News - 15.06.2022

Racisme et islamophobie : les électeurs français donnent une gifle mémorable à Zemmour et Cie

Racisme et islamophobie : les électeurs français donnent une gifle mémorable à Zemmour et Cie

Par Mohamed Larbi Bouguerra - Les électeurs français ont jeté dans les poubelles de l’Histoire, dimanche 12 juin 2022, bien des personnages controversés racistes, islamophobes et/ou misogynes. C’est le cas de Manuel Valls - l’ancien premier ministre socialiste, véritable girouette politique franco-espagnole - qui fut un temps propalestinien pour garder la mairie d’Evry dans l’Essonne puis se rallia au président Emmanuel Macron et aux thèses du CRIF espérant ainsi gagner un siège de député. Quant à Jean-Michel Blanquer, ancien ministre de l’Education Nationale, gros pourfendeur de la pensée décoloniale*, il voyait des islamogauchistes partout dans l’Université française. 

Mais le glas a sonné très fort pour l’enterrement du parti « Reconquête » d’Eric Zemmour, le semeur de haine raciste, islamophobe et misogyne et peut être même pour l’avenir de son chef, propulsé dans la politique par la télé du milliardaire Bolloré et par le Figaro. Rongé par l’ambition, Zemmour est une création du système médiatique qui abusait de la « fait-diversion » de l’actualité et du déclin des luttes sociales. Au service des médias, Zemmour ne faisait que choquer l’opinion pour faire de l’audience. (Lire Gérard Noiriel, « Le venin dans la plume. Edouard Drumont, Eric Zemmour et la part sombre de la République », La Découverte, Paris, 2021).

« Reconquête » en souvenir probablement des Rois Catholiques qui mirent fin à la présence arabe en Espagne en 1492. Zemmour oubliant (?) qu’Isabelle, cette charmante reine, a aidé Torquemada dans l’installation des terribles tribunaux de l’Inquisition aux tortures atroces et qui a expulsé les juifs de son royaume. Ces juifs se réfugièrent pour la plupart en terres musulmane et ottomane. Le Vatican arrêta le procès en béatification d’Isabelle pour ces expulsions en 2018 !

N’ayant pas appris la leçon de sa cuisante défaite à la présidentielle - un rachitique 7% des voix - Zemmour, ce Français « pur jus » d’origine berbéro-algérienne dont les parents et les ancêtres nés en terre d’Islam ont ainsi échappé, des siècles durant, aux pogroms si courants endurés par les juifs en Europe.  Ils ont cependant obtenu la nationalité française grâce au décret Crémieux** qui visait à diviser le peuple algérien. Zemmour a tenu à se représenter aux élections législatives. Parachuté dans la 4ème circonscription du Var, celle de Saint Tropez où il n’était même pas inscrit, le polémiste plusieurs fois condamné pour ses propos racistes n’a pas obtenu les 12,5% des inscrits, seuil minimal de qualification pour participer au second tour des élections législatives du 18 juin prochain.  Ayant récolté un score insuffisant de 23,19% des votants qui l’a relégué à la troisième position, Eric Zemmour doit dire adieu à un siège au Palais Bourbon. Cette circonscription – où il avait engrangé son meilleur score à la présidentielle- était, selon ses dires, « un petit résumé de la France » - parce qu’y résident bien des nostalgiques de l’Algérie française ?

