Blogs - 03.12.2010

Chers confrères, gardez-vous des comparaisons faciles !

Les reportages à l'étranger sont particulièrement prisés par les journalistes. Parce qu'ils leur permettent d'élargir leur champ de connaissances, de discuter avec des gens souvent de grande valeur qu'ils n'auront pas l'occasion de connaître chez eux, de découvrir d'autres civilisations. Si les voyages forment la jeunesse, ils sont d'une importance primordiale pour le journaliste. Bien entendu, le reportage à l'étranger requiert certaines qualités, outre la bonne maîtrise de la langue, le sens du contact, la débrouillardise et même un certain culot, une bonne culture générale, il faut une grande honnêteté intellectuelle car la tentation du bidonnage (simulation d'évènements ou de rencontres imaginaires) est très réelle surtout quand on se trouve à quelques milliers de kilomètres de son pays . Il faut aussi se garder des jugements hâtifs et surtout se garder des comparaisons qui ne sont pas souvent raison  ainsi que des éblouissements à la vue de certains comportements qui pourraient faire illusion.

Pour bien connaître un pays, il faut y vivre quelques semaines, discuter avec l'homme de la rue, lire les journaux. Car lorsqu'on est invité dans un pays étranger, à l'occasion d'un évènement important (congrès, élections Sommets), on est souvent entouré de gens qui ne sont pas du tout représentatifs de la population, par leur statut ou leur niveau intellectuel. Juger un pays à l'aune du comportement de son élite ; ou son niveau de vie, à celui de ses palaces de luxe dans lesquels on est souvent confiné en pareilles circonstances relève d'une grande naïveté et risque de  conduire à des conclusions hasardeuses et en tout cas,  très éloignées de la réalité. C'est pourtant la pente savonneuse sur  laquelle se laissent glisser quelques uns avec le zèle du néophyte. Je suis bien gêné de paraître jouer les donneurs de leçons, mais Il m'insupporte de lire dans la presse nationale des reportages où certains pays dont le niveau de vie est nettement inférieur au nôtre et qu'on surclasse dans la quasi-totalité des classements internationaux sont décrits comme des paradis sur terre dont on serait bien inspiré de suivre l'exemple, et leur villes dépeintes comme des cités idéales sans embouteillages, ni criminalité.  Cela ne peut que les décrédibiliser aux yeux de leurs lecteurs qui ne sont pas dupes. Et c'est bien dommage, car leur bonne foi n'est pas en cause, d'autant plus je comprends bien le sentiment qu'ils éprouvent lorsqu'ils découvrent un pays, pour l'avoir ressenti moi-même à plusieurs reprises. Mais un journaliste ne doit pas se laisser aller à des emballements qui risquent de lui faire dire ou écrire des jugements péremptoires à partir de simples épiphénomènes.  

Hedi Bèhi