News - 18.03.2022

Mohamed Derbel : Fitch Ratings dégrade la note souveraine de la Tunisie

Mohamed Derbel : Fitch Ratings dégrade la note souveraine de la Tunisie

L'agence de notation Fitch Ratings a abaissé, aujourd’hui le vendredi 18/03/2022, la note souveraine de la Tunisie de «B-»  à « CCC » comme l’a déjà fait Moody’s le 14 octobre 2021 en classant la Tunisie dans la catégorie spéculative « Caaa1 » avec perspectives négatives.

Une dégradation attendue malgré les efforts qui sont entrain d’être fournis par le gouvernement pour dégripper une situation économique difficile post-COVID et accentuée par une guerre qui bombardera sans merci nos équilibres budgétaires déjà très fragiles (compensation de l’énergie, des céréales, des produits de première nécessité…etc.).

Fitch Ratings a argumenté cette dégradation par une prédiction macroéconomique mais aussi politico-sociale sur les 10 volets suivants:

1- Le retard probable dans la mise en place du programme du FMI par lequel la Tunisie comptait recevoir 4 milliards de dollars de financement extérieur. Le financement du FMI ne sera probablement possible que courant le 2ème semestre 2022 ce qui entraînerait des retards supplémentaires dans les remboursements des créanciers de la Tunisie et ce qui conduira la Tunisie à compenser le faible financement extérieur net en empruntant massivement sur le marché local ;

2- Les risques liés au programme du FMI : Malgré les progrès réalisés pour faire converger les positions du gouvernement et du syndicat sur le programme de réforme, il existe une forte opposition sociale aux réformes budgétaires et peut-être aux échéances politiques prévues tels que le référendum constitutionnel (juillet 2022) et les élections législatives (décembre 2022). Cela signifie qu'un accord pourrait ne pas être atteint et que le gouvernement pourrait avoir du mal à mettre en œuvre les réformes requises pour les décaissements prévus du FMI ;

3- Les risques accrus de liquidité budgétaire et externe avec les retards dans l'accord sur un nouveau programme avec le FMI ;

4- L'opposition sociale enracinée et les frictions permanentes avec les syndicats qui limitent la capacité du gouvernement à adopter des mesures d'assainissement budgétaire fortes, compliquant ainsi les efforts visant à sécuriser le programme du FMI ;

5- Le déficit budgétaire qui se creusera à 8.5% du PIB en 2022 contre 7.1% en 2021 ;

6- L’importance des besoins en financement résultants du déficit budgétaire mais aussi des remboursements des dettes antérieures dont plus du tiers sont extérieures (9.2% du PIB en 2022 et 8.9% du PIB en 2023 dont 3.1% et 4.2% du PIB respectivement sont des amortissements de dettes extérieures)

7- La restructuration de la dette qui n’est pas exclue : En 2021, le FMI a estimé que la dette de la Tunisie "deviendrait insoutenable à moins qu'un programme de réforme solide et crédible ne soit adopté avec un large soutien". Dans un scénario sans réforme, la Tunisie pourrait finalement être considérée comme nécessitant un passage par le Club de Paris avant d'être éligible à un financement supplémentaire du FMI ;

8- La hausse prévisionnelle de l'inflation, qui devrait atteindre environ 8 % en 2022, et la pression sur les réserves extérieures avec la hausse des coûts d'importation et les emprunts extérieurs limités. Une érosion progressive des réserves internationales (de 9,9 milliards de dollars fin 2021) est attendue qui aura un effet dépresseur sur le dinar ;

9- La croissance économique anémique : Le PIB n’a augmenté que de 3,1 % en 2021 après une contraction de 8,7 % en 2020 et qui restera inférieure à 2,5 % à moyen terme, 

10- Le mauvais classement de la Tunisie au World Bank Governance Indicators (WBGI) (46ème) reflétant une faible stabilité politique, un état de droit et des droits de participation au processus politique établis mais affaiblis et une capacité institutionnelle modérée et un niveau de corruption perçue.

La performance de la Tunisie dans le cadre des deux accords précédents avec le FMI a été médiocre. Les programmes ont constamment subi de longs retards et une résiliation anticipée pour non-conformité. Ceci a décrédibilisé la Tunisie auprès de tous les bailleurs de fonds internationaux.

Aujourd’hui, nous nous trouvons dans une impasse de financement qui doit être résolue d’urgence.

« La bonne solution est parfois celle qui nous rend malades... »

Mohamed Derbel
Expert-Comptable-International Liaison Partner- BDO Tunisie