News - 06.11.2022

Cop 27 : Aucune réunion internationale, aucun accord multilatéral n'a jusqu'ici réussi à faire dévier de sa trajectoire la courbe ascendante des émissions

Cop 27 : Aucune réunion internationale, aucun accord multilatéral n'a jusqu'ici réussi à faire dévier de sa trajectoire la courbe ascendante des émissions

Par Pr Samir Allal - Université de Versailles/ Paris-Saclay

1- La lutte contre le changement climatique n’est pas un consensus: il faut dépasser l’indignation

La lutte contre le changement climatique, et plus globalement la lutte pour la préservation de l'environnement, est par essence un problème qui impose une action par-delà les frontières: il est impossible à un pays de déterminer, seul, le climat qui affectera son territoire.

Cela veut dire que la coopération internationale, si difficile et décourageante soit-elle, est une obligation : sans cette coopération, l'action de chaque pays resterait vaine.

Le changement climatique est en quelque sorte la plus formidable forme d'ingérence qui soit : l'avenir climatique d'un pays sera déterminé par des émissions de gaz à effet de serre sur lesquelles il n'a, seul, guère de prise. Et cet avenir climatique inclut souvent des menaces quant à l'intégrité de son territoire, que celui-ci devienne incultivable, désertique ou submergé par la hausse du niveau des mers.

Quel est encore le sens de la souveraineté nationale lorsque l'intégrité physique d'un territoire se trouve menacée par une action diffuse – mais différenciée - de l'ensemble des pays de la planète ?

La souveraineté nationale reste pourtant la pierre angulaire des relations internationales, ce qui soulève une importante interrogation : des institutions internationales peuvent-elles gérer un défi global, qui par nature dépasse les frontières des nations ?
Aucune réunion internationale, aucun accord multilatéral n'a jusqu'ici réussi à faire dévier de sa trajectoire la courbe ascendante des émissions mondiales de gaz à effet de serre. La Cop 27 ne sera pas l’exception.

Il est évidemment possible d'argumenter que la pente de la courbe aurait été plus forte encore sans ces accords et ces réunions, mais l'argument est ténu. La Conférence annuelle des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique - la Cop - est une machine à décevoir.

2- Aucune Cop n'aura le pouvoir de « sauver le climat », simplement parce qu’aucune n'a de pouvoirs performatifs

Chaque année, c'est le même refrain : nous attendons de la Cop qu'elle résolve le drame, et chaque année nous nous retrouvons à critiquer ce grand barnum climatique. Je vois deux raisons principales à cela : la première, c'est que nous en attendons trop des Cop, et la seconde tient à l'application de la règle du consensus.

De la même manière que nous attendons trop des États, je pense que nous attendons des Cop davantage que ce qu'elles peuvent donner. Aucune Cop n'aura le pouvoir de « sauver le climat », simplement parce qu’aucune n'a de pouvoirs performatifs. Il est irréaliste d'attendre chaque année que la Cop produise un accord majeur.

Les Cop reçoivent de plus en plus d'attention médiatique, mais il me semble essentiel de ne pas générer des attentes que celles-ci ne pourraient pas satisfaire. Contrairement à d'autres négociations, la négociation sur le climat est un processus sans fin : nous sommes condamnés à coopérer tant que le changement climatique sera une réalité. Cela veut dire qu'il y aura une Cop 35, une Cop49 et une Cop 66: l'enjeu sera de savoir quelle forme auront ces Cop futures, de manière à ne pas frustrer trop d'espoirs, à ne pas décevoir trop d'attentes.

L'autre facteur majeur de déception tient à l'application de la règle du consensus : dans les Cop, on ne vote pas. Dès lors, si l'on est un peu ambitieux, on est condamné à être systématiquement déçu : le consensus est une arme redoutable dans les mains des moins-disant, qui auront toujours le dernier mot.

Cela produit des situations absurdes, où la négociation semble parfois en décalage complet avec la réalité : ainsi, une avancée diplomatique majeure de la Cop26, tenue en novembre 2021 à Glasgow, fut l'inclusion des termes « énergies fossiles » dans la décision finale. Jusque-là, un pays avait toujours refusé que la cause du problème soit mentionnée dans la décision finale, alors qu'elle était évidente pour chacun depuis le début.

Tant que cette règle du consensus sera en place, les Cop seront condamnés à décevoir, et cette déception se transformera peu à peu en colère contre l'inefficacité et l'inutilité supposées de la coopération internationale.

3- Nous ne sommes pas condamnés à l’impuissance, il est urgent de mieux adapter le cadre des négociations aux enjeux globaux

Pourtant, malgré les imperfections et les lourdeurs de la coopération, nous sommes condamnés à coopérer face au changement climatique. Certains problèmes environnementaux ne nécessitent pas forcément de coopération internationale, mais ce n'est pas le cas du climat.

Néanmoins il me semble nécessaire, si on ne veut pas que la coopération soit clouée au pilori pour son incapacité à faire baisser les émissions mondiales de gaz à effet de serre, de revoir profondément la manière dont cette coopération est organisée.

À cet égard, je crois qu'il faut faire évoluer le modèle de la négociation internationale. Cette évolution passera, je crois, par un affranchissement de la règle du consensus et par l'ouverture de la négociation à d'autres acteurs que les seuls gouvernements.

La Cop26 de Glasgow, même si elle était décevante à maints égards, contient néanmoins les germes d'une telle évolution. Elle a en effet permis de faire émerger, en marge de la négociation, des petites coalitions d'États déterminés à aller plus loin sur certains sujets clés : déforestation, émissions de méthane ou sortie du charbon.

Des annonces importantes furent ainsi faites, en dehors de la négociation à proprement parler. Les Cop sont aussi, depuis l'origine, largement ouvertes à la société civile : on y croise des militants, des chercheurs, des politiques, des représentants d'organisations internationales, et aussi un grand nombre d'industriels.

Ces acteurs, qui sont essentiels pour la décarbonations de l'économie, ne sont néanmoins pas directement représentés et ne bénéficient que du statut d'observateurs. Il me semblerait utile de leur ouvrir la négociation, tout simplement parce que les gouvernements ne possèdent pas l'ensemble des leviers qui permettent d'engager l'action climatique.

Les villes, qui ont mis sur pied une véritable diplomatie parallèle, réclament ainsi depuis longtemps d'avoir un siège à la table des négociations. L'inclusion des différents acteurs, dont les modalités resteraient à définir, permettrait ainsi la formation de nouvelles coalitions, qui dépasseraient le seul cadre étatique.

Ce serait, je crois, la meilleure manière d’adapter le cadre des négociations internationales aux enjeux globaux en quelque sorte, de globaliser la coopération par la pluralité des acteurs.

Pr Samir Allal
Université de Versailles/ Paris-Saclay

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