Opinions - 08.12.2011

Et pourquoi pas une grande conférence nationale sur l'emploi et les salaires ?

Après une courte période d’accalmie due à la parenthèse électorale, le pays semble renouer avec les tensions sociales et voit resurgir ici et là de le spectre de la crispation. Une spirale de violences sporadiques pourrait bel et bien de nouveau s’enclencher détériorant un peu plus le climat social ou son pendant, le climat des affaires.
A l’évidence, la méfiance, pour ne pas dire la défiance, est bien de retour.

Bâtir un nouveau consensus n’est pas chose facile. Les majoritaires sortis des urnes, qui ont, en somme, l’initiative d’entamer sa construction seraient bien inspirés en s’employant à donner des signes de leur bonne foi.

Jusqu’ici, le nouveau premier ministre pressenti a réservé ses premiers entretiens et sorties aux détenteurs du capital : bourse, patronat, et à diverses professions en difficulté, cherchant ostensiblement à les rassurer. Dont acte !

A l’autre bout, la recrudescence des revendications sociales le durcissement des conflits qui semblent de nouveau vouloir s’installer, à l’instar des troubles survenus dans l’ensemble du bassin ouvrier de Gafsa ne trouvent pas d’échos. Le premier ministre ne semble pas encore en avoir pris la juste et exacte mesure, ni suscité une réaction visant à rasséréner les porteurs de revendications sociales. Dont acte !
Au total, la méfiance, répétons le, s’invite de nouveau dans les relations sociales, et cette fois-ci peut être sur fond de possible dégradation relative de la conjoncture économique.

2012, année de tous les dangers ?
Anticiper est le propre du « politique ». Le nouveau gouvernement va avoir fort à faire.
Alors pourquoi ne pas lancer l’idée d’une grande conférence nationale sur l’emploi et les salaires, conférence qui pourrait se tenir dans un délai raisonnable de trois à quatre mois.

Cette idée aurait l’avantage de réunir les acteurs sous la houlette du gouvernement autour d’une table de négociation en lieu et place des habituels affrontements sur les lieux de travail.

Préparée autour de commissions sectorielles et de thématiques particulières, les perspectives de cette conférence outre ses effets positifs sur « l’opinion publique », auraient de nombreux avantages, si toutes les parties prenantes s’y penchent sérieusement.

Les énergies seraient ainsi toutes canalisées vers les futures discussions autour d’un temps nouveau celui de la négociation collective, expression des divergences perçues comme irréconciliables, mais qui au fond trouvent toujours leurs dénouements, temps aussi où les acteurs anciens comme nouveaux apprendraient à se connaître, au lieu de s’ignorer.

De multiples questions jusqu’ici éludées seraient abordées à travers la multiplication des discussions, elles-mêmes propices au rapprochement des points de vue. Les parties concernées seraient entrainées, par la multiplication des rencontres préalables, dans une logique de confrontation d’arguments en lieu et place d’affrontements et d’intimidation réciproques.

Renouer les fils du dialogue social, tous les uns après les autres, est véritablement l’enjeu majeur auquel doit s’atteler ce nouveau gouvernement, cette fois-ci légitime. Il dispose à l’évidence des marges de manœuvre, et bénéficiera, s’il s’y prend bien, de cette période de grâce auquel a droit tout nouveau venu au pouvoir.

Formuler une telle proposition dans cet espace réduit qu’est un article de presse n’épuise pas, loin s’en faut, les mérites attendus d’une telle approche.

Les difficultés à venir, possible ralentissement économique accompagné du risque de réduction de notre volant de liquidités en devises, et bien d’autres facteurs objectifs, tout concoure ainsi à la légitimité et à la fécondité de cette proposition de conférence.

Celle-ci pourrait aussi constituer une amorce, le prélude à un processus bien plus complexe et plein d’embuches celui de réconciliation nationale.

Parfois et de manière paradoxale, l’alternative est simple : soit ce gouvernement adopte une posture d’atermoiement et de déni, soit il choisit la posture inverse et enfourche avec courage et détermination l’enjeu présent (à l’image de la rédaction d’une nouvelle constitution), de l’écriture d’une nouvelle page des relations sociales dans ce pays.

Ce gouvernement pourrait profiter de la convocation de cette conférence pour en borner lui-même les contours au travers d’une déclaration de politique générale.

Il pourrait proposer que 2012 soit décrétée « année d’austérité vertueuse et de partage du travail », visant à compter sur nos propres forces, à réduire le train de vie de l’Etat, à limitant l’endettement en émettant un grand emprunt national, de procéder aussi à un « peignage » des importations en vue de limiter les produits boulimiques en devises, mais aussi de l’élimination progressive de ces produits « camelote » à vils prix qui détruisent l’économie des métiers de l’artisanat.

Il pourrait ainsi définir le cadre général de la nouvelle négociation indiquant sa préférence pour un gel provisoire des prix et des salaires, en embarquant en quelque sorte les acteurs de négociation vers la seule et urgente problématique du moment : celle du chômage et de l’emploi pérenne. Les interlocuteurs de cette rencontre, pas simplement limités aux seuls « partenaires sociaux » traditionnels en mal de légitimité, aborderaient toutes les questions brulantes telles les pratiques d’embauche et de licenciement, les modes de promotion et de rémunération (ancienneté vs. mérite), la représentativité syndicale et ses prérogatives, etc…
Cet effort de mise à plat donnerait la priorité au traitement économique du chômage.

Miser sur les hypothétiques IDE, aide internationale, remobilisation de l’investissement, est une option vaine, qui n’a pas de consistance tant que ces relations sociales n’auront pas trouvé un débouché « gagnant-gagnant ».
Tenter de passer en force comme une fraction du patronat jouant sur le pourrissement comme son revers celui du blocage de la production, nous mènent droit dans le mur.
Cette grande conférence nationale sur l’emploi et les salaires est nécessaire et utile pour peu que ce gouvernement veuille bien en prendre conscience. Alors à suivre….

Hédi Sraieb