News - 19.10.2022

L’Union européenne invite la Tunisie à suspendre l’application des mesures de restrictions des importations

Lettre Union Européenne - Ministère du Commerce

L’Union européenne a fait part aux autorités tunisiennes de son inquiétude par rapport à des mesures de restrictions des importations annoncées. Elle a invité le ministère du Commerce et du Développement des exportations à suspendre leur application qui entre en vigueur le 17 octobre courant. Dans une lettre de trois pages, adressée à la ministre, depuis Bruxelles, et signée par Léon Delvau, conseiller principal à la cohérence des relations commerciales, au sein de la direction générale du Commerce, la Commission européenne souligne qu’elle se tient à disposition « pour échanger d’urgence sur ces sujets d’importance pour les deux parties. »

La liste des griefs faits par Bruxelles aux mesures édictées est longue. « Le système de contrôle technique à l’importation en place est un mécanisme de contrôle technique complexe, et peu transparent, qui ne semble pas basé sur une analyse des risques et représente une importante barrière à l’entrée. » Aussi, « l’obligation d’importer directement de l’usine sans passer par l’intermédiaire des distributeurs et de soumettre la facture de l’usine pour obtenir l’autorisation d’importation remet fondamentalement en question les relations commerciales et contractuelles entre partenaires économiques et sera rédhibitoire. »

Plus, encore « le fait que chaque opération d’importation devra être autorisée au préalable par le service compétent correspond à une licence non-automatique à l’importation. Ceci n’est pas conforme aux engagements bilatéraux de la Tunisie avec l’Union européenne ni à l’Organisation Mondiale du Commerce, comme soulevé dans le cadre des mesures restrictives mises en place en 2020 pour l’importation des fromages et chocolat, malheureusement toujours en vigueur. »

« La lourdeur administrative induite par l’obligation de présenter 8 documents au service compétent est considérable, pointe Bruxelles du doigt. Parmi eux figure un certificat de vente libre. Exigé depuis 2017 pour trois types de produits, il est désormais étendu à 130 lignes tarifaires. L’Union européenne qui demande depuis 2017 l’abolition des certificats regrette sa généralisation qui alourdit les démarches sans apporter plus de sécurité au consommateur tunisien. »

«  L’UE note par ailleurs avec regret que la Tunisie à ce stade n’a notifié à l’OMC ni la transparence de ses mesures douanières ni les points de contact pour la coopération douanière dans le cadre de l’Accord pour la Facilitation des Echanges. »

« Nous notons votre intention de réviser la valeur référentielle servant de base au calcul et au paiement des droits et taxes lors de la libération de la marchandise par les services de la douane tunisienne et élargir la liste de produits ciblés. Nous rappelons toutefois que l’Accord de valeur en douane de l’OMC, auquel il est fait référence dans notre accord bilatéral, établit précisément les procédures pour établir la valeur en douane et exclut le recours à des valeurs minimales. »

« Enfin, nous notons avec grande inquiétude le projet d’élargissement de la liste des produits soumis à l’avance sur l’impôt et d’augmentation de la valeur de cette avance. La pratique en vigueur depuis 2017 de prélever 10% de la valeur des marchandises importées pose problème aux entreprises européennes exportatrices, notamment les plus petites, car cette avance nécessite une mobilisation importante de trésorerie. Nous l’avons soulevé à maintes reprises et sa possible extension nous conduit à réitérer et amplifier ce point. Ces mesures viendraient s’ajouter à la hausse conséquente des droits de douanes qui ont affecté certaines exportations européennes depuis le 1er janvier 2022. Elles iraient à l’encontre des efforts menés par la Tunisie pour se réformer, s’ouvrir et attirer notamment des investisseurs étrangers. »

Texte intégral

Madame la Ministre,

Permettez-moi de vous faire part de l’inquiétude de l’UE par rapport à des mesures de restrictions des importations annoncées dans la presse par votre Ministère; une des mesures entrant déjà en vigueur le 17 octobre.

Nous sommes conscients des défis économiques qui se posent à la Tunisie, aggravés par les tensions sur les marchés internationaux, et de la volonté du gouvernement d’engager le pays dans la voie de réformes économiques structurelles ambitieuses. Nous aimerions à cet égard souligner l’importance d’éviter toute mesure de nature à restreindre les échanges pour poursuivre des objectifs économiques. L’Union européenne coopère d’ailleurs avec la Tunisie pour l’aider à promouvoir ses exportations et diversifier les marchés, notamment en Afrique, ou encore pour réduire la consommation énergétique. Nous sommes aussi sensibles à votre détermination à lutter contre la contrebande et la fraude qui sont évidemment des fléaux qui nuisent au développement économique.

Par contre, l’Union européenne a signalé à de nombreuses reprises que le système de contrôle technique à l’importation en place est un mécanisme de contrôle technique complexe, et peu transparent, qui ne semble pas basé sur une analyse des risques et représente une importante barrière à l’entrée. Ceci est considérablement aggravé par l’introduction d’un contrôle préalable à l’importation d’une longue liste de biens dits de consommation.

