News - 24.02.2023

Welcome Corps

Welcome Corps

Par Mohsen Redissi - Les boat people indochinois, terme qui désigne ceux qui ont choisi en 1975 de fuir les dictatures communistes, sont les premiers à avoir levé les fonds nécessaires à l'appel pour un programme commun entre le département d'État américain et le ministère de la Santé et des Services sociaux. En lançant le corps d’accueil, Welcome Corps, “nous nous appuyons sur une fière tradition de refuge et démontrons l'esprit et la générosité du peuple américain alors que nous nous engageons à accueillir les réfugiés qui ont besoin de notre soutien", a déclaré Anthony Blinken, secrétaire d’Etat américain en présentant aux médias la nouvelle initiative le 19 janvier 2023.

Ces indochinois sont les mieux placés pour ressentir le désarroi de ceux qui sont forcés de quitter leur pays natal. Ils se sont mobilisés en grand nombre pour accueillir les nouveaux venus, les afghans, après la reprise de leur capitale par les Talibans. Cet épisode sombre a ravivé au fond de leur mémoire les déchirures du siècle dernier.

A bras le corps

L’Europe se crispe et rétablit les barbelés le long des frontières nationales avec l’espoir de retarder les invasions barbares venues d’Afrique et du Moyen-Orient. L’échange acerbe entre la France et l’Italie en est le dernier épisode. A la place de civilité, les deux pays ont troqué des accusations et échangé des mensonges sur leur passé colonial, ni plaisant ni glorieux pour les deux pays. Un bateau ivre, malmené par les flots, plein à ras bords de migrants venus d’ailleurs, a attendu des jours durant en mer pour être secouru.

Les Américains eux ont déjà accueilli au cours de l'année écoulée leurs anciens alliés après la chute de Kaboul. Les Afghans, de peur pour leur vie, ont préféré aller vivre aux Etats-Unis. Un pont aérien a été établi pour sortir les fuyards de l’enfer. Ils ont également offert l’hospitalité aux ukrainiens fuyant la guerre et à bien d’autres populations qui laissent derrière elles violence et oppression. Les réfugiés acceptés dans le Welcome Corps font un voyage sans retour, ils viennent pour s'établir définitivement aux États-Unis.

Le Parrain

Le Welcome Corps est un programme innovant et audacieux en matière de réinstallation de réfugiés. Il invite les américains à être des partenaires et des guides, les premiers temps, pour les nouveaux venus dans le cadre de l’U.S. Refugee Admissions Program, USRAP. Ils doivent faciliter leur acceptation comme voisins et les aider à devenir autonomes le plus rapidement possible. Une approche intelligente qui fait participer le citoyen dans les affaires locales pour qu’il ne se sente pas menacé par une invasion d’étrangers venus d’ailleurs.

L’initiative est une reprise d’un modèle que le gouvernement canadien applique depuis un certain nombre d'années avec un énorme succès. Le programme américain se donne pour objectif durant sa première année de mobiliser dix milles parrains privés pour pouvoir accueillir au moins cinq milles réfugiés. Sa particularité est de faire participer la population dans le processus de la sélection, puis dans les programmes d'insertion sociale.

Chaque parrain, personne morale ou physique, doit collecter 2.275 $, somme jugée nécessaire pour couvrir les frais d’un réfugié pendant les trois premiers mois de son installation. Le parrain est tenu d'élaborer un plan d'accueil, la manière dont il prévoit pour l’aider à trouver un emploi, un logement, une école pour ses enfants... L’argent collecté sera utilisé comme dépôt pour une location, l’achat de meubles, de la nourriture et de vêtements. La période d’installation écoulée, le gouvernement fédéral reprend le relais en faisant bénéficier tout réfugié de son soutien et de son aide selon les besoins de chacun.

Le département d'État finance un consortium d'organisations spécialisées dans l'accueil et la réinstallation des réfugiés. Il fournit également une formation aux parrains avant leur prise en charge des réfugiés. Le parrain lui aussi est soumis à des contrôles réguliers conduits par les membres de ces groupes.

The Trump Legacy

Le constat est sans appel, les Etats-Unis sont à court de réfugiés. Le programme de parrainage privé n’est qu’une tentative de renverser la tendance en changeant les critères et en révisant les conditions d'admission. L’administration Biden a fixé un plafond de cent vingt cinq mille réfugiés pour les deux années 2022 et 2023, un quota resté négatif malgré une conjoncture internationale “favorable”. Beaucoup de gens fuient la guerre et la misère en Asie, en Europe et en Amérique latine. Hélas, seuls sept mille réfugiés ont été accueillis selon des sources gouvernementales.

La Cour suprême des Etats-Unis a validé l’interdiction de l'ancien président Donald Trump de laisser entrer sur son territoire les ressortissants de six pays majoritairement musulmans. Trump a créé ainsi un premier déséquilibre. Il a plafonné l’admission de réfugiés de quatre vingt cinq milles sous Obama à trente milles en 2019 et à seulement dix huit milles en 2020 privant le pays d’apports importants de migrants.

Chaque réfugié potentiel passe avant son admission sur le sol américain par le crible fin, un long et rigoureux processus de sélection. Sa carte biométrique ne le quitte plus désormais, elle facilite son identification, le suivi du dossier et sa progression sociale. Ellis Island passerait presque pour une cour de récréation.

Mohsen Redissi