 Au total, la France n’a pas voulu du pétainiste Éric Zemmour, de ses appels haineux contre les Français d’origine africaine, de la théorie du « grand remplacement » contre les musulmans et contre les prénoms non français oubliant que le sien est d’origine scandinave. Son parti, « Reconquête », est gratifié d’un anémique 4, 24% des voix aux législatives et son grandiose projet d’union des droites a lamentablement échoué puisque le parti de Marine Le Pen n’a pas hésité à présenter un candidat à la députation dans la circonscription du Var où il s’était présenté ! Marine Le Pen a littéralement étranglé le parti de Zemmour - auquel s’était rallié sa nièce Marion Maréchal Le Pen - et a fait battre tous ses « ténors » comme Guillaume Peltier, son vice-président exécutif ou Stanislas Rigault, le jeune président de 23ans de « Génération Z » auquel le Monde avait consacré un article fleuve le 11 décembre dernier. Le RN a ainsi décapité « Reconquête ». Le Monde (14 juin 2022, p. 11) note : « L’échec d’Éric Zemmour est une très discrète mais intense satisfaction chez les cadres du Rassemblement National » le RN de Marine Le Pen. N’ayant obtenu que peu de voix et ne pouvant compter sur aucun député, le mouvement « Reconquête » d’extrême droite présidée par Zemmour n’aura que très peu du financement public des partis même si lui, sa fortune est faite grâce à la vente de livres que les spécialistes considèrent pleins de contre-vérités et d’entorses historiques.  Au soir de sa cuisante défaite cependant, Zemmour ne peut s’empêcher de fanfaronner : « cinq années de travail acharné nous attendent ».

Autorisons-nous, pour clore ce développement, un éclat de rire grâce au Canard Enchaîné (15 juin 2022, p.1) qui rappelle que le 5 avril 2022 Zemmour déclarait : « Je serai au second tour. Ensuite, je serai soit président de la République, soit leader de l’opposition. »

Comme dit le proverbe tunisien « Celui qui compte seul est toujours gagnant. » Zemmour est ainsi la Pierrette de la fable de la Fontaine et il peut dire « adieu » maintenant à la présidence de la République et à la députation !

Il est à craindre hélas (et c’est moins rigolo) que la campagne menée par Zemmour ne laisse des traces car elle a libéré la parole raciste, fasciste et antimusulmane.

Du côté d’« Ensemble » qui soutient M. Emmanuel Macron, tout n’est pas réjouissant non plus. Aucune consigne claire n’est donnée si le candidat du président est face à un RN et à un candidat de gauche Nupes (Nouvelle Union Populaire, Ecologique et Sociale) par exemple. « On étudiera au cas par cas » telle est la consigne officielle. Très ambigüe ! Sous la présidence Macron, le gouvernement n’a-t-il pas voté la loi sur le séparatisme ? N’a-t-il pas essayé d’interdire des ONG propalestiniennes ? M. Darmanin n’a-t-il pas fait les yeux doux à Marine Le Pen ? Pire, l’ex-ministre des Sports Roxana Maracineanu, en ballottage défavorable, a exhorté les électeurs de sa circonscription à rejoindre son « front contre l'extrême gauche » c’est-à-dire contre la candidate Rachel Kéké, femme de chambre noire, syndicaliste à la CGT en passe d’être élue député sous l’étiquette du Nupes de Jean-Luc Mélenchon. Le ministre de l’Education nationale, M. Pap Ndiaye, si durement attaqué par l’extrême droite, sauve l’honneur et appelle à ne donner aucune voix au RN et à l’extrême droite rappelant à ses collègues du gouvernement que : « Le combat contre l’extrême droite n’est pas un principe à géométrie variable. »

Dimanche prochain, débarrassé des semeurs de haine à la Zemmour, les Français devront choisir entre un libéralisme qui ne taxe pas les riches et défend les milliardaires et une économie au service des hommes, du pays et de son environnement (énergie, changement climatique, biodiversité, pesticides…).

Mohamed Larbi Bouguerra

* Il s’agit d’études décoloniales visant à critiquer le système économique néolibéral et à décoloniser les rapports humains. (L’Humanité, 10 janvier 2022, p. 8).

** La sénatrice Esther Benbassa rappelle que le décret Crémieux n’a pas accordé la nationalité française aux juifs du sud algérien car « trop proches des Arabes ».

La famille de cette sénatrice est d’origine juive andalouse. Elle a été expulsée d’Espagne au XVème siècle, après la chute de Grenade et a trouvé refuge à Istanbul.