Questions à ... - 24.06.2011

Yves Gauthier: Directeur général de Tunisiana

Comme la République en Révolution, Tunisiana a eu en quelques semaines trois présidents (de conseil d’administration) : Fethi Merdassi, jusqu’au 6 janvier 2011, date de closing du rachat des actions du groupe fondateur Sawiris, par un consortium tuniso-qatari, Sakhr El Materi, nouvel actionnaire (25%), jusqu’à sa fuite à la veille du 14 janvier, et, finalement, Tawfik Jelassi, choisi par les actionnaires majoritaires, parmi une liste de candidats, en concertation avec le gouvernement provisoire. Tout au long de cette période bien délicate, le directeur général, Yves Gauthier, a gardé le cap, veillant à la protection des équipes et la sauvegarde des équipements, sans le moindre arrêt du réseau.

Situation difficile, surtout lors de l’absence de tout pouvoir, alors qu’il fallait assurer la continuité de fonctionnement, mais bien gérée, sans accroc et surtout sans le fameux « Dégage ! ». Juste quelques petits remous, tout à fait naturels et compréhensibles. « J’ai eu le sentiment de vivre un moment historique, dira à Leaders Yves Gauthier, en préambule à l’interview-express qu’il a bien voulu nous accorder. Le pays n’était pas à feu et à sang, comme dans d’autres pays où tout s’embrasait, et il n’y avait pas un climat insurrectionnel. Une révolution très soft, malgré quelques dérapages, inévitables. Ce que j’en retiens le plus, c’est ce formidable esprit de solidarité qui s’est instinctivement créé et développé partout, à commencer parmi nos équipes, comme je l’ai vécu moi-même ».

Quel est l’impact des évènements vécus et de la crise sur Tunisiana ? Où en est la licence 3 G et qu’advient-il de l’introduction en bourse ? Réponses d’Yves Gauthier.

Avez-vous subi les effets de la crise ?


Si nous terminons l’année avec une croissance négative de -2 à -3% seulement, j’en serais satisfait! Le premier trimestre n’a pas été facile pour Tunisiana. Nous devons être à moins 7%, voire moins 8% de notre chiffre d’affaires. Le manque à gagner vient déjà des 25 MD de dinars  générés par le bonus gratuit de 1 DT accordé 5 jours durant à 5 millions d’abonnés, durant les tout premiers jours de la Révolution. On ne le regrette pas, nous l’avons fait de plein cœur, tant nous nous sentions engagés par cet élan salvateur général, et proches de nos abonnés. A cela s’ajoute pas moins de 1 MD de dégâts subis par nos agences et nos distributeurs.

D’autres phénomènes sont venus compliquer davantage la situation. D’abord la crise du tourisme. Puis celle de la Libye. Qu’il s’agisse de roaming ou d’achat de nouvelles lignes pour utilisation locale durant leur séjour, les visiteurs de la Tunisie contribuaient de façon non négligeable dans nos recettes. Les prochains mois risquent de continuer à être difficiles pour nous : juillet sera à moins 30% et 40% pour le roaming des visiteurs. Le mois d’août, coïncidant en plus avec le ramadan, nous fera subir de plein fouet la baisse de fréquentation touristique. Mais, je garde mon optimisme. Je suis assez confiant en l’avenir.

Où en est la Licence 3 G ?


Je me le demande ? Je ne comprends pas ce qui peut encore bloquer la décision du gouvernement de nous rétablir dans notre droit de l’obtenir. Je ne veux pas revenir sur les conditions d’octroi de cette licence aux deux autres opérateurs télécoms en Tunisie (Orange, puis, Tunisie Telecom), même si on évoque avec insistance le manque de transparence dans ces opérations, mais je ne demande aucun favoritisme, juste un traitement équitable, sur un pied d’égalité que les autres. Quand je pose la question aux autorités concernées, on m’écoute avec attention en reconnaissant que la situation n’est pas normale mais je pense que le gouvernement a d’autres priorités axées sur les urgences et que le dossier sera traité par le futur gouvernement.  Pourtant, c’est crucial pour Tunisiana afin de nous engager en plein dans les nouvelles technologies à haute valeur ajoutée.

Le projet de l’introduction en Bourse est-il encore envisageable ?


Rien ne l’interdit. Bien plus, il peut s’avérer de plus en plus opportun, maintenant que l’Etat a repris les actions récemment acquises par Materi.  L’état se retrouve donc  actionnaire dans le capital de trois opérateurs, ce qui n’est pas sans poser des problèmes de conflit d’intérêt, il est tout à fait envisageable pour l’Etat de décider, dans le cas de Tunisiana, de mettre son portefeuille titre, totalement ou partiellement en Bourse. Cela permettra notamment au personnel et aux clients de la compagnie d’en devenir actionnaires, ce qui me semble primordial. Ce projet est particulièrement important et je veille personnellement à sa mise en œuvre.