Opinions - 07.10.2011

Economie : Coup d'Etat de l'Etat

Le roman Don Quichotte est riche en enseignements. Voici quelques extraits de Wikipedia :

L’intrigue couvre les aventures d'un pauvre hidalgo (gentilhomme) de la Manche, dénommé Alonso Quichano (en espagnol Alonso Quijano), et obsédé par les livres de chevalerie.

Ceux-ci troublent son jugement au point que Quichano se prend un beau jour pour le chevalier errant Don Quichotte, dont la mission est de parcourir l’Espagne pour combattre le mal et protéger les opprimés. Il prend la route, monté sur son vieux cheval, Rossinante, et accompagné d'un paysan stupide, Sancho Panza, trompé par ses promesses de récompense extraordinaire.

Don Quichotte passe pour un illuminé auprès de ceux qu’il rencontre.

Sancho Panza, son écuyer, dont la principale préoccupation est, comme son nom l’indique, de se remplir la panse, estime que son maître souffre de visions, mais il se conforme à sa conception du monde.

Aussi bien le héros que son serviteur subissent des changements complexes et des évolutions pendant le déroulement du récit.

Peu à peu Sancho Panza opère une métamorphose, et du lourd paysan qu’il était, il se transforme en un être plus éduqué, suscitant même, par sa clairvoyance et la finesse de son jugement, l’étonnement du peuple qu’il administre lorsqu’il est nommé gouverneur d’une île par le Duc et la Duchesse. Don Quichotte, quant à lui, reste invariablement fidèle à lui-même.

À la fin du deuxième volume, Don Quichotte, vaincu par le chevalier de la Blanche, s’en retourne chez lui. Ayant abandonné la lecture de tout roman de chevalerie, il retrouve la raison et fait dès lors preuve de la plus grande sagesse, avant de mourir entouré de l’affection et de l’admiration des siens.

Les Tunisiens, surtout les chômeurs, sont comparables à Sancho Panza. Ils doivent faire face à une pullulation de Don Quichottes dans le pays. Ces Don Quichottes ont une vision de l’économie et du rôle de l’état qui s’inspire des livres de chevalerie. Ils se croient capables de combattre le mal et de protéger les opprimés en montant un vieux cheval, rossinante, qui représente parfaitement l’Etat Tunisien, avec ses institutions, administrations et ministères malades.

Nous, tunisiens, sommes au début du roman. Ce n’est qu’à la fin du roman que Sancho Panza et les Don Quichottes retrouvent la sagesse

En tant qu’économiste(*), j’offre au lecteur, forcément saturé d’idées lumineuses et d’analyses transcendantes, un diagnostic de plus de la situation en essayant de faire le plus court possible.

 

