News - 18.05.2021

Lamorgese et Johansson, ce mercredi à Tunis: L’Italie et l’UE pressent Tunis de renforcer la lutte contre la migration clandestine, sauf que...

Lamorgese et Johansson, ce mercredi à Tunis : L’Italie et l’UE pressent Tunis de renforcer la lutte contre la migration clandestine, sauf que...

D’une même voix, l’Italie et l’Union européenne reviennent à la charge pour demander à la Tunisie de renforcer davantage le démantèlement des réseaux de passeurs et la lutte contre la migration clandestine vers l’île de Lampedusa. Au risque de se limiter au sécuritaire, sans prendre en charge la question dans sa globalité. Avec l’arrivée de l’été marquant habituellement la recrudescence des traversées, il s’agit de soutenir le dispositif de surveillance des rivages et la traque des trafiquants d’êtres humains. La ministre italienne de l’Intérieur, Luciana Lamorgese, est dépêchée ce mercredi à Tunis, en compagnie de la Commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, pour s’en entretenir avec les autorités tunisiennes. Mme Lamorgese n'est pas à sa première visite en Tunisie à ce sujet. Elle y était venue l'été dernier en juillet, puis en août 2020...

Jusque-là, le discours est essentiellement sécuritaire, sur fond d’aide au développement pour créer des emplois. L’espoir de réduire le nombre de ceux qui sont tentés par la migration clandestine, bien risquée, est loin de se réaliser. Certes un contrôle plus rigoureux des rivages, notamment au cours de l’été dernier, a permis de réduire le nombre des départs, mais sans pour autant l’avoir freiné. A peine démantelé, les réseaux se reconstituent, le traitement sécuritaire s’avère limité. Le rapport annuel du FTDES sur la migration non-réglemntée, pour l'année 2020, qui vient de paraître, est édifiant à cet égard.

Pourtant la démographie européenne suscite de nouveaux besoins étrangers

De plus en plus de voix commencent à se lever en Tunisie pour remettre à plat cette approche qui ne tient pas compte de la réalité. Aujourd’hui, l’Europe fait face à un déficit démographique significatif, creusant l’écart entre le nombre des décès en hausse et celui des nouveaux nés en baisse. Dans une note publiée cette semaine, François Bayrou, Commissaire français au Plan en donne l’alerte, appelant à mettre en débat la politique migratoire. De son côté, Valéry Pécresse, qui rempile à la présidence de la région Ile de France, lorgnant l’Elysée pour 2022, parle d’une nécessaire « migration sélective et voulue».

Les besoins en main d’œuvre agricole, saisonnière ou à plein temps, de qualifications professionnelles dans de nombreux métiers, de soignants et de personnels d’aide à la personne, se multiplient dans plusieurs pays européens. Face à la droitisation accentuée des partis politiques et aux surenchères électorales, un vrai débat sur la migration et l’intégration est occulté. Bien au contraire, la stigmatisation du migrant, souvent lié à l’insécurité, est agitée en danger imminent. De nombreux pays du Sud de la Méditerranée et du Sahara continuent de leur côté d’aborder la question migratoire à travers le prisme des faibles aides au développement et au contrôle des frontières, alors que le vrai débat est ailleurs.

Il est temps de discuter avec l’Europe de la régularisation des sans-papiers, ces dizaines de milliers de personnes maintenues dans la clandestinité et l’abus de leurs droits, menacé d’expulsion à tout moment. Sans cette régularisation, avec en corollaire un programme de regroupement familial et d’intégration, la précarisation des migrants non-réguliers et leur marginalisation sera facteur de risques et de tension.

Une vision nouvelle

Un corridor sécurisé pour une migration organisée, bien préparée et bien suivie, est également à négocier avec l’Europe. Des centaines de vies périssent en mer, chaque année, n’épargnant ni femmes enceintes, ni bébés. Ce drame humanitaire qui continue sous le regard insouciant ne saurait perdurer davantage. Des trafiquants d’êtres humains et leurs complices dépouillent les désespérés contraints à l’aventure et leurs familles de leurs derniers sous, promettant l’eldorado guère garanti.

C’est un débat en profondeur qui doit s’instaurer. Il n’y a pas que les vedettes des garde-côtes en panne à réparer et multiplier, des passeurs à arrêter et poursuivre en justice, des misérables à dissuader, des maigres aides publiques au développement à obtenir, c’est une vision nouvelle à partager entre la Tunisie et l’Europe. Sans une approche innovante, incluant régularisation, corridor sécurisé, et migration organisée, le cercle vicieux fera tous tourner en rond.