News - 20.04.2022

La Tunisie, Leader du nouveau Mouvement des Non-alignés: rêve ou réalité!

La Tunisie, Leader du nouveau Mouvement des Non-alignés: rêve ou réalité!

Par Khadija T. Moalla

«Parler de liberté n’a de sens qu’à condition que ce soit la liberté de dire aux autres ce qu’ils n’ont pas envie d’entendre!» George Orwell.

Je ne sais pas qui visait Orwell par ‘les autres’, mais pour moi, il y a une majorité de patriotes qui aiment notre pays et qui voudraient tellement qu’il s’en sorte et, il y a les ‘autres’! Et contrairement à Orwell, j’ai décidé de ne pas me préoccuper de ces ‘autres’ qu’ils veuillent écouter ou non ce que j’ai à dire, je préfère m’adresser à la majorité de mes compatriotes, patriotes, amoureux de notre merveilleux pays !

De plus, cette ‘liberté’ dans laquelle nous vivons a montré clairement qu’elle n’est jamais acquise, vu les arrestations arbitraires dont on entend parler ici et là. Mais peu importe car les femmes et hommes d’honneur qui ont juré loyauté à leur patrie et qui se sont engagés de toujours dénoncer ce qui nuit aux intérêts du peuple, sont prêt(e)s à tous les sacrifices.

C’est dans ce cadre que je voudrais proposer que la Tunisie continue d’être pionnière comme elle l’a toujours été, et aussi concrétiser le vœu exprimé par la ‘Charte de la Terre’ qui aspire à ce que: «Notre époque soit celle du réveil d'un nouveau respect de la vie, de la ferme résolution de parvenir à la durabilité, de l'accélération de la lutte pour la justice et la paix, et de la célébration joyeuse de la vie»!

Dans les années 50, la Tunisie, avec d’autres pays tels que l’Inde, la Bulgarie et l’Egypte ont exprimé leur désir de ne pas appartenir à aucun des deux blocs: capitaliste ou socialiste. Ils ont simplement voulu ne pas s’aligner, et se protéger de l’influence des Etats-Unis et de l’URSS, d’où est né le Mouvement des Non-alignés(1), grâce à la proposition faite par Gamal Abdel Nasser(2), Josip Broz Tito, Soekarno et Jawaharlal Nehru. Ce Mouvement(3) serait-il né s’il n’y avait pas eu ces leaders, nul ne pourrait l’affirmer. Mais le fait est qu’à un moment de l’Histoire de l’Humanité, il y a eu des leaders, libres et fiers, comme le Zaim Bourguiba, et qui n’ont pas voulu s’aligner sur les politiques d’un des deux pôles des super puissants, mais plutôt affirmer la pleine souveraineté de leur pays nouvellement indépendants, pour certains.

A l’heure actuelle où la Russie est en train de s’allier avec la Chine, la Corée du Nord et d’autres pays afin de recréer un nouveau pôle, pour faire face à l’hégémonie Américaine, qui depuis la chute du Mur de Berlin, a voulu contrôler le monde avec ses alliés Européens, est-il permis de rêver d’une renaissance du Mouvement des Non-alignés, ou de son renouveau et renforcement grâce un nouveau souffle ?

Non seulement je prétends que oui, mais de plus, je prétends que la Tunisie peut jouer un rôle pionnier pour diriger la renaissance de ce Mouvement. Je suis convaincue qu’un tel renouveau est capital non seulement pour la Tunisie, mais aussi pour tous les pays qui traversent la même crise économico-financière, politique, sociale et culturelle!

Si lors de la conférence d'Alger (1973), le mouvement avait initié le «Nouvel ordre économique mondial» (NOEI)(4),  et suggéré des mesures concernant les matières premières, le financement du développement, l'industrialisation, les transferts de technologie et le contrôle des firmes multinationales; aujourd’hui, nous faisons face à un contexte similaire, qui a besoin du même courage et de beaucoup de créativité. C’est pour cela que je voudrai emprunter au Chinois la définition du mot ‘Crise’ qui se compose de deux syllabes : ‘Wei-Ji’ ! Si la première syllabe veut dire ‘danger’, la deuxième veut dire ‘point de basculement vers une nouvelle opportunité’. Cette approche nous apprend qu’au lieu de passer son temps à se lamenter sur notre situation, il est impératif de voir cette crise comme un levier et un tremplin pour se projeter vers un avenir riche en opportunités. Ainsi, la Tunisie devrait exploiter cette ‘crise’ comme une opportunité pour repartir sur des bases solides vers un nouveau modèle de développement capable d’assurer une croissance inclusive qui ne laisse aucune catégorie de la population en marge du développement.

