News - 18.07.2021

Lutte contre la covid-19, l’espoir est encore permis

Lutte contre la covid-19, l’espoir est encore permis

Par Ridha Bergaoui - L’Aid el kébir est une fête où on se retrouve en famille. C’est une occasion de convivialité, de rencontre, de joie et de partage. Fêter l’Aïd en famille, comme à l’accoutumée, est cette année problématique. Le dilemme : la fête ou la pandémie n’est pas toujours facile à résoudre. Malgré les recommandations des autorités sanitaires et politiques et l’interdiction de déplacements interrégionaux, de nombreuses personnes sont rentrées chez elles pour  revoir parents et proches et fêter l’Aïd.

Une crise sanitaire très grave

La fête intervient cette année dans un contexte sanitaire exceptionnel. Le pays est en pleine crise et la pandémie covid-19 ne cesse de se propager et de commettre de sérieux dégâts entre décès (autour de 200/jour), de nouveaux infectés et  de plus en plus de personnes nécessitant oxygénation ou réanimation. Les hôpitaux sont saturés, l’oxygène risque de manquer, les équipes médicales débordées et épuisées  et le système sanitaire à bout de souffle, prêt à s’effondrer.

La vaccination, reconnue comme seul moyen efficace de combattre la pandémie, tarde à s’installer et le nombre de personnes vaccinées reste très faible malgré la contribution de l’armée et tous les efforts déployés au niveau national.
La Tunisie a dû faire appel à l’aide internationale pour avoir des doses de vaccins, des respirateurs, de l’oxygène et autre matériel hospitalier.

Sans accuser qui que se soit, nous sommes tous responsables. Il faut reconnaitre que la crise n’a pas été prise aux sérieux dés le début et qu’elle a été très mal gérée. Les conflits politiques et les luttes des influences et du pouvoir, l’instabilité politique ainsi que la situation chaotique au sein de l’ARC, ont fini par anéantir toute confiance du citoyen en la présente classe politique et aux décisions prises par les pouvoirs publics.

A ce jour, les chiffres officiels font état de 540 800 déclarés atteints de la covid-19 et 17 214 décès sans compter les quelques milliers de morts chez eux et non déclarés covid. La Tunisie est classée zone rouge et la situation est très préoccupante et très grave.

Une crise économique non moins importante

Comme partout dans le monde, la crise sanitaire s’est accompagnée d’une crise économique inévitable. Les mesures de confinement, de limitation de la circulation et des déplacements, le couvre feu, les mesures sanitaires pour limiter la propagation du virus entre l’interdiction des rassemblements et la distanciation… ont entrainé un ralentissement de l’activité économique et l’arrêt de nombreux secteurs comme le tourisme, les agences de voyage et de location des voitures, la restauration et cafés…
De nombreuses personnes se sont retrouvées, au chômage, sans emploi et sans ressources.

Fallait-il annuler et interdire la  fête de l’Aïd ?

En ne considérant que l’aspect sanitaire et pour combattre la pandémie covid-19, il aurait été raisonnable d’annuler la vente des moutons et les fêtes de l’Aïd. Vue la gravité de la situation et l’état du système sanitaire national, il aurait été judicieux de déclarer un confinement total et sévère de 10 à 15 jours pour rompre la chaine de contagion de ce variant delta très virulent qui n’épargne personne et qui s’attaque aux personnes âgées, jeunes et même aux bébés.

Toutefois, la situation est complexe. La population est en grande partie indisciplinée et rebelle. Le gouvernement est faible, hésitant et contradictoire. Il ne fait aucun effort pour donner le bon exemple et les responsables font le contraire de ce qu’ils recommandent pour le reste de la population. Un climat d’impunité général domine avec l’autorité de l’Etat qui est mise à rude à l’épreuve de nombreuses fois (le récent cas du député Rached Khiari est édifiant).

Par ailleurs, l’Aïd el kébir est une fête religieuse très importante pour la plupart des Tunisiens. Le sacrifice est considéré comme une obligation pour tous ceux qui ont les moyens financiers de se permettre d’acheter un animal à sacrifier. L’idée d’annuler cette année le sacrifice et faire don de la valeur du mouton pour acheter du matériel médical à donner aux hôpitaux  n’est pas cohérente puisque le don ne peut remplacer le sacrifice. Le mufti de la République Othman Battikh l’a bien  signifié, il y a quelques jours, sur les ondes de la radio IFM.

