News - 23.08.2021

Tunisie, la révolution par le haut?

Tunisie, la révolution par le haut?

Par Slaheddine Dchicha - Au plus fort de la première vague de la crise sanitaire, certains penseurs et analystes ont considéré le virus comme un verre grossissant qui a rendu visible ce qui ne l’était pas à l’œil nu; d’autres, ce qui revient d’ailleurs au même, l’ont comparé à un révélateur, cette solution chimique utilisée en photographie pour rendre visible l’image latente. En somme, dans l’un et l’autre cas, le Covid 19 a dévoilé les dysfonctionnements profonds des sociétés, à telle enseigne qu’ils ont commencé à imaginer le monde après la crise qui selon leurs dires devrait être totalement nouveau et différent et tourner le dos à tous les travers révélés par le virus.

Le passage à l’acte de Kais Saïed

En Tunisie, où on ne fait jamais les choses comme tout le monde, à la focale grossissante du Covid 19 s’est ajoutée celle de Kais Saïed (KS), le 25 juillet. Grâce à cette double acuité, la situation économique, sociale et politique désastreuse qui n’était perçue et présentée par une classe politique indifférente et aveugle que comme une abstraction superficielle est devenue concrète et précise.

Cependant, malgré l’apparente évidence et nonobstant les actes décisifs posés par le chef de l’État: le gel des activités du Parlement, la levée de l’immunité des députés et la chasse aux corrupteurs et aux corrompus, l’après 25 juillet n’a pas encore commencé, il ne commencera, selon le fameux article 80 de la constitution qu’une fois le délai d’un mois sera révolu, c’est-à-dire mardi 24 ou mercredi 25 août.

La Tunisie d’après

Sans pour autant jouer au voyant ni au prophète, il est aisé d’affirmer que le suspens sera   très limité et que l’on peut prévoir ce qui va arriver sans trop de risque de se tromper. En effet, Kais Saïed l’a dit et répété à plusieurs reprises: il n’est nullement dans ses intentions de faire marche-arrière ni de revenir sur ce qu’il a entrepris. Mais, la tâche étant immense et nécessitant beaucoup de temps, il est tout à fait raisonnable de penser que le gel des activités du parlement et la levée de l’immunité des députés seraient prolongés et l’on peut tout aussi raisonnablement s’attendre à la prolongation des résidences surveillées de certains suspects car le temps est nécessaire voire vital à la machine judiciaire.

Il y a fort à parier que  plusieurs tranches de «temps additionnel» se succéderont et s’accumuleront car le chantier prévisible semble gigantesque, dans le désordre: révision  de la constitution; changement de la loi électorale; passage d’un régime parlementaire à un régime présidentiel; dissolution de certains partis et organisations politiques; organisation d’élections législatives anticipées; poursuites et jugements des corrompus; assainissement de la fonction publique; sécurisation du pays et prévention du terrorisme interne et externe… tout cela en plus de la gestion des affaires courantes… d’un état et d’un peuple!

Afin de s’accomplir dans la transparence et de façon démocratique, cette feuille de route demande beaucoup de temps, beaucoup de moyens et beaucoup de personnes compétentes et représentatives, à moins qu’elle ne se fasse en catimini, dans le secret et parachuté d’en haut de façon autoritaire.

Le premier cas donne la désagréable impression, par un colossal flash-back, de retourner une décennie en arrière, au moment où la révolution de 2011 a été confisquée par l’Islam politique; quant à la deuxième éventualité, elle rappelle les deux premières républiques durant lesquelles toutes les décisions, toutes les lois et toutes les réformes étaient prises en haut lieu et parachutées sur les classes populaires, Top to down, comment aiment à dire les branchés du Management!.

Slaheddine Dchicha