News - 10.12.2021

Tunisie: Le malheur des uns…

Tunisie: Le malheur des uns…

Par Slaheddine Dchicha - L’incendie qui s’est déclaré ce  jeudi 9 décembre 2021, au  siège du parti  islamiste Ennahdha à  Montplaisir , s’est soldé par le décès de la personne qui en s’immolant a déclenché le feu et par l’hospitalisation de  18  personnes,  dont deux  dirigeants du parti, souffrant  de  blessures ou d’asphyxie.

Face à ces Images insoutenables du local des flammes et des personnes qui pour fuir le feu et les  fumées toxiques se jettent par les fenêtres, à en juger par les réseaux sociaux et par les réactions et  les posts des internautes, hormis une toute infime minorité qui a éprouvé de l’empathie et de la  tristesse, une grande majorité a semblé se réjouir et certains n’ont pas hésité à rire et à se moquer de  Ali Larayedh qui par un réflexe humain de survie a sauté par la fenêtre.

Schadenfreude

Cette attitude «sadique» consistant à se réjouir, à éprouver du plaisir face à la souffrance ou au  malheur d’autrui est connue depuis fort longtemps puisqu’elle se trouve déjà mentionnée par  Aristote, mais son étude systématique n’a commencé qu’avec Freud et la psychanalyse sous le nom  allemand de «Schadenfreude». Mot qui signifie «la joie éprouvée du dommage que subit autrui» et  qui  peut  être rendu par l’arabe «Shmata».

Outre l’attitude  primaire, le rire facile, vulgaire et de mauvais goût… dont elle témoigne, cette «shmata» en dit long sur ceux qui l’éprouvent d’où l’intérêt de son examen.

Malgré l’apparence de surpuissance que peut donner le tonitruant slogan «le peuple veut» répété à  satiété comme un  mantra,  le «peuple» est en fait fragile n’ayant que peu d’estime et de  confiance  en soi. D’où son ressentiment  vis-à-vis d’une entité supposée  puissante et donc  chargée de tous les  phantasmes tout en oubliant au passage sa part de responsabilité dans le  succès d’Ennahdha. Elle est enviée et jalousée mais lorsqu’elle trébuche de son piédestal, ses nombreux «adversaires-ex-supporters ou pas» éprouvent une joie maligne qui les console. En effet, les Tunisiens semblent  se  consoler et se venger mais indirectement, sans se salir les mains, du Parti Ennahdha qui a dominé  pendant  dix ans la vie politique et qu’ils rendent responsable de la vie chère, du  chômage, de  l’insécurité, du  terrorisme, de  la corruption, bref de tous leurs malheurs… d’autant que par ailleurs, les  dirigeants de ce parti se son vite enrichis et qu’en parfaits nouveaux riches  parvenus, ils  l’exhibent de façon ostentatoire et vulgaire… Rien de surprenant !

L’instrumentalisation

Les individus comme les  masses peuvent se réjouir du «malheur des autres» mais lorsque les hommes politiques s’en  saisissent, c’est pour en faire un tout  autre usage.

En ces moments tragiques où une vie humaine a été perdue et d’autres restent menacées, Rached Ghannouchi, le Président du Pari islamiste, au lieu d’être à la hauteur de l’événement, grave  et  solennel, n’a pas résisté à son démon et il s’est  adonné à l’exercice habituel, trivial voire  méprisable de  tout animal politique, l’instrumentalisation de l’événement.

Alors  que  les  informations  ont  déjà  circulé  sur    la personne décédée,  Sami l’ ancien agent d'accueil d'Ennahdha :son âge, son militantisme au sein d’Ennahdha, ses années de prison, ses difficultés financières, son abandon par son parti et par ses dirigeants, …Ghannouchi en fait un «martyr» "C'est, a-t-il déploré,  une autre victime de la pauvreté et la marginalisation (...) et d'une guerre médiatique injuste contre Ennahdha et ses militants".

Piètre sociologue, le Chef d’Ennahdha retourne les arguments et devient une victime qui accuse pêle-mêle la pauvreté, la marginalisation et la guerre médiatique. Le  pauvre Sami aura été ainsi utilisé et  instrumentalisé deux fois, de son vivant et après sa mort!

En Ponce Pilate, si l’on ose pour un frère musulman, Ghannouchi s’en lave les mains! Confortant ainsi le ressentiment ambiant et la «Schmata».

Slaheddine Dchicha

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