Du mont Belvédère à Jebel Nahli: La coulée verte, encore une chimère !
Par Aïssa Baccouche - L’autre jour, au café d’El Abessia mon voisin de table, argentier de son état, m’interpella au sujet de la coulée verte qui devait ceinturer la ville de l’Ariana dont je fus le maire de 1980 à 1985 : «Pourquoi vous n’en parlez pas?». Je lui rétorquai: «non seulement j’en ai assez parlé mais j’en ai fait l’un des objets de mon livre: l’Ariana, du village à la grande ville – paru chez Arabesques en 2015».
Mais puisque la plaie est remuée re-parlons-en:
Il était une fois un organisme de veille urbanistique qui s’appelait le district de Tunis, le grand Tunis bien entendu. Celui-ci, comme l’y incite la réglementation en matière d’urbanisme devait élaborer et faire promulguer un plan régional d’Aménagement le fameux PRA de 1974.
Parmi, les composants de ce document, il était prévu, en même temps que la limitation de l’étalement urbain de l’Ariana en deçà d’une ligne rouge-la RN8 c’est-à-dire l’interdiction absolue de construire dans le versant EST (Borj Louzir et la Soukra) la préservation de ce qui aller être joliment appelé la coulée verte «reliant le parc du Belvédère aux sommets du Jebel Nahli». P 65. La cerise sur le gâteau, quoi!
Ce PRA fut, en son temps, un véritable bijou ciselé par les mains de quelques orfèvres à l’instar du regretté Morched Chebbi qui vient de nous quitter il y a 40 jours.
Utopie? A voir ce qu’il en advint, l’on ne peut qu’acter cette vue prospective en tant qu’une des chimères qui nous ont bernés tout au long de ces dernières cinquante années.
Mais que faire quand l’hallali est sonné?
Il nous reste des mots pour exprimer une certaine idée de l’Ariana, creuset de nos souvenirs évanescents.
«On ne fait pas l’histoire avec des si, ni la géographie et, en l’occurrence, la géographie urbaine. Mail il n’est pas interdit, même si c’est incongru, de considérer l’Ariana à travers le prisme d’un optimiste invétéré».
Que serait devenu l’Ariana, ce village ancestral si l’intelligence humaine avait pris soin de ses potentialités agricoles ancrées en les capitalisant au lieu de les faire fondre dans un magma de pierres et d’acier.
Les Arianais de souche ne pourront jamais se lasser de s’intéresser sur le sort de leur ruralité d’antan.
Que sont les champs de blé, les roseraies, les praires et les vergers devenus?
«Dans ces champs étendus sur les hauteurs de Kerch El Ghaba (aujourd’hui ENNASR) on cultivait plusieurs variétés de céréales dont notamment une qui fut découverte précisément au service botanique et mondialement connue sous l’appellation Ariana 8» P13
L’Ariana, productrice de blé qui l’eut cru?.
«Les terrains de l’opération ENNASR faisaient partie des zones affectées par le PRA aux espaces verts et à l’agriculture en sec». P110.
En tout cas, ce ne sont pas des gens incrédules qui ne vont pas se formaliser avec les contraintes de Dame Nature
«Le cité ENNASR présente une topographie vallonnée, l’oued Geb qui prend naissance dans les reliefs proches traverse la zone dans le sens transversal. L’emprise de cet important axe hydraulique a été remblayée et transformée en route canal. La fragilité du système adopté a été vite dévoilée par les inondations catastrophiques de 2002» P 107
Ainsi font ceux qui, profitant du démantèlement du district suite au remembrement du gouvernorat de Tunis en Mars 1983, sont passés outre le veto de l’aménageur public n° 1. Déjà en 1981, le journal «La Presse de Tunisie» du 17/07/1981 en donna un avant-goût (Cf le facsimilé en annexe).
Une nouvelle ville est donc née au col du vient فج الريح sous l’appellation d’Ennasr dont je suis, mea-culpa, l’auteur.
Elle devait s’appeler El Menzah 10 et El Menzah 11! Il fallait, bon sang, mettre fin à cette série décidément attrayante et … sonnante.
Je n’étais plus aux affaires quand commença l’édification de cette agglomération. Sinon, j’aurais fait remarquer à ses promoteurs que, parmi les éléments structurants d’une grille d’équipement, figure bel et bien un cimetière.
A moins de considérer que les habitants de cette méga-cité sont des gens immortels!
Alors, mon cher voisin de table à El Abassia, «Capito»?
Aïssa Baccouche