De nombreuse personnes ne croient pas à l’existence des risques de contagion ou pensent qu’on ne peut rien faire contre la maladie et la mort et que seul Dieu qui en décide. Il n’y a qu’à voir le nombre de personnes inscrites sur la plateforme evax, malgré les efforts quotidiens de communication déployés dans tous les médias, pour se rendre compte qu’une grande partie des Tunisiens n’est pas très convaincue ni très motivée de l’intérêt et l’efficacité de la vaccination ni des mesures préventives.

L’absence et les difficultés d’acheminement des soutiens et d’aides financiers aux populations défavorisées et des classes lésées par un confinement éventuel (commerçants, artisans et petits métiers informels…) risquent d’aggraver la situation d’une grande partie de la population dans la précarité et le besoin.

Pour toutes ces raisons un confinement total aurait été irréalisable et impossible à envisager. Tout le monde en est conscient, le président de la république l’a d’ailleurs déclaré à maintes reprises.

Une situation qui risque de s’empirer

La situation risque encore de s’aggraver suite aux fêtes de l’Aïd et le retour de toutes ces personnes qui, malgré les recommandations sanitaires, se sont déplacées chez elles et ont contacté famille, connaissances et proches dont certains sont sûrement atteints de la maladie.

L’insouciance et les négligences  ne sont pas prêtes à s’arrêter et des politiques de tout bord appellent déjà à des rassemblements et des manifestations pour le 25 juillet, fête de la république.

Cette  crise intervient en plein été, où les jeunes sont en vacance et veulent s’amuser, sortir, se promener et profiter du beau temps et de la plage. C’est également la saison des retours des tunisiens à l’étranger, des fiançailles et mariages et de la célébration des réussites scolaires et universitaires. Après plus d’une année et demie de restriction, depuis que la pandémie s’est déclarée au mois de mars 2020, les gens sont à bout et l’état psychologique et moral de la population est malmené et au plus bas.

Unissons-nous pour combattre ce fléau ravageur

Le Tunisien semble s’habituer à la pandémie, accepté qu’il y ait autant de malades et de décès et affronte la maladie avec insouciance et dédain. On dirait qu’il abdique, démissionne et se soumet impuissant à son destin.

Dans ce climat, morose et morbide est-il encore possible de combattre  et de reprendre notre destin en main ?

Certes la situation n’est pas du tout confortable mais il est encore temps d’espérer, de combattre et de s’en sortir aux moindres frais. Nous avons perdus des combats mais il est encore possible de gagner la guerre.

Sortir de la zone rouge rapidement et atteindre la zone verte doit être un objectif national prioritaire. Pour cela une prise de conscience générale de la gravité de la situation et un sursaut de patriotisme sont nécessaires pour réduire les dégâts. La présidence de la république doit prendre les choses en main. Les partis et politiques doivent laisser momentanément leurs querelles à coté. Les médias doivent contribuer positivement en essayant de remonter le moral des citoyens, de les motiver et les convaincre de l’importance de la vaccination et des mesures barrières. Les associations et la société civile doit œuvrer beaucoup plus pour éduquer, encadrer et informer le citoyen et l’appeler à respecter les mesures d’hygiène. Interdire et surtout respecter, contrôler et sanctionner sévèrement les rassemblements et le non respect des consignes de sécurité sont obligatoire pour tout contrevenant sans exception.

Accélérer la campagne de vaccination et bien gérer les dons et aides des pays amis sont deux éléments très importants dans la lutte contre la pandémie.

Enfin il ne reste plus que prier pour que Dieu nous protège, qu’il guérisse nos malades et bénisse nos morts. Que Dieu nous aide à arrêter la propagation de la maladie et qu’il donne du courage à tout le personnel de santé, ces blouses blanches  qui sont en premières lignes du combat contre la covid-19.

Bon Aïd à tous.

Ridha Bergaoui