Hommage à ... - 08.04.2011

Slimane Ben Slimane, l'homme, le militant, le médecin et le journaliste

Ce premier 9 avril après la révolution tunisienne est une occasion de revisiter, tardivement certes, la vie de ces leaders du mouvement national de libération qui ont donné leur vie pour l’indépendance de la Tunisie. Ci-après l’histoire de l’un d’eux, Slimane Ben Slimane dont la vie de militant demeure méconnue, par de la jeunesse tunisienne d’aujourd’hui.

Né à Zaghouan le 5 février 1905, Slimane Ben Slimane est le fils d’un petit commerçant qui désirait avant tout voir ses enfants accéder à un niveau d’instruction suffisant pour leur permettre d’occuper des postes dans la fonction publique. Mais il n’en avait pas vraiment les moyens et Slimane ne parviendra à terminer ses études que grâce à la solidarité familiale.

C’est un instituteur qui fera vibrer en lui les premières fibres anti-colonialistes qui se consolident lorsqu’il intègre en octobre 1918 le collège Sadiki. En 1925, il part à Beauvais puis à Evreux pour passer les deux parties du bac. Pendant son séjour à Paris où il effectuera ses études de médecine, Ben Slimane intègre l’Etoile Nord Africaine qui rassemblait surtout des travailleurs algériens. Et c’est en 1934 qu’il adhère au Néo-Destour avec Hédi Nouira et Salah Ben Youssef.

Ben Slimane rentre de Paris en 1936 pour préparer  sa spécialité de médecine, la même année que Bourguiba, et prend en main L’Action tunisienne, le journal en langue française du Néo-Destour. Mais ce retour en Tunisie lui permet surtout de constater la misère qui accable les populations rurales de la Tunisie profonde, ce qui l’amènera à s’attacher tout au long de sa vie de militant à défendre les intérêts du peuple. Pour lui, ceci devait être la mission essentielle du Néo-Destour de laquelle il ne devait jamais dévier. C’est ainsi que Ben Slimane parcourt le pays à l’écoute du peuple en 1937, notamment. Cette année devait également être marquée par des journées sanglantes entre les gendarmes du colonisateur et les mineurs de Métlaoui. A la fin de la même année, à Bizerte, des nationalistes sont victimes d’une fusillade ordonnée par les autorités coloniales et le militant Habib Bougatfa est arrêté. Slimane Ben Slimane est à chaque fois présent sur le terrain.

Ces événements sanglants scindent la direction du Néo-Destour en deux parties, les modérés menés par des historiques comme le Dr Mahmoud Materi, Tahar Sfar et Bahri Guiga et les radicaux appuyés par Bourguiba et Ben Youssef où l’on retrouve Slimane Ben Slimane. Ce dernier est arrêté le 4 avril 1938 à Souk-el-Arba alors qu’il organisait une tournée de propagande dans le Nord-Ouest en compagnie de Youssef Rouissi. Ils sont tous deux inculpés de complot contre la sûreté. La répression devait culminer durant la mémorable journée du 9 avril. Bourguiba devait être arrêté le lendemain. Les détenus connaîtront tour à tour la prison militaire puis la prison civile de Tunis puis de Teboursouk. La menace allemande amène les autorités coloniales à les transférer en mai 1940 à Fort Saint-Nicolas à Marseille. Plusieurs d’entre eux seront libérés en octobre 1941 mais Ben Slimane, Bourguiba, Nouira, Ben Youssef et quelques autres devront attendre jusqu’à la fin de l’année 1942, après leur transfert au Fort de Vancia près de Lyon.

La déclaration de guerre entre la France et l’Allemagne allait signer la division entre plusieurs des militants destouriens et Ben Slimane, ce dernier affichant un soutien à la France mesuré mais au lendemain de la défaite des forces de l’Axe, le 8 mai 1943, le Bureau politique du Néo-Destour publie un communiqué où il se déclare aux côtés des Alliés. Au lendemain de la guerre, en 1947, alors que Bourguiba est au Caire, Ben Slimane « tourne en rond », il s’impatiente de l’inertie délibérée du parti qu’il impute essentiellement à un revirement de Ben Youssef qui, resté seul à Tunis, dirige de fait le parti. Le désaccord entre les deux hommes est tel que Ben Slimane ne sera plus convoqué aux réunions du Bureau Politique du Néo-Destour en 1948. Il en sera même exclu, une décision pour laquelle il éprouvera beaucoup de ressentiment surtout envers Bourguiba pour lequel il continuait d’éprouver une grande admiration.

Depuis son exclusion du Néo-Destour, Ben Slimane s’était clairement positionné dans la mouvance communiste. Ainsi, lorsqu’en 1959, Bourguiba lui propose de figurer sur les listes destouriennes pour les élections législatives, Ben Slimane n’accepte qu’à condition que cela soit dans le cadre de listes d’union entre communistes, néo-destouriens et progressistes indépendants. Outre sa sympathie pour les communistes qui l’avaient accueilli et la blessure profonde de l’exclusion, ce qui a motivé l’attitude de Ben Slimane c’est sa liberté. Il a ainsi refusé systématiquement tout ce qui pouvait l’entraver, notamment les postes de responsabilité politiques ou professionnels : ministère, député, direction d'Hôpital. Mais il gardera également sa liberté vis-à-vis du parti communiste en n’y adhérant pas.

On ne peut terminer ce récit sans évoquer Ben Slimane l’ophtalmologue qui avait ouvert un cabinet de médecin-oculiste à Bab Menara après de grandes difficultés pour s’imposer en internat d’ophtalmologie à cause de son engagement politique du temps du colonialisme. Sans l’aide de certains de ses amis, le médecin-militant n’aurait également  pas eu les moyens d’exercer un métier qui nécessitait un matériel coûteux.

Ainsi vécut Slimane Ben Slimane, l’homme, le militant, le médecin mais également l’écrivain et le journaliste qui avait rédigé ses Souvenirs Politiques édités en 1989, après son décès en 1986. Dans la préface à cette édition, son fils, Moncef Ben Slimane, explique que ce livre est issu de dix-sept carnets rédigés en 1965 ainsi que de notes rédigées plus tardivement en 1973 qui concernent ses dernières rencontres avec Bourguiba.


ABH (D’après les notes de Léïla ADDA)