News - 16.05.2021

Israël - Palestine: faire le départ entre le terrorisme et la résistance

Ahmed Ounaïes: Terrorisme et résistance

Par Ahmed Ounaïes - Les Etats européens s’obstinent, à propos du conflit qui oppose Israël aux Palestiniens,  à confondre terrorisme et résistance. La résistance est inhérente à l’occupation. La confusion n’est pas excusable, sachant la part prise par la majorité des pays européens dans les cas d’occupation, qu’ils aient été occupants ou victimes de l’occupation. Ceux d’entre eux qui ont assumé la résistance ne sauraient succomber de bonne foi à la confusion. La résistance forme la culture politique des nations. L’amalgame trahit la mauvaise foi.

Si le terrorisme et la résistance font usage de violence, ils s’inscrivent néanmoins dans des contextes distincts et obéissent à des définitions radicalement différentes par leur genèse, leur finalité, leur insertion dans le tissu social et politique ainsi que par la nature de leur commandement.

Le terrorisme est une action offensive pouvant survenir partout et à tout moment ; imprévisible et délocalisé, il s’exerce à froid et se donne les objectifs les plus divers. La résistance est la réaction à l’invasion et à l’occupation étrangère ; elle est essentiellement défensive et guidée par un objectif national. La mobilisation pour la résistance n’obéit ni à un calcul d’opportunité ni à une quelconque idéologie, c’est un acte intime et prévisible qui exprime le devoir naturel de défendre l’intégrité et le droit de la nation.

La résistance n’est pas le fait d’un chef, ni d’un parti, ni d’une religion, elle procède de l’âme même du citoyen, en un élan spontané, que le citoyen reçoive l’appel d’un chef ou qu’il ne le reçoive jamais. Le peuple résiste à l’oppression avec ou sans direction politique en place. L’émergence de la direction politique dérive de l’impératif de résistance et non l’inverse. Les directions politiques se constituent et, même décimées, se reconstituent non parce que des chefs en ont décidé mais parce que le peuple, à la base, assume l’impératif de la résistance.

Le terrorisme recherche et recrute ses agents et ses exécutants. La résistance n’a pas à recruter, elle ne fait que canaliser la mobilisation spontanée des militants dans la base nationale la plus large. L’élan de mobilisation est irrésistible parce que, sous l’occupation, la nation n’existe et ne survit que dans la résistance. Hors la résistance, elle cesse d’être et  cesse de représenter une entité pour elle-même et pour les autres nations. La dynamique de la résistance maintient la nation en vie, donne un contenu à la solidarité nationale, ennoblit l’esprit de lutte et investit le militant d’une responsabilité qui dépasse sa personne. Par lui-même, l’esprit de résistance affermit l’espoir. Un jour, grâce à l’abnégation de ses propres enfants, la nation retrouvera la liberté. Parce que la résistance maintient cet espoir, nul ne s’y dérobe et on ne se pardonne pas de faiblir. Le destin des faibles est tranché à l’égal de celui des traîtres.

La résistance est l’expression du droit de légitime défense inhérent à l’existence d’une nation. En réaction à l’occupation, la nation est en droit d’assurer sa légitime défense, de préserver son intégrité et d’opposer une résistance cohérente dans le but de mettre fin à l’occupation. Le terrorisme, expression d’une stratégie d’intimidation et d’une capacité purement destructrice, ne saurait se prévaloir d’un droit quelconque de défense et ne saurait donc jouir d’aucune légitimité.

La base nationale qui, dans toutes ses composantes, subit l’oppression des forces d’occupation, détermine en dernier ressort le contenu politique de la résistance et lui confère son sens, sa finalité et la reconnaissance nationale et internationale. A l’inverse, le terrorisme dérive de la volonté d’un noyau dirigeant qui détermine et modifie à son gré sa finalité et ses exigences en fonction de ses calculs ou de son idéologie. Le terrorisme, qu’il soit individuel ou de groupe, peut se prévaloir d’une idéologie ou d’un dogme, mais jamais de l’autorité d’une nation.

La résistance prévaut tant que sévit l’occupation et cesse avec la fin de l’occupation ; le terrorisme dure autant qu’en décident ses dirigeants et ne disparaît qu’avec la disparition de ses dirigeants.

Le principe du terrorisme est le calcul. Le principe de la résistance est la dignité. C’est pour la dignité que les résistants acceptent le sacrifice suprême, et pour l’honneur que la nation reconnaissante les porte au Panthéon.

Rappelons ce bref extrait du Chant des Partisans que le peuple français entonnait sous l’occupation, au nom de la Résistance, et dont j’entends encore les accents au fond de ma mémoire.

«Montez de la mine, descendez des collines, camarades!
«Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades.
«Ohé, les tueurs à la balle et au couteau, tuez vite!
«Ohé, saboteur, attention à ton fardeau : dynamite.»

La dernière strophe n’est pas moins expressive:

«Ami, entends-tu ces cris sourds du pays qu’on enchaîne?
«Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines?»

La résistance n’est pas le monopole des européens. Le Sommet de Brégançon sur le terrorisme, le 14 mai,  était pour la Tunisie l’occasion de lever la confusion qui n’est pas seulement conceptuelle : dans la guerre qui nous est imposée en Palestine, la clarification fixe les responsabilités et donne le ton.

Ahmed Ounaïes