News - 28.07.2011

Sahbi Basly : "la femme tunisienne, le meilleur rempart contre l'obscurantisme"

Le Dr Sahbi Basly, fondateur du parti al-Mustakbal (l’Avenir) ne croit pas au "péril islamiste". Dans une interview au quotidien France soir, il estime que la femme tunisienne est ajourd'hui le meilleur rempart contre l'obscurantisme et le fanatisme. Il s'interroge aussi sur l'opportunité des élections de la constituante, proposant l'organisation d'un referendum sur la constitution tout en préparant dès maintenant les élections législatives et municipales.

Comment se porte la nouvelle Tunisie ?

Sahbi Basly. La Tunisie se cherche encore. Elle est en proie à des hésitations. Les élections législatives n’ont pas eu lieu deux mois après la déposition de Ben Ali, conformément à ce que prévoit pourtant l’article 57 de la Constitution. L’actuel gouvernement provisoire fait un effort louable de maintien de la sécurité et de relance économique en s’efforçant de rassurer les acteurs économiques, en maintenant le dialogue social, en assainissant le climat politique. Mais tout cela demeure insuffisant. Les Tunisiens souhaitent d’urgence revenir à la légalité constitutionnelle en tournant la page de l’ancien régime et en créant, après la Constituante qui sera issue du scrutin du 23 octobre, une IIe République.

Mais la mise en place d’une Constituante alors que les élections législatives ne sont toujours pas programmées ne va-t-elle pas faire perdre à la Tunisie un temps fou ?


J’en ai peur ! C’est pourquoi nous préconisons l’organisation la plus rapide possible d’un référendum où on poserait au peuple deux questions : « Quel régime souhaitez-vous pour la Tunisie ? » et « Voulez-vous une nouvelle Constitution, ou que l’actuelle Constitution soit amendée ? ». Ensuite, le 14 janvier 2012, pour le premier anniversaire de la révolution, seraient organisées des élections générales : municipales, législatives, présidentielle. Il faut laisser aux partis politiques le soin d’expliquer aux citoyens le modèle politique qui correspond le mieux à la situation et aux traditions tunisiennes. Ce qui est exclu, c’est le retour au système du parti unique et au pouvoir d’un seul homme.

A ce jour, peu de Tunisiens sont venus s’inscrire sur les listes électorales. Cela n’annonce-t-il pas un corps électoral extrêmement restreint pour l’élection, le 24 octobre, de la Constituante ? N’est-ce pas une « prime » pour les islamistes, qui sont les mieux organisés ?

Il y a à peu près 7 millions et demi d’électeurs potentiels en Tunisie, qui ont 18 ans et plus. Cette masse critique n’a pas l’habitude d’aller spontanément s’inscrire sur les listes électorales, car pendant près de cinquante ans c’est le parti unique qui était, pour l’organisation des élections, le seul acteur. La commission électorale indépendante a cru bien faire en appelant les Tunisiens à s’inscrire volontairement sur les listes électorales, qui ne seront désormais entachées d’aucune erreur. C’est un honneur, parce que je suppose que le président de la commission électorale indépendante souhaite une nouvelle discipline citoyenne chez les Tunisiens : il veut faire de l’acte de voter, comme dans toute démocratie qui se respecte, un acte citoyen. Seulement, à moins d’une semaine de la fermeture, le 2 août, des bureaux d’inscription et à l’heure où je vous parle, on compte 700.000 personnes inscrites, soit à peine 10 % de la population. Connaissant cette donnée de base et sachant que la Tunisie est en phase d’apprentissage de l’exercice démocratique, j’aurais souhaité que le président de la commission électorale accepte de travailler sur la base d’une liste qui lui aurait été proposée par le ministère de l’Intérieur, et qui aurait été purgée de toutes les malfaçons qui ont existé sous l’ancien régime.

Existe-t-il en Tunisie une menace islamiste ?

Je le dis en mon âme et conscience : il n’y a pas, aujourd’hui en Tunisie, un péril islamiste. Depuis cinquante ans, notre société a libéré la femme, et les femmes sont aujourd’hui le premier rempart contre le fanatisme et l’obscurantisme…

Mais vous ne pouvez pas nier le poids des islamistes, qui ont maintenant pignon sur rue !

Les islamistes d’Ennahda font partie du paysage politique tunisien. Leur parti a été légalisé. Il faut donc tenir compte de leur poids et de leurs analyses. Mais pour coexister avec les autres, ils le savent, ils doivent strictement respecter les règles du jeu démocratique.

Le feront-ils ?

Ils n’ont pas d’autre choix. Sans compter que, chez eux aussi, il y a des sensibilités variées, avec des courants radicaux et d’autres plus modérés avec lesquels nous pouvons construire demain un nouveau paysage politique tunisien conforme à nos valeurs et traditions de tolérance, de modernité et d’ouverture.