Questions à ... - 18.08.2011

Hichem Elloumi

Ouvrant mi-juin le Forum d’Investissement en Tunisie, le Premier ministre, M. Béji Caïd Essebsi, n’a pas tari d’éloges à l’endroit de Hichem Elloumi, cheville ouvrière de cette manifestation complètement rénovée et président d’un groupe très engagé dans l’investissement et le développement régional. Comment a-t-il vécu, à la tête de son groupe, ce premier semestre post-révolution ? Où en est-il dans son internationalisation avancée ? Et quelles perspectives se dessinent à ses yeux ? Sans oublier un clin d’oeil pour l’Utica où il fait partie du comité national de transition. Interview-express.

1. Comment votre groupe a-t-il traversé les six derniers mois, post-révolution?

Avec soulagement dès les premières heures, appréhension et inquiétude, lors des troubles du lendemain et confiance en l’avenir, à présent. Par rapport aux problématiques posées, le groupe a vécu la période post-révolution dans les mêmes conditions que la majeure partie des entreprises tunisiennes: nous sommes passés par une phase d’insécurité critique, surtout que notre site de Sidi Hassine, dans la proche banlieue de Tunis, a été ciblé par des attaques externes. On a subi, en effet, des assauts de bandes organisées, l’ordre public n’était pas réellement assuré et nous avons dû nous défendre par nos propres équipes. Je tiens, d’ailleurs, à rendre hommage à nos personnels qui ont veillé à la protection de leur entreprise.

L’aspect social est important à évoquer. Les troubles sociaux ne nous ont pas épargnés, mais les problèmes ont été résolus par le dialogue. Il n’y a pas eu de conflit mais un dialogue qui a abouti à un consensus avec l’ensemble du personnel. A part ces deux aspects, l’activité s’est maintenue et nous avons même eu de la croissance, notamment dans les activités exportatrices, câbles et faisceaux de câbles. Nous avons, cependant, constaté une stagnation de la production pour le marché local. Croissance donc à l’export et baisse en local. Parmi les points positifs que je retiendrai de cette période, ce sont les nouvelles relations qui se sont instaurées entre l’encadrement et le personnel: plus et mieux de communication, d’écoute, de dialogue, de concertation. Tous nous avons pris conscience d’un grand déficit dans ces domaines, de part et d’autre. Cela nous a confirmé dans notre conviction commune du rôle social que doit jouer l’entreprise et de l’impératif d’un management social à même de nous responsabiliser tous. Tenir compte des contraintes et préserver la compétitivité dans l’intérêt général.

2. Et sur le plan international, l’expansion se poursuit ?

Nous enregistrons une forte croissance, particulièrement au Maroc et en Roumanie. Ces deux sites ont failli atteindre leur limite de capacité et n’ont pu assurer leurs engagements que grâce au soutien de notre production en Tunisie.
Quant à notre projet d’implantation au Brésil d’une unité de faisceaux de câbles, il progresse comme prévu. Et notre plan d’expansion internationale suit son calendrier.

3. Comment se présentent les perspectives ?

Notre groupe sera au rendez-vous de l’investissement et de l’emploi de la Tunisie post-révolution. C’est ainsi que nous agissons dans le sens d’un plus grand équilibre des différentes régions où nous sommes implantés (outre Tunis, nos unités sont à Mateur et Mdjez El Bab). Un accent particulier a déjà été mis sur Mdjez El Bab et nous poursuivons la mise au point avec le gouvernement de notre projet industriel dans le domaine des faisceaux de câbles à Kasserine. Notre groupe s’inscrit pleinement dans l’impérative dynamique de l’investissement et du développement régional.

Ce grand défi de l’investissement et de l’emploi exige cependant le concours de différentes parties : gouvernement, entreprises, banques, et représentants des employés, autour d’objectifs communs. Chacun doit jouer son rôle. Plus particulièrement, le gouvernement est censé prendre les décisions rapidement, mais dans la concertation. Aussi, les banques doivent soutenir davantage les entreprises qui passent par des situations difficiles. J’estime que le risque doit être géré avec le soutien de l’Etat en activant tous les mécanismes qui existent et ceux qu’il va falloir créer. Malgré la circulaire de la Banque Centrale incitant les banques à soutenir les entreprises dans cette phase difficile, la mise en oeuvre ne semble pas être partout au même rythme, selon de nombreux échos qui nous parviennent.

Autre facteur déterminant, les relations professionnelles. La paix sociale est essentielle pour l’étape actuelle qui est particulièrement délicate. Concrètement, il faudrait finaliser au plus vite les négociations sociales et veiller au maintien d’un bon climat social au sein des entreprises. De notre côté, en tant qu’entreprise, nous devons accomplir notre mission pour poursuivre l’investissement, créer davantage d’emplois. Si les entreprises structurées peuvent le faire, non sans grandes difficultés, les autres qui ont subi des difficultés méritent soutien et accompagnement.

Et l’Utica ?
La situation de l’Utica a dû impacter les chefs d’entreprise. Comment le ressentez-vous ? Et quelles initiatives avez-vous prises à ce sujet ?


Effectivement, l’Utica a eu sa part de perturbations. Actuellement, elle est gouvernée par un comité national de transition qui s’appuie sur six commissions traitant les divers axes stratégiques pour l’entreprise. Par ailleurs, le renouvellement des structures est pleinement engagé pour ce qui est des bureaux exécutifs des différentes chambres syndicales sectorielles. L’étape suivante consistera dans le renouvellement des fédérations et des unions régionales afin de pouvoir tenir à la fin de l’année le congrès national. Les élections actuellement en cours sont libres et transparentes, ce qui marque une grande ouverture et irriguera l’Utica d’un sang neuf. Les portes de l’organisation sont grandes ouvertes à toutes les forces de l’économie pour une plus grande représentativité et plus forte efficacité. L’objectif est de relever tous ensemble le défi de la croissance, de l’emploi et de l’investissement.