News - 19.09.2025

Habib Touhami: Quand ressurgissent les fantômes du passé!

Habib Touhami: Quand ressurgissent les fantômes du passé!

Il ne s’agit pas ici de politique, de religion, de culture ou même d’histoire nationale, sujets habituels de polémiques et d’idées reçues. Il ne s’agit  plus «modestement» que d’emploi, de chômage, de sécurité sociale et des liens complexes qui les rattachent. Après un  court moment de lucidité, voilà que le pays repart de plus belle dans ses travers à propos des moyens à mettre en œuvre pour traiter le chômage, celui des jeunes et des diplômés en particulier, ou pour sauver la Sécurité sociale, le régime des pensions notamment. En effet, la gravité de la situation socioéconomique semble inciter l’opinion publique et les décideurs politiques à remettre au goût du jour des conceptions et des pratiques dont les faits ont pourtant démontré l’inefficacité et le coût exorbitant pour l’économie nationale et les finances publiques.

Recruter plus de fonctionnaires et d’agents publics n’a jamais résolu le problème du chômage, surtout quand celui-ci devient structurel, et en tout cas pas à notre stade de développement. Il existe au demeurant une différence de taille entre augmenter le nombre d’emplois et augmenter le nombre d’employés. Au cours des quarante dernières années, la Fonction publique et les entreprises publiques ont été considérées comme le moyen de faire diminuer le taux de chômage. Ce fut une erreur dont le pays continue à payer le prix. En effet, le nombre de fonctionnaires et d’agents publics doit dépendre exclusivement des besoins de la population, en éducation et en santé surtout, de la démographie et de l’évolution des techniques de gestion dont l’informatique. En aucun cas, ce nombre ne doit dépendre du taux de chômage. Vérité «incontestable» quoique remise en cause à chaque fois que la situation sociale se tend ou que le pouvoir en place choisit de céder à la facilité.   

Quand le taux de chômage dépasse 15% de la population active, ce qui est notre cas, il est faux de montrer du doigt le seul taux de croissance de l’économie.

Certes, ce dernier compte mais il est loin de constituer la raison exclusive de la dégradation de la situation de l’emploi. Même avec un taux de croissance de 5%, il n’est pas dit que la tendance s’inversera, et en tout cas pas pour le taux de chômage des diplômés, celui des femmes notamment. Ces problématiques relèvent davantage de la nature et du volume de l’investissement (FBCF), de la taille des entreprises et de l’adéquation de la formation que du seul taux de croissance. L’histoire économique du pays de ces trente dernières années l’atteste. Notons à titre indicatif qu’entre 2015 et 2024, les secteurs économiques les plus employeurs ont vu leur FBCF baisser, même à prix courants (de 306,8 MD à 230,3 MD pour le secteur de  l’habillement, du textile et du cuir par exemple).   

La population tunisienne vieillit, a une espérance de vie de plus en plus grande et entre dans la vie active de plus en plus tard. Si l’on veut sauvegarder notre système de pension dit à répartition, il faut nécessairement rallonger la durée de l’activité sauf au cas où la pénibilité du travail y contreviendrait. Ceci exclut l’adoption de mesures démagogiques telles que la retraite anticipée ou le maintien tel quel de l’âge de départ à la retraite. Verser prématurément les actifs cotisants, avec ou sans leur consentement, dans l’inactivité au nom de la résorption du chômage n’a strictement aucun sens, d’autant moins que les postes de travail ne sont pas interchangeables.

C’est donc à la création d’emplois qu’il faut s’attaquer franchement. Mais pour ce faire, il faut d’abord remplacer dans nos têtes l’équation un retraité de plus est égal à un chômeur de moins par l’équation une création d’un emploi de plus est égale possiblement à un chômeur de moins.

Habib Touhami