News - 09.08.2021

Tunisie: Le temps des passions tristes

Tunisie: Le temps des passions tristes

Par Slaheddine Dchicha - Depuis  l’activation  de l’article 80 de la constitution par Kaïs Saïed et surtout depuis le déclenchement d’une opération «mains propres» à la tunisienne visant 460 hommes d’affaires suspectés de corruption et certains partis politiques au financement supposé illégal, il règne en Tunisie une atmosphère délétère. En  effet cette «guerre» déclarée à la corruption a suscité les réactions les plus diverses et les plus variées.

La curée

Les Islamistes et leurs alliés, crient bien entendu à la dictature alors que certains médias étrangers parlent de la fin de la supposée «exception tunisienne» d’autres, surtout américains, sous influence islamiste appellent à conditionner toute aide à la Tunisie par le retour à la «vie démocratique». Quant aux partisans de Kaïs Saïed et surtout les plus radicaux parmi eux, plus royalistes que le Roi, semblent se transformer en autant de petits Robespierre.

En  effet, à lire les médias numériques, les blogs et autres réseaux sociaux en Tunisie, on  est vite  frappé par l’unanimisme  qui règne, unanimisme confirmé d’ailleurs par les sondages d’opinion puisque selon les résultats du dernier sondage d’ Emrhod Consulting publié dans la soirée du 28 juillet 2021, 87% des Tunisiens soutiennent les décisions  prises par le Chef de l’Etat  Kaïs Saïed  le  25  juillet.

Cette unanimité s’accompagne d’un déchainement de «passions tristes» pour reprendre l’expression de Spinoza, à l’égard des voix discordantes: certains juristes, analystes ou hommes politiques comme Yadh Ben Achour, Sophie Bessis ou Hamma Hammami… mais surtout à l’égard de ceux qui sont visés en premier lieu par les dispositions présidentielles, Ennahdha, ses dirigeants, son Chef et par extension tous les «Nahdhaouis», voire tous les Frères musulmans.

Du ressentiment

Cette attitude est très courante et très fréquente lorsqu’advient un nouveau pouvoir mais elle ne dispense pas de se demander qui a porté Ennahdha au pouvoir en votant pour elle en 2011, 2014  et 2019! Par ailleurs, à qui attribuer la défiguration de la «rue  tunisienne» par la profusion des voiles et des Kamis et la multiplication des barbes hirsutes ?

A la faveur de la liberté d’expression, un  des  rares  mais  incontestable acquis de la révolution de 2011, ces intransigeants et incorruptibles Robespierre de pacotille, après avoir été experts polyvalents et omniscients sur la toile, les voilà qui s’érigent, sous le couvert courageux de l’anonymat, en justiciers, partisans d’une justice expéditive qui ne s’embarrasserait ni de délations, ni de  dénonciations et qui n’hésiterait ni devant la vengeance ni devant les règlements de compte. A les entendre, il faudrait  dresser une guillotine sur  chaque  place publique.

L’intransigeance de ces éradicateurs  potentiels  semble  plus  que  suspecte et il y a fort à parier qu’il y aura retournement de veste dans un avenir proche comme cela a été constaté  plus  d’une  fois, car  comme chacun le sait, les Hommes surtout lorsqu’ils  forment  une  masse ou une foule, sont très versatiles! Ils risquent de se réveiller désenchantés en réalisant que les Islamistes ne  sont  qu’une  petite partie  du problème. En effet, et si Ennahdha  n’était  qu’un  paravent qui empêchait de voir une réalité beaucoup plus préoccupante ?

Nonobstant tout ce qui vient d’être dit, la  plupart des citoyens sont sincères et de bonne foi et Ils sont persuadés qu’en agissant de la sorte, ils soutiennent le Président et l’aident alors qu’ils ne font que  lui compliquer la tâche. Pour l’aider, il faut faire taire  la haine, le ressentiment, l’envie, le désir de vengeance…, toutes ces passions tristes. Le laisser travailler et raison garder !

Slaheddine Dchicha