  1. L’économie Tunisienne n’est plus une économie dirigée. Son moteur n’est plus l’Etat mais les tunisiens, entrepreneurs et travailleurs. Ses performances sont, avant tout, les résultats des Tunisiens et pas ceux de BEN ALI et de l’Etat Tunisien. BEN ALI et ses acolytes se sont principalement occupés à traire la vache, mais ils ne sont en rien dans sa production laitière.
  2. Déparasitée, l’économie Tunisienne est automatiquement prête pour afficher des taux de croissance parmi les meilleurs possibles dans cette planète. Le principal mal qui ronge l’économie tunisienne est la suppression de toute vision à moyen et long terme. Elle n’a aucune idée des règles qui vont la régir et du climat social qui va s’instaurer. L’économie tunisienne est déprimée et n’a plus le moral. Elle ne veut plus investir. Parallèlement, la destruction naturelle des emplois (productivité et fermetures) continuent d’agir normalement. La résultante est une dégradation chronique du chômage. Le manque de confiance en l’avenir est le principal mécanisme destructeur de l’économie. Nous l’avons vu à l’œuvre pendant quelques mois et il est là pour plusieurs années, jusqu’à ce que le chaos politique disparaisse. Le chaos politique, à lui tout seul, est capable de  tuer l’économie Tunisienne.
  3. Créer des emplois c’est créer des entreprises (ou des extensions). Ce n’est pas qu’une question de financement. Il faut aussi trouver le produit, le marché et le management et les compétences adéquates. L’ensemble doit être capable de concourir dans un contexte de concurrence mondiale qui impose les prix d’achats et de vente. Disposer de Milliards et d’un stock de chômeurs déconnectés du monde du travail est très loin d’être suffisant pour créer des entreprises viables.
  4. Toutes les politiques visant « à inciter les entreprises à embaucher » sont vouées à l’échec. On ne pourra jamais tasser des chômeurs dans des entreprises existantes ni leur y trouver un petit coin. Cela va à l’encontre de ce que l’on observe partout depuis des siècles : On produit plus avec moins de personnes. Les entreprises n’embauchent que s’il y a du travail à faire faire.
  5. Dans une économie mondialisée, croissance rime avec compétitivité internationale de notre économie. La compétitivité est une affaire de formation et d’éducation et nécessite un travail en profondeur sur plusieurs années. Nous devons former et éduquer ceux qui doivent former et éduquer. La révolution économique nécessite plus de temps, plus de travail et surtout un peuple uni qui partage une vision commune. Le taux de croissance de l’économie est borné par ses capacités intrinsèques et ce n’est pas une question de milliards. Aucun espoir d’obtenir des taux de croissance spectaculaires à court terme. Il faut oublier.
  6. S’endetter pour donner à chaque camarade directeur de l’administration une moyenne de 10 milliards de millimes de plus à dépenser n’est pas une solution. Ils ne sont pas capables de relancer l’économie. Il faut oublier.
  7. L’Etat Tunisien est le grand malade. C’est lui qu’il faut soigner et il ne faut pas compter sur lui pour soigner l’économie. Il faut oublier.
  8. L’Etat Tunisien sera l’objet d’une lutte pour le pouvoir et pour les postes. Ce n’est pas demain qu’on aura une gouvernance éclairée à sa tête. Il faut oublier
  9. Selon la théorie dominante, le libéralisme, pratiquée dans toutes les économies développées, avec des Etats plus compétents, des administrations plus compétentes, une plus grande expérience démocratique, des politiciens habitués à gérer le pays,  des chaos politiques oubliés, l’Etat, même guéri,  « est un problème à presque tous les points de vue, aussi bien socio-économiques que des mœurs. Ce courant vise à minimiser autant que possible l'action de l'État »(Wikipedia).
  10. Le nouvel Etat Tunisien n’est pas le messie. Il est chroniquement incompétent en matière économique pour la prochaine décennie. Il est le principal ennemi de l’économie. La bête est libérée, elle a déjà tous les pouvoirs, prête à foncer et réaliser un massacre en endettant les générations futures.
  11. La Belgique est un modèle pour la Tunisie. Elle a réussie à dissocier la marche de l’économie du chaos politique. l’économie Belge affiche une insolente santé après 458 jours de chaos politique.
  12. Les règles et lois économiques qui régissaient le pays avant le 14 Janvier n’ont jamais été contestées par le peuple Tunisien. La majorité des partis ne les contestent pas encore. C’est l’Etat Tunisien qui était au centre de toutes les colères du peuple Tunisien.
  13. L’Etat Tunisien, en tant qu’entité abstraite, a réussi un coup magistral. De diable, il s’est transformé en Messie. De cancer, il s’est transformé en remède miracle. Tous les Don Quichottes veulent le chevaucher pour sauver le pays. Mais tous combattrons des moulins à vent car le remède de l’économie est dans les mains de tous les tunisiens, dans leur travail de tous jours et l’esprit d’initiative de certains d’entre eux. L’Etat Tunisiens est gravement malade et s’il arrive à assurer sa propre convalescence ce serait déjà énorme.
  14. 2012. Année démagogique.
  15. Les dégâts économiques causés par l’incertitude et le manque de confiance ne sont pas encore suffisants pour opérer une prise de conscience chez les Sancho Panza et les Don Quichottes. Beaucoup de Tunisiens ont encore l’espoir que derrière l’un des Don Quichottes, un grand miracle économique se cache et que, peut être, le destin lui donnera le pouvoir. En réalité, seul un miracle politique peut nous sauver pendant que nous fonçons vers le gouffre économique. Ce miracle doit nous fournir le plus rapidement possible, un gouvernement sage, voire une opposition sage, capable de rassembler une majorité de Tunisiens autour d’une vision sage, ni  délirante ni fantasmagorique.
  16. A défaut d’un miracle politique, il faudrait un miracle citoyen. Les acteurs économiques, entrepreneurs et travailleurs, et plus généralement la société civile, doivent trouver le moyen de  s’unir pour exiger et obtenir la dissociation entre l’économique et le politique pendant que ce dernier traverse son inévitable période de chaos. L’objectif est  de restaurer une vision à moyen et long terme à l’économie et la sortir de la déprime. Il faut pour cela, en premier lieu, obtenir une prise de conscience du danger que représente le chaos politique, surtout par les politiques eux même et qu’un consensus émane parmi eux.
  17. L’économie Tunisienne est donc, selon mon analyse, malade d’une grosse déprime qui durera le temps du chaos politique. M Nabli, Gouverneur de la BCT, confirme cette déprime en disant «Seul le secteur public a pu engager des recrutements alors que le privé n’y parvient pas ». Après que le peuple ait débarrassée notre économie des ses parasites, voilà qu’une nouvelle vague de microbes, probablement plus dangereuse, l’agressent : Les Don Quichottes.

