Success Story - 24.10.2010

Asma Aïdi Elle gère 200 ingénieurs en Angleterre et 6000 en Inde

S’il vous arrive d’emprunter le métro de Sao Paoulo, Mexico, Bilbao, Singapore, Hongkong ou Shanghai, sachez qu’il y a une Tunisienne derrière une bonne partie de la performance logicielle de ces grandes réussites. Asma Aïdi (née Benzarti), pur produit de la Faculté des Sciences de Tunis, peut en être fière, mais ce ne sont pas là ses seules prouesses. Simultanément à Londres où, au sein de Steria, elle est Group Business Director, avec 200 ingénieurs, et en Inde, en tant que Chief Operating Officer, supervisant 6000 ingénieurs répartis sur 3 grands sites, elle contribue à l’expansion internationale de sa compagnie et incarne une superbe success story.

La brillante étudiante, matheuse et informaticienne et élève de Mohamed Ben Ahmed, Farouk Kammoun et Mohamed Moalla, partie très jeune du Campus, a su porter très loin une éclatante image du génie tunisien. En fait, dans cette saga, elle n’est pas seule. Son mari partage largement son parcours et se distingue aussi par une brillante carrière, sinon similaire. Hached Aïdi, qu’elle avait connu sur les bancs de la Faculté, est lui aussi une véritable success story. Focus.

Une citoyenne du monde qui n’oublie pas ses racines tunisiennes

Ne lui demandez pas où elle sera demain. Entre Londres où elle passe 10 jours par mois, New Delhi et les autres provinces indiennes qui lui prennent, 12 000 km plus loin, pas moins de 10 autres jours et Paris où réside son mari, Asma Aïdi risque de finir par habiter dans les aéroports. Mais son plus grand bonheur est de réunir autour d’elle sa petite famille (elle est mère de deux superbes garçons, étudiants à Londres), et de retrouver en grande famille, en Tunisie, entre Bizerte, Ras Jbel, Tunis et Sfax.

Quand elle a un moment de temps libre à Londres, elle adore répondre à une invitation de l’Ambassade de Tunisie, sentir l’odeur du pays. «Nous avons eu d’excellents représentant, confie-t-elle à Leaders. La toute dernière qui vient de rentrer à Tunis, Mme Hamida Mrabet Laabidi, a su entretenir avec la communauté les liens privilégiés noués par ses prédécesseurs, notamment à travers l’ATUGE Londres, l’association d’amitié et d’autres cercles. Elle laisse un très bon souvenir et nous sommes heureux d’accueillir son successeur, M. Hatem Atallah, précédé lui aussi par une réputation de grand diplomate».

Tout commence pour Asma et Hached en 1983 par cette belle histoire d’amour qui s’enflamme chaque jour davantage, lorsqu’ils partent en France, préparer à Jussieu leur DEA. De son lycée de la rue de Russie et du Campus, Asma garde le meilleur souvenir et héritera d’une bonne formation de base. Diplôme en poche, la voilà recrutée au sein de Thalès, pour se spécialiser dans les projets de transport, d’énergie et surtout de dispatching électrique. Coup de chance, Thalès remporte un marché avec la Steg et se met à la recherche d’une compétence tunisienne pour faire partie de l’équipe. Et c’est parti pour 15 ans.

Laborieuse, très méthodique et sachant faire avancer convenablement les projets qu’on lui confie, elle se trouvera sur tous les grands dossiers, en France et de par le monde. Développer des logiciels performants, participer à des innovations technologiques, contribuer à gagner des marchés, puis à les réaliser : avec la baraka et sa compétence, elle y réussit. Pallier N4 pour les centrales nucléaires, Meteor, ces trains et métros sans conducteurs, et autres avancées significatives : elle y était. Son nom devient connu, la concurrence cherche à la débaucher, mais elle tient à terminer tous ses projets.

Steria, le grand tournant

Le grand tournant viendra en l’an 1998. Steria finira par la séduire. Compagnie française spécialisée en services d’ingénierie qui s’appuient sur les nouvelles technologies et développe des solutions innovantes, elle cherche à s’internationaliser, visant notamment à s’implanter à Londres et, pourquoi pas, en Asie. C’est ce challenge qui motivera le plus Asma Aïdi. Et c’est ainsi qu’elle partira en 2000 d’abord à Londres, Singapore, puis à Hongkong et Kuala Lumpur, créer Steria Asie. Six ans durant, dans ce continent émergent où tout se booste au feu d’une rude concurrence mondiale, elle constituera ses équipes, imposera sa marque et raflera des marchés.

Mission accomplie, elle revient à Londres en 2006, pour piloter de grands projets (notamment l’informatisation complète du ministère de la Justice pour ce qui est des condamnés à des peines de prison et de contrôle judiciaire, etc.) et s’occuper de l’intégration de Xansa, une grande firme concurrente dont Steria fait l’acquisition en 2007, implantée en Angleterre et en Inde.

Sur trois sites, à New Delhi la capitale, Pune, près de Mombay, et Chennai se déploient pas moins de 6000 ingénieurs. Asma a la lourde tâche de les motiver, de les soutenir et de leur faire atteindre les objectifs de la compagnie. Au-delà des aspects purement technologiques, il y a aussi et surtout toutes les bonnes méthodes d’organisation, de management et de coaching.

Comment y parvient-elle ? Les maths lui avaient appris la voie de la rationalité pour bien synthétiser, aller droit au but, en suivant la bonne formule pour résoudre l’équation. Adulée par ses équipes, félicitée par son top management international et fière de ses résultats, elle s’accomplit heureusement dans sa mission. Aujourd’hui Steria est une grande compagnie internationale. Le Groupe a réalisé un chiffre d’affaires de 1 630 millions d’euros en 2009. Son capital est détenu à hauteur de 19,3 % par ses collaborateurs. Il déploie 18 300 salariés, répartis dans 16 pays, qui prennent en charge les systèmes, les services et les processus facilitant la vie quotidienne de millions de personnes, de quoi rendre Asma encore plus comblée.

Ferhat et Hached

Sa plus grande fierté, Asma, c’est d’abord sa famille et ses enfants. Dans le regard des siens en Tunisie, de ses deux enfants, et de son mari, Hached, elle lit le reflet du bonheur partagé. Son grand regret, c’est de ne pas faire profiter son pays de tout ce qu’elle a appris. Mais, elle ne désespère pas de le faire un jour.

Quant à Hached, son parcours mérite aussi d’être retracé. D’extraction modeste, il est le fils de Am Sadok Aïdi, orphelin à 15 ans qui avait trimé durement pour réussir ses études et devenir professeur de mathématiques et ensuite évoluer au sein du ministère de l’Education nationale. Le hasard et la chance lui feront découvrir une jeune collègue débarquée de sa Bretagne natale pour enseigner en Tunisie, Mlle Jourdren.

Le grand amour scellé par le mariage commence par leur donner sept beaux enfants. Am Sadok Aïdi avait pour voisin l’illustre leader syndicaliste Ferhat Hached, et sans trop y réfléchir, le jeune couple décide de donner à chacun de leurs deux premiers garçons l’un le prénom, l’autre, le nom de ce leader et c’est ainsi que les deux frères ont été prénommés Ferhat et Hached. Le premier est enseignant universitaire, alors que le second, super ingénieur, voguera lui aussi entre la France et l’Asie, notamment sous les couleurs d’Alstom. Basé désormais à Paris, il est, également, en charge de grands projets, rejoignant ainsi la vocation de sa douce moitié.
Nous y reviendrons.