Au niveau des pays qui traversent le même genre de crise, une de ces opportunités serait de s’unir en un front commun afin de déclarer haut et fort notre volonté de ne pas appartenir à aucun bloc, mais surtout de sortir du cercle vicieux où nous n’arrêtons pas de tourner et de nous enfoncer, chaque jour, un peu plus. Un cercle d’une dette non viable, accumulée grâce à des gouvernants véreux et corrompus et la complicité d’un système monétaire international qui continue à octroyer des prêts, tout en sachant pertinemment que ces prêts ne vont pas garantir le développement. En effet la spirale infernale qui a engloutit nos pays, nous empêche de mettre en œuvre un nouveau modèle de développement, afin de faire face aux inégalités croissantes et un appauvrissement sans précédent de la majorité de nos peuples. Cet engagement a déjà été pris par tous les Etats, spécifiquement dans l’Objectif No 10 des Objectifs du Développement Durable, qui affirme l’engagement des Etats de: «Réduire les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre». La réalité nous prouve malheureusement que cet engagement n’a pas été suivi d’actions concrètes, au contraire, les écarts se creusent de plus en plus entre les pays et au sein de chaque pays.

Faire face en tant que bloc uni pour exiger une amnistie de 10 ans de non-remboursement de la dette afin de pouvoir éviter une famine généralisée qui n’est de l’intérêt de personne. En effet, la famine risque d’entrainer des guerres civiles et des violences inouïes dont ces pays mettront des décennies à s’en remettre. Cette amnistie devrait être entreprise en même temps qu’une restructuration des institutions financières internationales de Bretton Woods afin qu’elles assument le rôle d’aider ces pays à se développer et non pas à s’appauvrir plus que jamais.

La Tunisie a intérêt à clore la période transitoire et tout ce qui rappelle l’avant 25 juillet 2021, le plus tôt possible, et prendre la tête de file des pays qui se noient dans le même tourbillon économico-financier. En effet, j’ai l’intime conviction que nous ne pourrons pas nous en sortir tous seuls ! Faire face, seuls, a des puissances dont le seul but est d’asphyxier les peuples, de les exploiter, quitte à mettre leur pays à feu et à sang ; est suicidaire. C’est ce qu’a compris l’Ours Russe, en s’alliant à la chine et à d’autres pour faire face à l’hégémonie Americano-Européenne. Il a compris qu’il ne pourrait pas gagner la bataille seul face à eux, l’Ukraine n’étant qu’un alibi et probablement le premier pays sur sa liste. Une liste qui sera aussi longue que durera l’entêtement des uns et des autres dont les enfants ne sont pas offerts comme chair à canon dans cette guerre sans nom et qui risque de se mondialiser.

S’en sortir ensemble est le seul choix qui reste à tous les pays, qui comme la Tunisie sont arrivés au bord du précipice de la faillite. Continuer à perdre un temps précieux à s’entêter à vouloir mettre en œuvre des solutions qui n’en sont pas, peut-être qualifié un jour de non-assistance à peuple en danger ! De plus, se trompe celui qui croit que la loyauté du peuple est éternelle. Elle est éphémère et disparaitra le jour où les citoyens ne pourront plus supporter d’entendre les pleurs de leurs enfants qui ont faim, froid et manquent de tout.

Si l’Histoire a gardé fidèlement dans sa mémoire le nom de ces Leaders qui se sont unis dans ce Mouvement des Non-alignés pour le bien-être de leur peuple, cette même Histoire maudira à jamais les bourreaux qui ont conduit leurs peuples au poteau d’exécution et tous leurs complices, qui savaient mais qui se sont tus face au massacre !

Je conclurai par la très sage citation de la «Charte de la Terre», qui nous interpelle et nous invite à réfléchir sur le fait que: "Nous nous trouvons à un moment critique de l'histoire de la Terre, un moment où l'humanité doit choisir son avenir. Alors que le monde devient de plus en plus interdépendant et fragile, l'avenir est à la fois porteur de grands périls et de grandes promesses [...] Comme jamais auparavant dans l'histoire, le destin commun nous invite à chercher un nouveau départ."

C’est vers ce nouveau départ, que j’invite la Tunisie à se diriger !

Khadija T. Moalla

(1) Le terme de « non-alignement » a été inventé par le Premier ministre indien Nehru lors d'un discours en 1954 à Colombo. Dans ce discours, Nehru a décrit les cinq piliers à utiliser pour les relations sino-indiennes, qui ont été pour la première fois mises en avant par le Premier ministre chinois Zhou Enlai. Appelés Panchsheel (les « cinq principes »), ces principes servent plus tard de base au mouvement des non-alignés.

(2) Déclaration de Brioni du 19 juillet 1956.

(3) Création: 1ᵉʳseptembre1961 (Belgrade), mais aussi 31décembre1953 (Panchsheel), 18avril1955 (Bandung), 19juillet1956 (Brioni) et 5septembre1973 (Alger)

(4) Adopté par consensus lors de l'Assemblée Générale des Nations unies le 1er mai 1974,