    Les Don Quichottes se sont attaquées au cerveau, provoquant un Alzheimer qui a fait oublier aux tunisiens que, sur le plan économique, L’Etat est diplômé en catastrophes.


Mais notre économie n’est pas dupe. Les gesticulations actuelles de l’Etat tunisien l’inquiètent. La grosse vague promise et déferlante des Don Quichottes démagogues l’effraie.
En ouvrant sa télé pendant la campagne, elle est abasourdie, à genoux devant tous ces chevaliers autoproclamés de l’économie. Elle a compris qu’elle est victime d’un coup d’Etat de l’Etat, un citron pressé, dans un état comateux, qui, de son lit d’hôpital, promet une distribution générale de citronnade, à tous, partout, et en même temps.

Je recommande au lecteur de bien lire les citations suivantes. Se référer à des penseurs reconnus est un moyen efficace de combattre les attaques cérébrales :
 

  • la loi de Jante profondément ancrée dans les pays nordiques.
  • Le monde n'est pas gouverné par des imbéciles, mais il n'y a que les imbéciles qui se flattent de pouvoir le gouverner.   [Alfred Capus] 
  • Malheureux les pays qui ont besoin de héros.   [Bertolt Brecht] 
  • Nous ne pouvons pas être tous des héros. Il faut bien qu'il y ait des gens pour attendre sur le trottoir et applaudir à leur passage.   [Will Rogers]
  • L'étoffe des héros est un tissu de mensonges.   [Jacques Prévert]
  • Faire une élection, c'est raconter une histoire de telle façon que l'enfant qui sommeille en tout électeur croie que le candidat est le seul héros crédible de cette histoire.   [Jacques Séguéla]
  • Un héros aujourd'hui, un vaurien demain.   [Proverbe québécois] 
  • Après la guerre, beaucoup de héros se présentent.   [Proverbe roumain] 
  • Comment pourrais-je gouverner autrui, qui moi-même gouverner ne saurais ?   [François Rabelais]
  • L'Etat est le plus froid des monstres froids. Il ment froidement ; et voici le mensonge qui s'échappe de sa bouche : "Moi l'Etat, je suis le peuple."   [Friedrich Nietzsche]
  • L'État - c'est nous.   [Lénine]
  • Moi j'ai les mains sales. Jusqu'aux coudes. Je les ai plongées dans la merde et dans le sang. Et puis après ? Est-ce que tu t'imagines qu'on peut gouverner innocemment ?   [Jean-Paul Sartre]
  • Les gouvernants gouvernent l'Etat ; les technocrates, les gouvernants ; et la vanité les gouverne tous.   [Georges Elgozy] 
  • L'Etat, lorsqu'il choisit les hommes qui le serviront, ne tient aucun compte de leurs opinions. S'ils veulent bien lui être fidèles et le servir, cela suffit.   [Oliver Cromwell]
  • L'Etat se nomme toujours patrie, quand il prépare un assassinat.  [Friedrich Dürrenmatt]
  • Quand, dans un État, vous ne percevez le bruit d'aucun conflit, vous pouvez être sûr que la liberté n'y est plus.   [Edouard Herriot]
  • L'Etat, c'est la grande fiction par laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde.   [Frédéric Bastiat]
  • L'Etat ne poursuit jamais qu'un but : limiter, enchaîner, assujettir l'individu, le subordonner à une généralité quelconque.   [Max Stirner] 
  • C'est utile, une révolution. Ça met des freins au gouvernement, ça le force à agir, à pencher d'un certain côté. Mais pas plus. L'état demeure.   [Jean-François Somcynsky]
  • Un peuple n'a qu'un ennemi dangereux, c'est son gouvernement.   [Louis Antoine de Saint-Just]
  • On est gouvernés par des lascars qui fixent le prix de la betterave et qui ne sauraient pas faire pousser des radis.   [Michel Audiard]
  • Les gouvernements sont l'inévitable maladie des êtres humains.   [Robert Heinlein]
  • Quand un gouvernement se trompe, il n'a qu'une solution : persévérer dans l'erreur.   [André Frossard]
  • Le gouvernement s'occupe de l'emploi. Le Premier ministre s'occupe personnellement de l'emploi. Surtout du sien.   [Coluche]
  • Il n'y a pas que des salauds au gouvernement, il y a aussi des incompétents.   [Guy Bedos]
  • Un gouvernement, de par sa nature, a intérêt à élargir son champ d'action, restreignant par là même la liberté des individus.   [Thomas Szasz]
  • Le drame quand on est président, c'est que si on entreprend de résoudre les problèmes, on n'a plus le temps de gouverner.   [Quino] 
  • L'histoire des peuples dans l'histoire, c'est l'histoire de leur lutte contre l'État.   [Pierre Clastres]
