Opinions - 26.09.2011

Pour atteindre le niveau des pays évolués

Un pays dont le revenu par habitant est l’un des plus élevés dans le monde  n’est pas forcément un pays évolué. C’est un pays riche certes, mais il n’appartient au groupe des pays évolués que s’il produit dans les domaines scientifique et technologique. C’est grâce à une telle production qu’il lui sera possible de développer par lui-même son agriculture, son industrie et ses divers moyens de communication et d’information.

Est-il alors irréaliste de proposer que l’objectif stratégique de notre pays sera d’atteindre le niveau des pays évolués dans les domaines économique, scientifique, et technologique?  Cet objectif n’est pas irréalisable si nous précisons le contenu et la durée des étapes qui y mènent. M. Mansour Moalla  a proposé une première étape de dix ans, durant lesquels l’accroissement annuel serait porté à 10%, grâce à des investissements dépassant 30% du PIB. Il a également présenté des réformes visant notamment la décentralisation régionale et l’assainissement du secteur bancaire. Si une telle politique est suivie,  elle assurera une augmentation significative de notre production nationale, et mettra le pays sur les rails en vue d’atteindre le niveau  économique des pays développés. Mais pas nécessairement leur  niveau scientifique et technologique.

D’autres actions sont indispensables pour combler le fossé scientifique qui sépare notre pays de l’Europe voisine. Il faudrait notamment réformer profondément l’Université tunisienne,  et s’engager résolument dans une politique favorisant la recherche pour le développement (R.D.)

Réformer l’Université Tunisienne

En amont de la Recherche pour le Développement (R.D), se situe la Recherche Fondamentale. C’est celle-ci qui fournit les inventions permettant à la R.D d’explorer des voies nouvelles et de trouver de nouvelles applications pour le développement. En Tunisie, la Recherche Fondamentale est malade, tout comme l’Université dont elle émane. Cette situation a été confirmée par le classement de Shanghai des Universités dans le monde. La première université tunisienne, en l’occurrence celle de Sousse, a été placée 6719ème en 2010. Elle est précédée en Afrique du Nord par 23 universités algériennes, 22 égyptiennes, 14 marocaines, 3 soudanaises, 2 libyennes, et 1 mauritanienne. C’est là le résultat honteux de la politique de l’Ancien Régime qui a privilégié dans nos institutions universitaires les enseignants qui lui sont dévoués au détriment de ceux qui sont connus pour leurs compétences scientifiques.   

Une première réforme a été accomplie par l’ancien ministre de l’enseignement supérieur, M. Ahmed Ibrahim. Désormais, les doyens et les directeurs des établissements supérieurs sont élus par leurs collègues, et non désignés par les gouvernants. D’autres réformes sont nécessaires pour améliorer la qualité de l’enseignement, et donner plus d’importance et de sérieux à la Recherche Fondamentale.

Mettre la R.D au centre du développement

Nous n’avons pas une tradition dans la Recherche pour le développement. Tout doit être mis en place: des cadres réglementaires et institutionnels, un financement ciblé, et une application rapide des résultats des chercheurs. Mais faut-il auparavant former nos jeunes en les mettant en contact avec des chercheurs chevronnés, qui ont la maîtrise de la R.D.

Cette formation est actuellement facilitée par des évolutions produites en Europe. Les produits industriels européens sont de plus en plus concurrencés chez eux par des produits provenant de pays asiatiques. Cette situation est due au  coût élevé  de la production européenne, et  principalement de sa composante RD sans laquelle l’industrie européenne stagne et périclite. C’est pourquoi des sociétés européennes ont dû déplacer leurs activités de recherche en Europe centrale et orientale, où existe un grand nombre de jeunes issus du cycle supérieur, et qui sont disposés à travailler moyennant des rémunérations inférieures à celles exigées par leurs collègues occidentaux. Ces sociétés ont pu ainsi baisser le coût de leur production et faire face aux produits asiatiques.

Cette solution a déjà été adoptée  par les sociétés  multinationales. Plus de la moitié d’entre elles, et principalement celles qui réservent des budgets colossaux à la R- D, ont installé en Inde, à  Singapour et en Chine de grands centres de recherche.

Il n’est pas impossible pour la Tunisie de profiter de cette situation mondiale et de préparer les conditions propices à l’installation dans notre pays de nombreux laboratoires et centres de Recherche – Développement. Parallèlement, de jeunes chercheurs tunisiens iront se perfectionner dans des pays qui nous sont proches et dont nous connaissons les langues. De l’ensemble de ces activités émergera une génération de cerveaux tunisiens capables de faire étendre dans le pays la culture de la recherche et de l’innovation, de nature à favoriser la création d’industries à forte valeur ajoutée, et à hisser la Tunisie au niveau des pays évolués.

H.Z