Blogs - 26.11.2010

La violence contre les femmes : quand les langues se délient

La société tunisienne fait sa mue. L'un après l'autre, les tabous tombent, les langues se délient, sonnant le glas de cette hypocrisie généralisée dans laquelle on avait  vécu pendant des siècles, Il faut bien se rendre à l'évidence. Le Tunisien n'est ni ange, ni bête, mais tout simplement un être humain avec ses qualités et ses travers, ses faiblesses et ses vertus.

Pour avoir refoulé et couvert pendant aussi longtemps d'un voile pudique, des sujets aussi graves que les violences conjugales, la maltraitance des enfants, ou les perversions sexuelles, on avait fini par croire qu'on en était immunisé et qu'elles étaient   l'apanage de "l'occident décadent". Parce que la société, plutôt que de se regarder dans le miroir qu'on lui tendait a préféré se voiler la face, contraignant des milliers de victimes à s' emmurer dans leur silence.

Aujourd'hui, la société a changé et un nombre croissant de victimes de ces déviations, enfin désinhibées, ont le courage d'en parler et de les dénoncer non seulement dans le secret d'un cabinet médical ou dans l'anonymat d'un appel à travers le numéro vert du ministère de la femme, de l'enfance et des personnes âgées, mais également en public.

La célébration de la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes (la violence fondée sur le genre, comme on dit aujourd'hui) a permis de prendre la mesure de l'ampleur de ce phénomène dans le monde et notamment dans notre pays. Selon une étude récente pas moins de 66% des femmes tunisiennes sont l'objet de violences physiques et 8% d'entre elles, subissent des violences sexuelles. Cinquante quatre ans après la promulgation des lois les plus libérales du monde musulman sur les droits de la femme, la majorité des Tunisiennes se disent victimes de pratiques qu'on croyait appartenir à des temps révolus. Ceci sans parler des victimes consentantes au nom d'une interprétation très personnelle de la loi divine. Il faut ajouter à l'oppression, la conscience de l'oppression, disait Marx. La célébration de cette journée est une occasion renouvelée de rappeler les femmes à leurs droits et les hommes à leurs devoirs et aux deux parties au respect  que les uns doivent aux autres. La loi ne suffisant pas, il faut un effort de sensibilisation permanent.   Une société où une partie de la population en opprime une autre (femmes ou enfants) est une société bancale, claudicante, incapable de faire face aux défis qu'elle est appelée à relever.

Hédi Behi