L’obligation d’importer directement de l’usine sans passer par l’intermédiaire des distributeurs et de soumettre la facture de l’usine pour obtenir l’autorisation d’importation remet fondamentalement en question les relations commerciales et contractuelles entre partenaires économiques et sera rédhibitoire.

Le fait que chaque opération d’importation devra être autorisée au préalable par le service compétent correspond à une licence non-automatique à l’importation. Ceci n’est pas conforme aux engagements bilatéraux de la Tunisie avec l’Union européenne ni à l’Organisation Mondiale du Commerce, comme soulevé dans le cadre des mesures restrictives mises en place en 2020 pour l’importation des fromages et chocolat, malheureusement toujours en vigueur.

La lourdeur administrative induite par l’obligation de présenter 8 documents au service compétent est considérable. Parmi eux figure un certificat de vente libre.
Exigé depuis 2017 pour trois types de produits, il est désormais étendu à 130 lignes tarifaires. L’Union européenne qui demande depuis 2017 l’abolition des certificats regrette sa généralisation qui alourdit les démarches sans apporter plus de sécurité au consommateur tunisien.

Permettez-moi de souligner que, pour une cinquantaine de lignes tarifaires visées parmi les 130 lignes au total, le premier pays d’origine des importations en Tunisie est un pays de l’Union européenne. Nous sommes donc directement impactés par ces mesures.

Enfin, les entreprises européennes signalent qu’elles utilisent elles-mêmes certains de ces produits dans leurs opérations en Tunisie, et que donc l’impact sera aussi ressenti par les opérateurs économiques.

L’UE note par ailleurs avec regret que la Tunisie à ce stade n’a notifié à l’OMC ni la transparence de ses mesures douanières ni les points de contact pour la coopération douanière dans le cadre de l’Accord pour la Facilitation des Echanges. Ceci n’aide pas à la bonne gestion des échanges avec l’UE et les autres membres de l’OMC, ni à l’intégration de la Tunisie dans des chaînes de valeur.
Nous aimerions porter à votre attention les observations suivantes sur d’autres mesures de restriction des importations qui ont été évoquées dans la presse.

Nous avons noté votre volonté de renforcer le contrôle sur l’origine des marchandises. Nous nous tenons bien évidemment prêts à coopérer avec vous dans le cadre de notre coopération douanière. Par ailleurs, je souligne que dans le cadre des règles révisées de la Convention régionale sur les règles d’origine préférentielle pan-euro méditerranéennes, auxquelles la Tunisie n’a à ce stade pas adhéré malgré l’accord technique de votre ministère donné en mars 2021, des systèmes de certifications électroniques fiables sont en cours d’élaboration et déjà développés par certains partenaires. L’UE fera une proposition concrète dans les jours à venir pour laquelle nous espérons le soutien de la Tunisie.

Nous notons votre intention de réviser la valeur référentielle servant de base au calcul et au paiement des droits et taxes lors de la libération de la marchandise par les services de la douane tunisienne et élargir la liste de produits ciblés. Nous rappelons toutefois que l’Accord de valeur en douane de l’OMC, auquel il est fait référence dans notre accord bilatéral, établit précisément les procédures pour établir la valeur en douane et exclut le recours à des valeurs minimales.

Enfin, nous notons avec grande inquiétude le projet d’élargissement de la liste des produits soumis à l’avance sur l’impôt et d’augmentation de la valeur de cette avance.
La pratique en vigueur depuis 2017 de prélever 10% de la valeur des marchandises importées pose problème aux entreprises européennes exportatrices, notamment les plus petites, car cette avance nécessite une mobilisation importante de trésorerie. Nous l’avons soulevé à maintes reprises et sa possible extension nous conduit à réitérer et amplifier ce point.

Ces mesures viendraient s’ajouter à la hausse conséquente des droits de douanes qui ont affecté certaines exportations européennes depuis le 1er janvier 2022. Elles iraient à l’encontre des efforts menés par la Tunisie pour se réformer, s’ouvrir et attirer notamment des investisseurs étrangers.

Nous nous tenons à votre disposition pour échanger d’urgence sur ces sujets d’importance pour les deux parties. En attendant, nous vous invitons à suspendre l’application des mesures qui entrent en vigueur le 17 octobre.

Je souhaiterais aussi profiter de cette occasion pour rappeler la demande adressée au Ministère des Affaires Etrangères le 22 mai 2022 demandant à recevoir une liste à jour des tarifs préférentiels en vigueur vis-à-vis de l’Union européenne, afin que nos opérateurs économiques aient une base fiable sur les droits applicables.

Veuillez agréer, Madame la Ministre, l'expression de ma considération distinguée,

Leon DELVAUX