Opinions - 23.11.2011

Analyse d'un vote

Je pense que tout citoyen se réjouit une fois de plus de la nouvelle étape franchie par notre jeune démocratie.
 La première étape a bien été le départ d’un dictateur grâce à une jeunesse déshéritée qui a eu le courage de dire non et a risqué sa vie.

 La seconde fut la tenue et le déroulement,  pour une fois, d’élections libres, plurielles, transparentes et sans grandes anomalies et ce grâce au  dévouement  en particulier, du Président de la République, de son Premier Ministre, de  Yadh Ben Achour, de Kamel Jendoubi, de l’armée et des services de sécurité.
 La troisième étape que nous vivons est celle de la mise en place de la Constituante sur laquelle le citoyen fonde de gros espoirs.

C’est le premier organe légitime qui est appelé à voter une nouvelle Constitution,  à gérer la situation politique, économique et sociale au cours d’une période d’une année et à préparer la dernière étape du processus, à savoir les élections présidentielles et parlementaires.

Les préparatifs et les marchandages sur les principaux postes de responsabilité qui ont précédé la tenue de l’assemblée constituante ont jeté, à juste titre, des doutes quant à leur caractère démocratique dans la mesure où l’opposition en a été exclue.

En effet, le principal vainqueur des élections du 23 octobre, le Parti Ennahdha  a rapidement mis la main sur le poste de Premier Ministre optant ainsi de fait pour un régime parlementaire.Il s’est engagé sur la voie de la constitution d’une alliance solide avec  deux partis, le CPR et Ettakatol pour la formation d’un gouvernement et la nomination d’un Président de la République aux pouvoirs réduits et un Président de l’assemblée Constituante.
 Ce processus a eu lieu, curieusement, en dehors de la Constituante. Son règlement intérieur et la définition des pouvoirs et des relations entre le Président et le Premier Ministre ont même été préparés d’avance.

Ennahdha a compris qu’avec le CPR et Ettakatol elle pourra faire passer tout son programme  malgré l’opposition et ce chiffres à l’appui. C’est ce qu’a démontré l’élection  du Président de la Constituante.
En effet, tout était préparé d’avance  pour qu’on vote directement pour l’élection d’un Président nommément désigné n’était-ce le refus de certains membres de la Constituante d’entériner le fait accompli en exigeant de modifier l’ordre du jour et en demandant qu’il n’y ait pas un seul candidat  à la Présidence de l’Assemblée.
Ce retournement de la situation a été l’un des moments clef du processus et une victoire majeure de l’opposition qui a eu le mérite de remettre les pendules à l’heure.

 Le Président une fois  élu a eu le courage de remercier sa concurrente pour avoir eu le mérite de rappeler que l’ère du fait accompli et des candidatures uniques est révolue.

Si le Président d’Ettakatol a pu battre sa concurrente Meya Jeribi,  c’est grâce aux voix d’Ennahdha (89 voix), le CPR (29 voix), Ettakatol (20 voix) et sept autres voix raflées sans doute à la « Pétition populaire », soit au total 145 voix. Meya a récolté les voix de son parti le PDP ( 16 voix) ,la Pétition populaire (19 voix ),le PDM (5 voix), l’initiative (5 voix), Affek Tounes ( 4 voix),le PCOT ( 3 voix), Achaab (2 voix ),le MDS ( 2 voix ) et les indépendants(14 voix sur 16 dont 2 absents ), soit au total 68 voix. Ce décompte (non officiel) part de l’axiome qu’il y a eu une discipline de vote stricte.

J'en déduis qu’Ennahdha, au cas où la discipline de vote est respectée, dispose de 145 voix  grâce à sa coalition avec le CPR,  Ettakatol  et 7 voix raflées à la Pétition populaire, ce qui lui donne une majorité des 2/3.
Avec ce quorum cette coalition fera passer n’importe quel texte de loi à commencer par la Constitution.
Les droits réclamés par les modernistes dépendent donc beaucoup plus des deux partis faisant partie de la coalition (CPR,ETTAKATOL )  que de l’opposition même réunie dans une coalition. Souhaitons que ces deux partis restent fidèles à leurs programmes, car il y va de leur crédibilité.

C’est par l’intermédiaire de ces deux partis que la société civile pourra empêcher  ENNAHDHA  de nous imposer son système de gouvernement et ses valeurs.

En prévision des futures élections l’opposition actuelle doit s’y préparer notamment en essayant d’atteindre les citoyens qui ne se sont pas inscrits pour grossir ses rangs à moins que la coalition actuelle ne réussisse pas la cohabitation avec Ennadha et rejoigne son camp naturel, l’opposition.

Mokhtar El Khlifi

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