News - 21.08.2025

ONU - Désinformation en zones de conflits: Dissuader, criminaliser

ONU - Désinformation en zones de conflits: Dissuader, criminaliser

Arme fatale, la désinformation est encore plus ravageuse en temps de guerre, dans les zones de conflits armés, ainsi que lors de calamités naturelles et de pandémies. Déstructurante, déstabilisante, semant la peur et la terreur, elle ajoute aux malheurs des populations locales, la souffrance, l’affolement et le traumatisme. Sous toutes ses formes, la désinformation pave la voie à de nombreux abus. La manipulation de l’opinion, la propagation de fausses nouvelles, l’incitation à la haine, l’attisement des conflits ethniques, les atteintes aux populations vulnérables, y compris les femmes et les enfants, et les attaques contre les institutions en place en sont les vecteurs les plus redoutables.

Dans les villages isolés exposés aux pillards et aux terroristes, les faubourgs de villes à l’abandon, des camps de réfugiés à l’oubli, des zones de déplacements sans la moindre visibilité sur le lendemain, dans des villes, des capitales, des pays où les Etat peinent à se maintenir et les régimes à couvrir de leur pouvoir tout le territoire: c’est le règne de la désinformation… Le pouvoir, c’est d’abord la manipulation de l’opinion, sa soumission, son asservissement…

Les dégâts sont immenses. Comment y faire face? Ou du moins réduire leur capacité de nuisance?

En plus des dispositifs de veille, d’anticipation et de riposte, la dissuasion peut s’avérer essentielle. Elle passe par la criminalisation de tout acte de désinformation, dans une acception judiciaire large, par une inscription explicite dans le droit national et international, l’identification des auteurs et de leurs complices, des poursuites systématiques et des condamnations exemplaires. Pourquoi?

Des constats instructifs

Cinq constats majeurs méritent d’être examinés dans l’analyse des dégâts causés par la désinformation visant les populations civiles lors de conflits armés:

Sophistication accrue des stratégies, des messages finement élaborés et des canaux — médiatiques, hors médias, directs — utilisés. L’intelligence artificielle y joue un rôle croissant. L’absence de médias, de connexion internet, et donc de réseaux sociaux, laisse libre cours à la rumeur : fugace, irrattrapable. Dans des zones enclavées, comme dans certaines régions d’Afrique subsaharienne par exemple, sans radio, télévision, presse écrite ni accès à internet, le bouche-à-oreille devient un outil de désinformation pernicieux, amplifié par l’isolement. Tout est affûté, toxique.
Massification des campagnes, marquées par des cycles courts, une répétition intense des messages, diffusés en boucle et constamment nourris de nouveaux rebondissements.
Ciblage personnalisé, rendu possible par les algorithmes et l’IA, visant de petits groupes ou même des individus, avec des messages façonnés pour maximiser leur impact.
Multiplicité des opérateurs, souvent anonymes ou utilisant de faux profils: chefferies locales, miliciens, criminels, voire des organes étatiques.
Intégration complète de la désinformation et des opérations d’influence dans les stratégies de guerre et de manipulation de l’opinion publique.

Trois caractéristiques majeures

Ces constats permettent de dégager trois caractéristiques essentielles:

1. L’imprévisibilité du cycle complet d’une campagne de désinformation et de ses répliques. La riposte doit être quasi instantanée, ce qui suppose une préparation en amont de scénarios types.
2. Des dégâts irréparables, aux séquelles profondes, ancrées dans l’âme et le corps, mais aussi la mémoire collective et les traumatismes individuels.
3. L’impunité persistante, qui encourage les auteurs à persister dans leur triste dessein et aggrave ses conséquences.

L’impérative criminalisation

La dissuasion est un outil indispensable dans la lutte contre la désinformation. Elle doit reposer sur une criminalisation claire, étendue et adaptée à chaque situation, tout en restant ouverte à de nouvelles formes d’atteintes. Les juristes sauront proposer les formulations adéquates, assurer leur intégration dans les législations nationales et les faire reconnaître dans le droit international.

La désinformation devrait être qualifiée de crime de guerre et de crime contre l’humanité, imprescriptible. Les nouveaux outils technologiques permettent aujourd’hui d’identifier les auteurs de ces crimes. Si, pour des raisons politiques, il est difficile, parfois, d’impliquer et de poursuivre des États, rien n’empêche d’incriminer des individus, des entreprises, des plateformes, des organisations criminelles ou autres acteurs.

Des mesures concrètes doivent être envisagées: gel des avoirs, interdiction d’entrée sur des territoires étrangers, poursuites devant le Tribunal pénal international, condamnations exemplaires, et dénonciation publique continue. Autant de signaux clairs d’une volonté ferme de lutter contre cette menace.

Il ne faut pas s’en tenir aux seuls auteurs directs et à leurs complices : les bénéficiaires de la désinformation doivent aussi être tenus pour responsables. Il peut s’agir de dirigeants politiques cherchant à gagner des élections, de chefs locaux ou de groupes terroristes consolidant leur emprise, ou encore de criminels pillant les ressources. S’ils ne dénoncent pas immédiatement et publiquement la désinformation qui leur profite, et s’ils ne se désolidarisent pas clairement des auteurs, ils doivent être considérés comme complices et répondre de leurs actes devant la justice.

Un signal fort de la communauté internationale

Il appartient à la communauté internationale d’agir avec fermeté et détermination contre ce fléau destructeur qu’est la désinformation, notamment en contexte de guerre et de crise humanitaire, où les populations civiles, déjà vulnérables, en subissent les pires conséquences.

Le processus sera long: formulation de propositions, inscription dans les législations nationales, discussions aux Nations unies, décisions du Conseil de sécurité, prise en charge par la Cour internationale de justice ou le Tribunal pénal international… Mais l’essentiel est d’engager cette démarche et d’y tenir.

Plus que les bombes, plus que les missiles, ces nouvelles armes redoutables que sont les campagnes de désinformation, désormais dopées par l’intelligence artificielle, constituent une menace majeure pour l’humanité. Ne restons pas les bras croisés.

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