de tout fondement et sont sans preuves. Certaines parties poussent à la bipolarisation et la confrontation  entre Ennahda et l’UGTT, l’UGTT et le gouvernement alors que les défis de la transition démocratique et de la reprise économique commandent solidarité. Et c’est au dialogue et à la solidarité que nous appelons".

Salafisme : « Il ya salafisme et salafisme. En effet, les Tunisiens sont tous un peu ou beaucoup salafistes de par leur respect aux ancêtres et considération à l’œuvre du prophète et de se compagnons et exégètes. Mais, il y a des compréhensions différentes dont certaines sont extrémistes, épousant la violence et le déni de la croyance. Nous devons nous y opposer fermement et ne pas tolérer ceux qui prônent la violence et prennent des armes. Quant à l’attitude vis-à-vis des autres, elle doit être le dialogue et l’échange afin de les prémunir contre les tentations de recourir à la violence. Il faut dire que la démolition de l’institution zitouniene et les tentatives d’éradication d’Ennahda et de harcèlement de la pensée islamique ont créé un grand vide religieux et spirituel. La tension a été ainsi placée dans une zone de basse tension, sujette à des vents divers dont ceux venus d’Orient, comme on vient de le voir récemment. C’est là la conséquence de l’extrémisme des laïcisants qui ont voulu incriminer tout élan religieux.»

Politisation des mosquées : « C’est un danger car il transformera les lieux de culte en arènes de confrontations idéologiques et politiques qui ne feront que diviser les musulmans et perturber l’accomplissement de leurs prières. Rien n’interdit qu’un politique soit Imam ou qu’un Imam adhère à un parti politique, mais l’engagement politique doit s’exercer en dehors des mosquées et cela doit être valable pour tous, les militants d’Ennahda comme tous les autres».

Le congrès d’Ennahda : «Les préparatifs sont en cours pour le tenir en juillet prochain. Y serais-je candidat ? Je ne le souhaite, comme je l’avais déjà maintes fois affirmé. Mais, le congrès est souverain.»

Les médias : «Tout ce que nous demandons, c’est le respect de l’éthique professionnelle, sans dithyrambes, ni diffamation. L’objectivité absolue est certes difficile à atteindre, mais essayons de parvenir au moins au maximum d’objectivité relative possible. Quant à l’arrestation du directeur du quotidien Ettounissia, j’estime que des peines de prison ne sauraient être prononcées à l’encontre de journalistes, quelle que soit l’infraction commise. Des amendes suffisent en cas de condamnation. La Justice doit cependant être indépendante et nous devons amender les lois pour que la presse puisse exercer sa liberté sans courir des peines physiques».

La Troïka : « Cette coalition est l’une des plus belles illustrations de l’entente issue de la révolution d’autant plus qu’elle regroupe à Ennhada deux partis présumés modernistes et laïcs. Nous y tenons fortement, comme nous tenons à élargir cette coalition à d’autres partis et composantes de la société ».

Evaluation de l’action gouvernementale : « A moins de 100 jours de son entrée en fonction, il serait difficile de se prononcer sur l’action du gouvernement. Les premiers indicateurs sont positifs notamment pour l’organisation des secours lors des récentes catastrophes climatiques, la relance économique, et la gestion des urgences,  le redéploiement diplomatique, etc. La préparation du budget complémentaire est importante. Faisons donc confiance au gouvernement puis, jugeons-le sur son bilan ».

Extradition du président déchu : « Nous ne renoncerons jamais à demander l’extradition du déchu et de tous ceux qui sont sous mandat d’arrêt international. Et d’ailleurs, la question a été évoquée par le chef du Gouvernement lors de sa visite en Arabie Saoudite. Il est clair que le Royaume saoudien fait prévaloir sa tradition d’asile. Devrions-nous en faire un motif de rupture des relations diplomatiques entre nos deux pays ? Dans ce cas, nous devons le faire également avec le Qatar, le Canada et tous les autres pays qui abritent des membres du clan du déchu ».

Les relations avec le Qatar : « Je ne comprends pas  tout cet activisme contre les bonnes relations que nous entretenons avec un pays frère qui nous a soutenus dans le déclenchement de notre révolution et nous prête actuellement main forte pour la reprise économique. Ceux qui appréhendent une nouvelle forme colonisation ou une ingérence dans la souveraineté de notre décision se trompent énormément. D’ailleurs, personne ne peut les croire et l’histoire les démentira. »

La conférence des Amis de la Syrie : « La Tunisie a accepté de l’abriter à la demande de la Ligue Arabe et sous deux conditions. La première, l’extension des invitations à tous les pays concernés. Et, la seconde, la non discussion de toute résolution pouvant ouvrir la voie à une intervention étrangère ou internationale. L’objectif est de retirer la légitimité au régime en place et de faire arrêter le massacre du peuple syrien. »

Lire aussi: La nouvelle composition du bureau exécutif d'Ennahda

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