  • L'Etat, c'est la providence des gens sans état.  [Marc Grangé]
  • Les peuples une fois accoutumés à des maîtres ne sont plus en état de s'en passer.  [Jean-Jacques Rousseau]
  • La ruse des gouvernants est vieille comme le monde. La ruse des gouvernés est bien jeune.   [Alain]
  • Quand on est chef de gouvernement on ne peut pas dire la vérité ; on ne la dit jamais. Gouverner c'est mentir.   [Jean Giono]
  • Un peuple qui ne sait pas où il va est sûr d'y arriver dans un état exécrable.   [Jean-Luc Dion]
  • Quand l'Etat invite le peuple à se montrer joyeux, c'est que la catastrophe n'est pas loin...   [Ferdinand Bac] 
  • Chaque contribuable est quelqu'un qui travaille au profit du gouvernement sans être astreint à passer les concours de fonctionnaires.   [Ronald Reagan] 
  • La société, ce n'est pas l'Etat. L'Etat n'est que le gérant d'une société anonyme qu'il a pris l'engagement de servir, mais qu'il ne se charge, en réalité, que d'exploiter.   [Pierre Reverdy] 
  • Toute nation a le gouvernement qu'elle mérite.  [Joseph de Maistre]
  • La démocratie est une technique qui nous garantit de ne pas être mieux gouvernés que nous le méritons.   [George Bernard Shaw] 
  • Trop gouverner est le plus grand danger des gouvernements.   [Mirabeau]
  • Si un peuple a les seuls gouvernements qu'il mérite, quand mériterons-nous de n'en avoir pas?   [Paul-Jean Toulet]
  • Quel est le meilleur gouvernement ? Celui qui nous enseigne à nous gouverner nous-mêmes.   [Johann Wolfgang von Goethe] 
  • Gouverne le mieux qui gouverne le moins.   [Lao-Tseu] 
  • Le gouvernement le meilleur est celui qui gouverne le moins.   [Henry David Thoreau]
  • Le meilleur gouvernement est celui où il y à le moins d'hommes inutiles.   [Voltaire]
  • Le moins mauvais gouvernement est celui qui se montre le moins, que l'on sent le moins et que l'on paie le moins cher.   [Alfred de Vigny] 
  • Quand le gouvernement dépense de l'argent, ça créer des emplois ; alors que si cet argent est laissé aux contribuables, Dieu sait ce qu'ils en font... ils le mangent peut-être ! Ils en font n'importe quoi sauf créer des emplois !   [Dave Barry]
  • J'ai peur que l'Etat dépense moins bien mon argent que je ne le ferais.   [Philippe Bouvard]
  • L'Etat, quel qu'il soit, est le fonctionnaire de la société.   [Charles Maurras] 
  • De nos jours, le plus grand problème du mariage est de subvenir, avec un seul salaire, aux besoins de sa femme et à ceux de l'Etat.   [Mark Twain] 
  • Un gouvernement c'est comme un bébé. Un tube digestif avec un gros appétit à un bout et aucun sens des responsabilités de l'autre.   [Ronald Reagan]
  • La politique n'agit sur l'économie que si elle ne prétend pas le faire.   [Jacques Attali]
  • Une des conséquences les plus heureuses de l'absence de gouvernement est le développement de la force individuelle qui ne manque jamais d'en découler.   [Robert Blondin]
  • « L’économie, c’est la confiance. Une économie sans confiance est une économie en risque d’implosion.(..) pas d’économie dynamique sans crédit, or le crédit, c’est la confiance. En un mot pour un économiste, la confiance, c’est fondamental» (Michel Camdessus, ancien Directeur Général du FMI)
  • « XII.7. Tzeu koung interrogea Confucius sur l’art de gouverner. Le Maître répondit : « Celui qui gouverne doit avoir soin que les vivres ne manquent pas, que les forces militaires soient suffisantes, que le peuple lui donne sa confiance. » Tzeu koung dit : « S’il était absolument nécessaire de négliger une de ces trois choses, laquelle conviendrait-il de négliger ? - Les forces militaires », répondit Confucius. « Et s’il était absolument nécessaire d’en négliger encore une seconde, dit Tzeu koung, quelle serait-elle ? - Les vivres, répondit Confucius, car de tout temps les hommes ont été sujets à la mort, mais si le peuple n’a pas confiance en ceux qui le gouvernent, c’en est fait de lui. » (Lun yu, les Entretiens de Confucius)

BEN M’BAREK Mohamed. Economiste

(*)Diplôme d’Etudes Approfondies en Méthodes scientifiques de Gestion (DEA Paris)
Docteur en Economie (Economie Publique). France
Diplômé de l’Ecole Nationale de la Statistique et de l’Administration Economique (Paris)
Ingénieur Polytechnique Paris Option Economie.
25 ans de Secteur Privé.