Opinions - 28.09.2011

L'Article 1 rien que l'Article 1 ?

Depuis la révolution la question de la séparation du politique et du religieux divise la Tunisie en deux, entre ceux qui soutiennent un régime d’inspiration islamiste et ceux qui veulent un régime moderne et non religieux. Très tôt la question de la laïcité a fait débat et plusieurs partis et associations y ont renoncé, la plupart par calcul politique pour ne pas s’attirer les foudres de la frange conservatrice de leur électeurs potentiels, parmi lesquels nombreux sont ceux qui confondent laïcité et athéisme. Certains partis avaient cependant compris que la laïcité donnerait aux islamistes une occasion unique de prendre en charge la gestion des mosquées pour les instrumentaliser au service de la cause politique. C’est pourquoi, l’état en Tunisie ne pourra et ne devra jamais abandonner la gestion du culte à ces fanatiques.

Mais il y a une question qui ne fait pas débat aujourd’hui c’est celle de l’article 1, « …L’Islam est sa religion et l’Arabe, sa langue. Son régime … ». En effet, tous les partis soutiennent la conservation de cet article dont ils considèrent qu’il ne fait qu’asseoir nos origines arabo-musulmanes. Plusieurs de ces partis indiquent clairement qu’ils sont favorables à l’article 1, qui n’a jamais posé problèmes dans le passé, et qu’il faudra le conserver dans notre future constitution. M. Sadok Belaid juriste de son état, nous a même proposé Son avant-projet de nouvelle constitution dans lequel il reprend littéralement l’article 1.

J’aimerais dire ici mon étonnement devant tant de naïveté. Si en effet cet article 1 n’a jamais posé problème c’est bel et bien parce que la Tunisie n’a connu que la dictature, c'est-à-dire dans le cas d’espèce, une interprétation personnelle et individuelle de la constitution. En démocratie, il n’en sera pas de même, la constitution sera opposable aux lois, aux pratiques et aux citoyens, et à partir de là chaque phrase et chaque mot deviennent plus importants, et leur interprétation dangereuse. Preuve que la constitution n’est pas une affaire de juristes, fussent-ils éminents et reconnus, mais une affaire politique qu’il ne faut pas laisser entre toutes les mains.
Car finalement en adoptant ces termes « l’Islam est sa religion », dans un régime démocratique qui consacre l’indépendance de la justice, toute loi en contradiction avec les préceptes de l’Islam deviendra anticonstitutionnelle. Les lois autorisant les débits de boissons alcoolisées, celles interdisant la polygamie…Cette terminologie est dangereuse si l’on veut une Tunisie pluraliste et apaisée, elle peut donner lieu à l’établissement d’un régime islamiste qui certes ne sera pas calqué sur la Chariaa, mais sur le Coran et ce sera un bon début.

Aujourd’hui Ennahdha ne veut rien de plus que l’Article 1, l’Article 1 et rien que l’Article 1. Elle sera prête à toutes les alliances et tous les compromis, tant qu’il restera l’Article 1. Qu’importe le régime pourvu qu’il y ait l’Article 1 ! Alors, à tous les démocrates je voudrais dire ici que l’attachement aux origines arabo-islamiques ne doit pas être une raison pour hypothéquer l’avenir de ce pays en l’offrant en cadeau aux islamistes.

L’Article 1 devra être remanié, réécrit et si son objet est de consacrer ces origines arabo-islamiques alors écrivons le en ces termes, et évitons de jouer aux apprentis sorciers en laissant faire les adeptes de « Il y a les lois et l’esprit des lois… ». Travaillons à la réécriture des lois et gardons nos esprits.

Walid Bel Hadj Amor